Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : un pastelliste heureux

  • Van Gogh écrivain : St-Rémy - 4. nov./déc. 1889

     

    CORRESPONDANCE - EXTRAITS CHOISIS

     

     peinture,van gogh,saint-rémy

    Vincent Van Gogh –  cueillettes d’olives, déc. 1889, The Metropolitan Museum of Art, New York

     

          L'art, mon garçon, ce n'est pas de recommencer ce que les autres ont fait... c'est de faire ce qu'on a vu avec ses yeux, senti avec ses sens, compris avec son cerveau... Voir, sentir et comprendre, tout est là !... Et puis exprimer aussi, diable !... Mais que veux-tu exprimer, si tu n'as rien vu, et si ce que tu as vu, tu ne l'as pas compris !...

          « Voir, sentir, comprendre », ces trois mots, il les répétait à chaque instant. Cela résumait toute son esthétique parlée. Lucien n'était pas éloquent. Et les phrases commencées, il les achevait souvent dans un geste, qu'accompagnait toujours, en manière de conclusion, cette trinité de verbes : « Voir, sentir et comprendre ! »

                                                        Octave Mirbeau – Dans le ciel, Roman, chapitre 15, 1893

     

    Lettre au peintre Emile Bernard – vers le 26 novembre 1889

     

          Dans un courrier à sa sœur Willemien, Van Gogh lui parle de son ami le peintre Emile Bernard : « C’est un peintre jeune – il a vingt ans tout au plus - très original. Il cherche à faire des figures modernes élégantes comme des antiques grecques ou égyptiennes, une grâce dans les mouvements expressifs, un charme par la couleur hardie. Il vient de m’envoyer 6 photographies d’après des tableaux de lui de cette année et par contraste ce sont des sujets bibliques bizarres et fort critiquables, mais tu vois par là que c’est un curieux, un chercheur qui essaie de tout. C’est comme des tapisseries moyen-âge, des figures raides et très colorées. Mais je n’admire cela que médiocrement parce que les Préraphaélistes anglais ont fait ces choses-là avec plus de sérieux et de conscience et de savoir et de logique. »

           Le 26 novembre, Vincent adresse une longue lettre à Emile Bernard. Ayant toujours eu un langage très libre avec son jeune ami, il le critique amicalement, mais fortement, au sujet des tableaux que celui-ci a peints en Bretagne auprès de Gauguin.

          Ce long courrier m’a paru très intéressant et je le reproduis, ci-dessous, dans sa presque intégralité :

     

     

    Mon cher ami Bernard,

      

    Tenez, dans « L’adoration des bergers », le paysage me charme trop pour oser critiquer, et, néanmoins, c’est trop fort comme impossibilité de supposer un enfantement comme ça, sur la route même, la mère qui se met à prier au lieu de donner à téter, les grosses grenouilles ecclésiastiques agenouillées comme dans une crise d’épilepsie sont là, Dieu sait comment, et pourquoi ! Mais je ne trouve pas ça sain, moi.

    Parce que moi j’adore le vrai, le possible, si toutefois je suis capable d’un élan spirituel, et alors je m’incline devant cette étude, forte à faire trembler, du père Millet, les paysans qui portent à la ferme un veau né dans les champs. Or, mon ami, cela depuis la France jusqu’en Amérique, les gens l’ont senti. Apres cela viendrez-vous nous renouveler les tapisseries moyen-âge ? Vraiment, est ce une conviction sincère ? non ! Vous savez mieux faire que ça et vous le savez qu’il faut chercher le possible, le logique, le vrai, dussiez vous un peu oublier les choses parisiennes à la Baudelaire. Comme je préfère Daumier à ce monsieur-là !

    Une « Annonciation », de quoi ? Je vois des figures d’anges - ma foi élégantes - une terrasse avec deux cyprès, que j’aime beaucoup ; il y a là énormément d’air, de clarté… mais, enfin, cette première impression passée, je me demande si c’est une mystification, et ces figurants ne me disent plus rien.

    Mais suffit pour que tu comprennes que je soupirerais de revoir de toi des choses comme le tableau qu’a de toi Gauguin, cette promenade de Bretonnes dans une prairie d’une si belle ordonnance, d’une couleur si naïvement distinguée. Et tu échanges cela contre du – faut-il dire le mot – du factice, de l’affectation !

    L’année passée vous faisiez un tableau - d’après ce que me disait Gauguin - à peu près, je suppose, ainsi : sur un avant plan d’herbe une figure de jeune fille en robe bleue ou blanche, étendue tout de son long, un second plan, lisière de bois de hêtre, le sol couvert de feuilles rouges tombées, les troncs vert de grisés le barrant verticalement. La chevelure je la suppose une note colorée du ton nécessité comme complémentaire de la robe blanche, noire si le vêtement était blanc, orangée si le vêtement était bleu. Mais enfin, je me disais, quel motif simple et comme il sait faire de l’élégance avec rien.

    peinture,van gogh,saint-rémy, bernard

    Emile Bernard – Madeleine au bois d’amour, 1888, musée d’Orsay, Paris

     

    Et lorsque je compare cela à ce cauchemar d’un « Christ au jardin des oliviers », ma foi je m’en sens triste, et te redemande par la présente, à hauts cris et t’engueulant ferme de toute la force de mes poumons, de vouloir bien un peu redevenir toi.

    « Le christ portant sa croix » est atroce. Sont elles harmonieuses les tâches de couleur là-dedans ? Je ne te fais pas grâce cependant d’un poncif – tiens poncif – dans la composition.

    Lorsque Gauguin était à Arles, comme tu le sais, une ou deux fois je me suis laissé aller à une abstraction, dans « La berceuse », une « Liseuse de romans » ; et alors l’abstraction me paraissait une voie charmante. Mais c’est terrain enchanté ça, mon bon ! et vite on se trouve devant un mur. Je ne dis pas, après toute une vie mâle de recherches, de lutte avec la nature corps à corps, on peut s’y risquer ; mais quant à moi, je ne veux pas me creuser la tête avec ces choses-là.

    Toute l’année j’ai tripoté d’après nature, ne songeant guère à l’impressionnisme, ni à ceci, ni à cela. Cependant encore une fois je me laisse aller à faire des étoiles trop grandes et - nouvel échec - j’en ai assez. Donc actuellement je travaille dans les oliviers. Va, ça m’intéresse davantage que les abstractions ci-dessus nommées.

    Si je n’ai pas écrit depuis longtemps, c’est qu’ayant à lutter contre ma maladie et à calmer ma tête, je ne me sentais guère envie de discuter, et trouvais du danger à ces abstractions. En travaillant tout tranquillement les beaux sujets viendront tout seuls.  Il s’agit vraiment surtout de bien se retremper dans la réalité, sans plan conçu d’avance, sans parti pris parisien. Suis, d’ailleurs, fort mécontent de cette année ;  mais peut-être prouvera-t-elle un fondement solide pour la prochaine. Je me suis bien laissé pénétrer par l’air des petites montagnes et des vergers ; avec ça je verrai. Mon ambition se borne bien à quelques mottes de terre, du blé qui germe, un verger d’oliviers, un cyprès - ce dernier, par exemple, pas commode à faire.

    […]

    Voici description d’une toile que j’ai devant moi dans ce moment : une vue du parc de la maison de santé où je suis. Un rayon de soleil, le dernier reflet, exalte jusqu’à l’orangé, l’ocre sombre. Des figurines noires rôdent çà et là entre les troncs. Tu comprendras que cette combinaison d’ocre rouge, de vert attristé de gris, de traits noirs qui cernent les contours, cela produit un peu la sensation d’angoisse dont souffrent souvent certains de mes compagnons d’infortune, qu’on appelle “voir rouge”. Et d’ailleurs le motif du grand arbre frappé par l’éclair, le sourire maladif vert-rose de la dernière fleur d’automne, viennent confirmer cette idée.

     

    peinture,van gogh,saint-rémy

    Vincent Van Gogh –  Le jardin de l’hospice Saint-Paul, déc. 1889, Van Gogh Museum, Amsterdam

     

    […]

    Je te parle de cette toile pour te rappeler que pour donner une impression d’angoisse, on peut chercher à le faire sans viser droit au jardin de Gethsémani historique, que pour donner un motif consolant et doux il n’est pas nécessaire de représenter les personnages du Sermon sur la montagne.

    […]

    La Bible ! La Bible ! Millet dès son enfance étant éduqué là-dedans, ne faisait que lire ce livre-là ! Et pourtant jamais, ou presque jamais, il ne fit de tableaux bibliques. Corot a fait un « Jardin des oliviers », avec le Christ et l’étoile du berger, sublime. Dans son oeuvre on sent Homère, Eschyle, Sophocle, aussi parfois comme l’évangile ; mais combien discret, et prépondérant toujours les sensations modernes possibles communes à nous tous. Mais, diras-tu, Delacroix ? Oui ! Delacroix – mais alors tu aurais encore tout autrement à étudier, oui étudier l’histoire avant de mettre les choses à leur place comme ça.

    Donc, c’est un échec, mon brave, tes tableaux bibliques ; mais.... il y en a peu qui se trompent comme ça, et c’est une erreur ; mais le retour de cela sera, j’ose croire, épatant ! C’est en se trompant qu’on trouve parfois le chemin. Va, revenge-t’en en peignant ton jardin tel qu’il est ou ce que tu voudras. En tout cas, c’est bon de chercher du distingué, de la noblesse dans les figures, et tes études représentent un effort fait, donc autre chose que du temps perdu.

    Savoir diviser une toile ainsi en grands plans enchevêtrés, trouver des lignes, des formes faisant contraste, c’est de la technique, des trucs, si tu veux de la cuisine, mais enfin c’est signe que tu approfondis ton métier, et cela c’est bien. Quelque haïssable que soit la peinture, et encombrante au temps où nous sommes, celui qui a choisi ce métier, s’il l’exerce quand même avec zèle, est homme de devoir et solide et fidèle. La société nous rend parfois l’existence bien pénible, et de là aussi vient notre impuissance et l’imparfait de nos travaux.

    […]

    Moi je souffre de ce que je manque de modèles absolument. Par contre, il y a des beaux sites ici. Viens de faire 5 toiles de 30 des oliviers. Et si je reste ici encore c’est que ma santé se refait beaucoup. Ce que je fais est dur, sec, mais c’est que je cherche à me retremper par du travail un peu rude et je craindrais que les abstractions ramollissent.

     

    peinture,van gogh,saint-rémy

    Vincent Van Gogh –  Cueilleurs d’olives, nov. 1889, Kröller-Müller Museum, Otterlo

     

     

          Le 8 décembre, Théo écrit à Vincent : « Un ami de Bernard nommé Aurier est venu Rue Lepic. Il s’intéresse beaucoup à ce que tu fais et m’a montré un petit journal qu’il a dirigé « Le modernisme illustré » où il a parlé de la boutique de Tanguy et où il cite aussi tes tableaux ».

          Dans le courant de l’été, Emile Bernard a préparé un court article concernant Van Gogh et l’a envoyé à Aurier pour le faire paraître dans le même magazine.

     

     Lettre à Théo – vers le 19 décembre 1889

     

    Tu le verras peut-être aussi dans la toile pour les Vingtistes, que j’ai expédiée hier : « Le champ de blé au soleil levant ». Je suis curieux de savoir ce que tu diras du champ de blé, il faudra le regarder pendant quelque temps peut-être.

    peinture,van gogh,saint-rémy

    Vincent Van Gogh –  Champ de blé au soleil levant, déc. 1889, collection privée

     

    Je te serre bien la main en pensée, je vais encore travailler un peu dehors ; il fait du mistral. Vers le moment du coucher du soleil cela se calme un peu d’habitude, alors il y a des effets superbes de ciels citron pâle et les pins désolés détachent leurs silhouettes là contre avec des effets de dentelle noire exquise.

    D’autres fois le ciel est rouge, d’autres fois d’un ton extrêmement fin, neutre, de citron pâle encore mais neutralisé par du lilas fin.

     

     

     

  • VERMEER AU LOUVRE : Une servante célèbre

     

    VERMEER Johannes – La laitière, 1659, Rijksmuseum, Amsterdam

     

     

    peinture, écriture, vermeer, hollande, louvre, dou, van mieris

     

        Inespéré… J’ai réussi à me glisser au premier rang, coincé entre un homme grisonnant, deux femmes attentives, et un groupe de touristes.

        La servante la plus célèbre au monde est devant moi. La célébrité de cette petite toile n’est pas usurpée : on ne voit qu’elle à la télé, dans les magazines, et même sur les pots de yaourts… Il est rare que la peinture hollandaise présente une servante comme motif unique d’un tableau... Serait-ce la servante de l’artiste qui s’appelait Tanneke ? A quoi pense-t-elle ?

        Je retrouve la robuste femme que j’avais rencontrée au Rijksmuseum il y a quelques années. Elle n’a guère changé, solide, les manches retroussées, la tête inclinée jaugeant le flot de lait s’échappant de la cruche en terre qu’elle tient de ses bras puissants. Une lumière venant de la fenêtre modèle son corps massif devant le mur du fond, nu et endommagé. Un décor rustique : corbeille à pain, cruche, chaufferettes, plinthes en carreaux de Delft. Le carreau cassé à la fenêtre n'a pas été remplacé. Les couleurs affectionnées par le peintre sont présentes : bleu… jaune citron… Complémentaires, ces couleurs accolées l’une contre l’autre, s’interpellent.

     

     

        Un touriste, grand brun frisé placé à mes côtés, tenait une jeune femme blonde par les épaules. Il parlait à sa compagne d’une voix douce mais claire : « On nous avait bien parlé d’un précurseur de l’impressionnisme ! Vois-tu de l’impressionnisme dans cette peinture dans la plus pure tradition hollandaise de cette période ?… Une servante est saisi dans l’intimité de son travail quotidien ; les couleurs sont agréables à l’oeil et la lumière savamment répartie. C’est tout ! Une belle peinture classique… Rien de plus que les excellents peintres hollandais du 17! ».

         Le personnage semblait satisfait de son appréciation sur ce qu’il voyait et souriait fièrement à la jeune femme. Je levai la tête et le fixai avec insistance.

         - Excusez-moi, j’ai entendu votre remarque… Vous faites erreur, monsieur, car Vermeer fut bien le premier peintre impressionniste !… Vous paraissez en douter ?

         Il ne répondit pas, inquiet.

        - Approchez-vous de la toile… Maintenant, examinez l’extraordinaire « nature morte » peinture,vermeer,hollande,louvre,disposée sur la table. Elle aurait pu être le motif unique d’un tableau : sur une table, la jatte contenant le lait, un pichet bleu très sombre, une corbeille en osier et quelques petits pains.
 La technique en touches fragmentées ne vous rappelle-t-elle pas certaines toiles de Camille Pissarro que vous devez connaître, ce peintre des bords de l’Oise qui apparaissait comme le patriarche de ce groupe d’artistes français au 19e qui avaient la lumière comme unique religion.

     

     

     

         J’attendis un instant pour développer mon argumentation.

        - Les miches de pain sont peintes avec des teintes terres et ocres… Mais qu’a fait l’artiste ensuite ? Avec la pointe du pinceau, il a rajouté sur ces couleurs de base un fourmillement de petites touches légèrement plus claires dans les parties ombrées. Dans les zones où l’éclairage est le plus fort, le pain est éclaboussé de tâches brillantes carrément blanches, juxtaposées, qui accentuent l’intensité lumineuse… N’est-ce pas de l’impressionnisme çà ?… La croûte du pain paraît tendre, cuite à point… Ce pain croustille, monsieur !

         La jolie blonde n’osait plus bouger, collée contre son ami. J’insistai : 

        - Regardez le reste de la toile. Le procédé se répète sur le pot bleu foncé criblé de pointspeinture,vermeer,hollande,louvre, bleu pâle et blancs. Les bords de la cruche rougeâtre sont perlés d’un blanc presque aussi vif que le liquide qui s’en écoule. Partout, vous retrouvez la touche fragmentée : sur la table, la corbeille à pain, le tablier bleu de la femme, ses bras, son bonnet… Maintenant, reculez-vous légèrement et plissez les yeux. Pas trop mon ami, vous n’allez plus rien voir ! La lumière entre par la fenêtre et tombe directement sur la servante qui est inondée de vibrations lumineuses. Même les parties ombrées ne sont pas grisâtres, mais teintées de lueurs colorées.

     

     

     

     

     

     

         Le grand brun faisait tout ce que je lui disais, sans un mot, impressionné.

      - Avez-vous déjà vu cette technique, réellement innovante à cette époque, chez les contemporains de Vermeer ?

         Je n’attendis pas la réponse.

        - Oui monsieur, il s’agit bien, en plein 17ème siècle hollandais, de la naissance de ce style qui allait révolutionner la peinture à la fin du 19e en France. Vermeer fut l’un des premiers à concevoir la couleur comme un phénomène soumis aux variations de l’éclairage et à la perception de l’œil humain...

         Mon voisin voulut partir en entraînant la jeune fille. Sadiquement, je le retins par sa veste et lui assénai le coup de grâce.

       - Attendez ! Un exemple simple : vous connaissez la fameuse série des Cathédrales de Rouen que Claude Monet a peintes à différentes heures de la journée ? Elles sont recouvertes de touches colorées épaisses qui accentuent le relief de la pierre et précisent les changements de tonalités apportés par la lumière extérieure… Il s’agit du même procédé que Vermeer utilise sur ses miches de pain ! Monet, à ses débuts, aurait payé cher pour profiter des leçons d’un tel maître.

         Je terminai, compatissant.

         - Je suis désolé de m'être laisser déborder par ma passion mais j’admire tellement ce peintre que je ne peux supporter l’indifférence ou l’incompréhension envers lui.

        Mon interlocuteur, qui devait être le guide du petit groupe de touristes demeuré silencieux, s’éloigna, vexé.

         La cuisinière hollandaise de Gerard Dou est accrochée juste en face de la laitière. Je jette un œil distrait sur la toile où l’on retrouve les nombreux détails habituels utilisés par le peintre : carottes pointées vers le spectateur, lanterne, une volaille pendue. La femme arbore un sourire entendu. Aucune comparaison possible avec Vermeer, la sensibilité n’est pas la même…

     

    peinture,vermeer,hollande,louvre,dou,

    Gerard Dou – La cuisinière hollandaise, 1650, musée du Louvre, Paris

     

     

         Je m’attarde un dernier instant devant la servante. Il s’agissait du premier chef-d’œuvre du jeune Vermeer âgé d’environ 25 ans. Je ressentais la tendresse que l’artiste éprouvait pour cette robuste femme : une princesse en tablier…

     

     

  • Comme il nous manque

     

    Brassens, chanson, Jeanne, copain d'abord

     

    Georges Brassens aurait été centenaire en cette année 2021.

     

    Chez lui, à Sète où il est né, les fenêtres étaient toujours ouvertes. Dans sa courette, sa mère Elvira chantait toute la journée. D’origine italienne, elle rêve que Georges soit notaire ou médecin.

    À 15 ans, Georges a déjà des poèmes en tête, comme celui de Pénélope, ci-dessous. Il les trouve minable et les brûle.

    « Que mon amante Pénélope

    Par à coups me fasse cocu

    Avec un marchand d’escalopes,

    La faim, ma foi je n’ai rien vu »

     

     

    Indiscipliné, fréquentant une bande de jeunes voyous à Sète où il habite, le futur poète, après un délit, est contraint de partir s’installer chez une tante à Paris dans le 14ème arrondissement.

    Il ne fait rien et passe son temps dans la bibliothèque municipale à étudier les poètes et la versification.

    Brassens, chanson, Jeanne, copain d'abord

     

    En 1943, il a 21 ans et rencontre Jeanne et son mari chez lesquels il vient habiter dans l’impasse Florimont du quartier. Il y restera plus de 20 ans. Jeanne lui offre une guitare, il récupère un piano et compose de nombreuses chansons qu’il note sur des petits cahiers.

     

     

     

     

     

    Huit années passent. C’est presque la misère chez Jeanne. Georges va aux réunions du mouvement anarchiste français. En 1947, il publie à compte d’auteur un texte délirant « La lune écoute aux portes » que seuls ses copains lisent.

    Il écrit, peaufine, rature, retravaille dans le respect des règles de la versification. Il lit les plus grands : Rabelais, Villon, Rimbaud, Verlaine, Hugo, Trenet.

    Brassens, chanson, Jeanne, copain d'abord

    Des personnages apparaissent : « Les amoureux qui s’bécot sur les bancs publics », « Le vieux Léon », « Une jolie fleur », « Putain de toi », « L’Auvergnat », « Jeanne », « Fernande ».

    Il veut que ceux qui entendent sa musique croient qu’il parle, qu’il ne sait pas chanter, qu’il fait des petites musiquettes faciles. « Ceux qui disent que mes musiques sont toujours les mêmes ou inexistantes sont des connards ! ».

     

     

    Françoise Giroud, 1953, dans «France Dimanche" : « Dès qu’il paraît en public, son corps se dérobe. Il est bientôt couvert de sueur, une sueur qui tombe en large gouttes jusque dans ses yeux. Alors il s’ébroue, furieux. Il chante, tête baissée, buté, lourd, blême sous son casque de boucles noires. Noires aussi, dans son visage un peu mou, deux flaques douces, tristes : les yeux, où se réfugie tout ce que ce grand gars de 32 ans a conservé de l’enfance. » 

    Brassens, chanson, Jeanne, copain d'abord

     

    C’est la famine à l’impasse. À partir de 1951 Brassens fait les cabarets parisiens avec sa guitare sous le bras. En mars 1952, c’est l’événement : il se présente chez Patachou à Montmartre. Il est tellement intimidé qu’elle doit le pousser sur scène. Il chante « La mauvaise réputation », « La chasse aux papillons », "Les amoureux des bancs publics », « Brave Margot ». Il est pris au Trois Baudets et enregistre un premier disque. Il devient un chanteur sulfureux. Le « Gorille » n’arrange rien, des disquaires refusent de vendre ses disques.

    Brassens, chanson, Jeanne, copain d'abord

     

    La consécration ! En 1953, les galas se multiplient. Georges Brassens est une vedette.

    « La voix de ce gars est une chose rare et qui perce les coassements de toutes ces grenouilles du disque et d’ailleurs. Une voix en forme de drapeau noir, de robe qui sèche au soleil, de coup de poing sur le képi, une voix qui va aux fraises, à la bagarre et… à la chasse aux papillons :

    « Quand il se fit tendre, elle lui dit : J'présage
    Qu'c'est pas dans les plis de mon cotillon,
    Ni dans l'échancrure de mon corsage
    Qu'on va à la chasse aux papillons ! »

     René Fallet 

     

     

    brassens,chanson,jeanne,copain d'abord

    Le cinéma lui propose de faire un essai dans « Porte des Lilas » mais il comprend vite que ce n’est pas sa voie.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les grandes scènes arrivent : l’Olympia, Bobino. Tous les ans, le chanteur se produit dans cette dernière salle qu’il préfère pour la bonne et simple raison qu’elle est proche de son impasse Florimont où il continue d’habiter jusqu’en 1967.

     

    brassens,chanson,jeanne,copains d'abord

     

    Sa vie est devenue un tourbillon. Tout le monde veut voir le phénomène. Après Bobino, chaque année, il part en tournée avec tous le jeunes chanteurs de l’époque. Il distribue son argent, achète la maison de Jeanne dans l’impasse et une propriété non loin de Paris où il reçoit « Les copains d’abord ».

    brassens,chanson,jeanne,copain d'abord

     

    En 1966, un journaliste immortalise la rencontre avec ses grands amis Brel, Ferré, Aznavour...

     

    brassens,chanson,jeanne,copain d'abord

     

     

    Les trompettes de la renommée. Son succès est tel qu’on lui propose l’Académie française. Il répond : « Vous ne me voyez pas avec un bicorne tout de même ». Dans les années 1970, il est devenu un monument de la chanson française. Il soutient et lance les chanteurs de la nouvelle génération : Georges Moustaki, Guy Béart, Maxime Le Forestier, Yves Simon…

     

    brassens,chanson,jeanne,copain d'abord

     

    Il apprend qu’il est atteint d’un cancer. Discret, pour ne pas déranger, il part finir ses jours en octobre 1981 chez un médecin de ses amis. « Comment je souhaite finir ? au jour fixé, sans réticence, s’il me reste encore un peu de dignité, je veux m’en aller sur la pointe des pieds »

     

    À l'annonce de sa mort, Maxime Le Forestier, en concert, sanglotant, interprète une de ses plus belles chansons : "Dans l'eau de la claire fontaine".

     

    Il y a quelques années, à Sète, je me suis recueilli sur la tombe du grand Brassens placée sous un pin parasol, face à la mer.

    « Est-ce trop demander, sur mon petit lopin
    Planter, je vous en prie une espèce de pin
    Pin parasol de préférence
    Qui saura prémunir contre l'insolation
    Les bons amis venus faire sur ma concession
    D'affectueuses révérences

    Et quand prenant ma butte en guise d'oreiller
    Une ondine viendra gentiment sommeiller
    Avec moins que rien de costume
    J'en demande pardon par avance à Jésus
    Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus
    Pour un petit bonheur posthume »

     

    Aujourd’hui plus personne ne se bécote dans les rues de Paris. Le poète est mort. Il faut accrocher sur sa porte, comme il le demandait dans son testament, un écriteau :

    « Fermé pour caus’d’enterrement. » 

     

    Je me suis inspiré pour écrire cet article du petit livre, très complet, bourré de manuscrits de chansons, livres et photos anciennes « Le libertaire de la chanson » de Clémentine Deroudille.

     

     

     

  • Maryna, pianiste et poétesse

     

         J’ai envie de consacrer cet article de rentrée à une magnifique critique de mon roman QUE LES BLÉS SONT BEAUX reçue en plein mois d’août sur le site littéraire Babelio. Elle m’a touché car elle venait d’une véritable artiste.

     

    peinture, van gogh, que les blés sont beaux, Maryna Uzun

         Je me permets de présenter Maryna dont le parcours m’a surpris car elle est pianiste, poétesse, et utilise les mots de la langue française avec une maestria étonnante :

    Née à Odessa (Ukraine), Maryna Uzun vit en France depuis 1997. Elle est pianiste concertiste, lauréate de la Fondation Cziffra et enseigne le piano classique à Prizma. Elle a appris le français en autodidacte et par amour. Un de ses textes a été retenu pour l’anthologie Le goût d’Odessa (2005, Mercure de France).
    Bibliographie : 2 romans (Le Voyage impaisible de Pauline, Les silences d'Isis), poésies

         Un très court extrait, ci-dessous, de sa présentation dans Babelio de son dernier livre : « Souviens-toi de ton Odessa suivi d’autres poèmes »

     

         Comment changer de ton sans même faire un bond ? Je change de démon : je pense à Odessa ! Et j'entends des accords : l'alpha et l'oméga. Parce qu'avec ma terre, avec mon Odessa, j'ai coupé le contact sans couper le cordon. Je change de cantor, je change de temps fort, je comble des temps morts, je vais jusqu'aux transports. Je pense à mes mentors, les mouettes du vieux port, même au conservatoire, oui, qui m'a fait tant croire. Car avec le recul, l'amour ne fait qu'accroître…

     

     

         Voici sa critique de mon roman :

     

    Ce livre est pour ceux qui vont au musée pour y chercher de l'oxygène.
    Vous n'allez pas le croire : on me l'a offert pour ma fête sans que je suggère quoi que ce soit ! Mais cette coïncidence se révèle moins rare quand on me connaît car j'adore lire sur les grands artistes et la peinture est pour moi une source d'émerveillement infini.
    Donc je devais le lire, cela ne pouvait pas être autrement ! Je devais le lire pour son grand luxe de détails et parce que je suis très friande de belles descriptions. Et là, l'écriture d'Alain Yvars a quelque chose de magique : je ne sais pas par quelles associations d'idées les couleurs de Van Gogh défilaient constamment devant mes yeux pendant ma lecture. Le jaune, le violet, le bleu… Je me suis baignée, je me suis noyée dans cette beauté. J'ai particulièrement apprécié le réalisme du livre. La nature est là, on la respire, elle donne faim, le grand air, ça creuse ! Une grande toile, ça creuse…
    C'est un Van Gogh intime avec ses hésitations, ses peurs, ses ivresses. Alain Yvars entre totalement dans le processus de création, il connaît bien plus de choses sur son héros que ce qu'il nous raconte. Il invente car il le faut pour aller toujours plus loin dans son amour pour ce génie. Humanité et divinité d'un artiste. C'est cela le thème de cette oeuvre pour moi.
    C'est un livre si réussi que je me demandais qu'est-ce que ce serait s'il s'agissait non de Van Gogh mais de Vermeer, le peintre préféré d'Alain ? ! Mais Tracy Chevalier l'a devancé. Quoiqu'il n'est jamais trop tard si le romancier change le point de vue…
    Pour résumer, c'est un livre où j'ai trouvé de l'oxygène et de l'inspiration. Un livre après lequel le pinceau est devenu encore plus vivant pour moi. C'est beau et triste à la fois, la fragilité de l'artiste, une sensation de perte d'un être cher qu'on éprouve à la fin. Un sentiment d'humanité qui monte en nous, une envie d'être plus attentifs à chaque instant de vie, aux êtres qui nous entourent. Ce livre, tout en étant un roman, fait étrangement vibrer l'instant comme un haïku.

     

         Encore merci Maryna

     

     

  • Le cahier du soir de Lorraine

     

    écriture,lorraine,poésie    

     

     

         Lorraine… Je l’avais croisée un jour sur le web ; une de ces rencontres de hasard qui se font et se défont au gré de nos affinités.

        Elle avait laissé sur mon blog un commentaire chaleureux qui m’avait fait plaisir. C’était une artiste. Elle adorait les peintres impressionnistes qui « lui mettaient le cœur à leur cadence ». On se comprenait.

         Evidemment, je m’étais empressé de visiter son blog. De suite j’avais apprécié ses articles qui étaient des messages élevant les lecteurs vers le beau. Ses poèmes étaient accessibles immédiatement, sans intellectualisme superflu. Les vers fondaient dans la bouche lorsque l’on en prononçait les mots. Dans ses lignes, perçait la personne attachante qu’elle était : tendre, légère, éternelle amoureuse de la vie et nostalgique de celui qui, aujourd’hui disparu, avait fait vibrer son cœur dans une : « danse en son délire l’avait plus que de raison enserrée dans ses bras ». Il partagea son existence.

         Après avoir longuement profité de cette vie, comme une bougie dont la flamme du temps vacillait, elle s’est éteinte récemment, un jour de février 2018.

     

        Aujourd’hui, nous avons la chance de la voir revenir parmi nous. Les artistes ne meurent jamais. Ses amis et sa famille nous offrent l’essentiel de son talent dans un recueil de poésie que beaucoup attendaient.

         Tous ceux qui aimaient cette femme de grande qualité peuvent obtenir son recueil directement auprès de l’éditeur : The BookEdition.com.

       Lorraine a souhaité que tous les bénéfices de ce recueil soient reversés à l’association « Rêves » qui permet d’apporter un peu de joie aux enfants atteints de maladies graves.

         Revenant de quelques jours en Bretagne, le recueil était dans ma boite à lettres. Je l’ai feuilleté.

        

     

         J’ai eu beaucoup de mal à en extirper un parmi la grande quantité des poèmes publiés.  

        

     

    JE ME SOUVIENS

     

    Je me souviens de mai où fleurissent les roses

    Au jardin d’autrefois, secret et lumineux

    Je me souviens des mois grisailleux et moroses

    Où te me serrais fort quand nous marchions tous deux

     

    Je me souviens de toi quand j’ouvre la croisée

    Sachant qu’un nouveau jour s’ajoute aux anciens

    Je sens battre ce cœur doux et inapaisé

    Qui a gardé ton nom et de nous se souvient

     

    Je sais que tu m’aimas comme je t’aime encore

    Je n’ai pas oublié. Et quand j’ouvre les yeux

    Le matin me fait mal, allumant sans remords

    Le Soleil des beaux jours et l’été insoucieux

     

    Et puisqu’il fallu qu’après toi je survive

    Vieillissant pas à pas tout au long du chemin

    J’attends le dernier jour comme on attend l’eau vive

    Sachant que tu viendras me prendre la main

     

     

         Je ne résiste pas à en mettre un deuxième :

     

    peinture, Lorraine, poésie, degas

    Edgar Degas – Danseuses, 1890, musée d’Orsay, Paris

     

     

    LA DANSEUSE

     

    La ligne de son casaquin

    Soulignait le reflet moiré

    De son torse enrubanné

    Pour la danse des dix sequins

     

    Elle toisait le baronnet

    Prompt à remplir son escarcelle

    Et dont le regard qui harcèle

    Avide la déshabillait

     

    Fière et battant du tambourin

    Elle allait, de désirs casquée

    Effleurant d’un jupon cloqué

    Gentilshommes et muscadins

     

    Un peintre dessina la danse

    Le pied menu et balancé

    Sous l’envol d’un rythme endiablé

    Semble encore compter la cadence…

     

     

         Je n’hésite pas à dire que le talent de cette grande artiste devrait un jour accéder à une plus grande reconnaissance encore auprès des éditeurs s’intéressant à la poésie.

      

     

  • De la poésie picturale

     

    peinture, poésie, A.M. Morazzani

     

         Angèle-Marie Morazzani, auteure de « Il était une fois des poésies et des toiles » m’a fait parvenir son recueil qui m’a beaucoup étonné.

         Ce livre de petit format, un tableau moderne s’encadrant dans une couverture bleue, me donnait la sensation d’être en terrain de connaissance. La présentation intérieure ressemblait à celle que j’avais adoptée pour mes deux recueils « Deux petits tableaux » et « Conter la peinture » proposant des récits sur des toiles de grands maîtres de l’histoire de l’art : un tableau sur une page, confronté à un texte sur la page suivante qui le mettait en valeur.

         La différence était importante entre le recueil d’Angèle-Marie que j’avais sous les yeux et les miens : elle confrontait ses textes poétiques avec des toiles numériques qu’elle avait créées elle-même sur ordinateur dans le logiciel Paint.

     

         L’auteure a déjà publié des livres pour les enfants et de la science-fiction.

       J’ai été intéressé par le graphisme et le travail de coloriste des images qui est particulièrement réussi. L’ensemble du recueil est un beau travail de précision. Poèmes et images se répondent l’un l’autre. L’osmose fonctionne. J’ai donc chroniqué avec plaisir son recueil sur le site littéraire Babelio.  Ma chronique est lisible en entier sur ce lien : ICI

     

         Je vous donne un exemple du travail de poésie de l’auteure sur la trentaine de toiles numériques qu’elle a créée. Le texte est d’actualité :

     

    peinture, poésie, A.M. Morazzani

     

    ILS SONT TOMBÉS

     

    Ils sont tombés dans l’abîme.

    La mort les a ensevelis.

    Et de leur lit d’infortune,

    Ils maudissent

    Ceux qui les ont menés au front,

    Ceux qui les ont menés au fond ;

    Six pieds sous terre,

    À l’ombre de la vie.

     

         Angèle-Marie Morazzani est éditée sur le site Bookelis.com.

     

  • Recueil de nouvelles : DEUX PETITS TABLEAUX

         A l’ère du numérique, la plateforme de publication et de partage de documents en ligne Calaméo permet de feuilleter et consulter de façon dynamique, avec une extrême simplicité, un document numérique.

         Mon blog a déjà publié de nombreuses nouvelles, courtes fictions liées au monde artistique de la peinture. Afin d’en permettre une lecture plus attrayante, j’ai regroupé plusieurs de ces nouvelles en un premier recueil librement consultable à l’écran.

         Pour cela, il suffit de cliquer sur son image de couverture :

       

    recueil,dentellière,vermeer

     

     

  • VERMEER AU LOUVRE : Au théâtre

     

    VERMEER Johannes - La Lettre d’amour, 1670, Rijksmuseum, Amsterdam

     

    peinture, vermeer, louvre, hollande

     

         Depuis le 10 mars dernier, je présente chaque semaine une visite virtuelle de l’exposition « Vermeer et les maîtres de la peinture de genre » qui se tient au Louvre. Celle-ci se terminera le 22 mai prochain.

         Six de mes œuvres préférées (sur 12 exposées) du maître de Delft ont été présentées. Je laisse aux futurs visiteurs du musée le plaisir de découvrir par eux-mêmes les 6 dernières, montrant : 3 musiciennes, 2 épistolières et une Allégorie de la foi catholique.

         Pour terminer, je souhaite vous proposer, aujourd’hui, la visite d’une œuvre qui avait été prévue par le Louvre dans l’exposition. Elle figure bien dans le catalogue, mais, malheureusement, est absente : La Lettre d’amour. Pourquoi ? Elle devrait être montrée dans les musées qui prolongeront l’exposition parisienne jusqu’en 2018 : « National Gallery of Ireland », « National Gallery of Washington ».

         Ayant déjà écrit dans le passé un récit sur La Lettre d’amour, ma visite virtuelle, ci-dessous, a utilisé ce récit que j’ai largement remanié.

     

         Nous sommes installés, attentifs, devant la petite toile. Un groupe de visiteurs étrangers, agglutinés autour de leur guide, vient à peine de s’éloigner.

         Aujourd’hui, mon amie Audrey m’accompagne : la Lettre d’amour de Johannes Vermeer nous est offerte.

          - Etrange peinture, dit Audrey, interrogative ?

       - N’est-ce-pas ! Au Siècle d’or hollandais, dans leurs peintures de scènes de la vie quotidienne, les peintres suggéraient souvent une courte narration qui donnait vie à leurs toiles. C’est le cas dans ce tableau, seule toile du maître de Delft, avec une œuvre de jeunesse ressemblante La jeune fille endormie, qui nous fait pénétrer dans l’intimité d’un intérieur bourgeois par une porte judicieusement entrouverte.

         Le regard clair d’Audrey me regarde, intéressée.

       - Veux-tu découvrir la scène par l’intérieur, dis-je en riant ?… Imagine-toi que tu es au théâtre. Une porte entrouverte dans un sombre réduit à balais débouche sur une pièce éclairée occupée par deux jeunes femmes… Laisse-toi aller et fixe intensément le tableau. Nous allons nous introduire par la pensée dans la toile afin de mieux la comprendre… Tu me suis, Audrey.

         Celle-ci, curieuse, me regardait sans trop saisir mon intention. Je continue.

        - Viens. Entrons discrètement dans le réduit à balais très sombre, juste à côté d’une chaise sur laquelle un linge et une partition chiffonnée ont été déposés négligemment. A leur insu, nous pourrons observer les femmes placées au centre de la pièce en pleine lumière. N’as-tu jamais, étant enfant, aimé regarder par les trous de serrure ?

         Audrey commençait à comprendre.

         - Que remarques-tu, dis-je ?

         - La robe satinée de la joueuse de luth est superbe.

        - C’est tout… Un peu léger comme analyse, Audrey… Bon ! Nous sommes dans le peinture,vermeer,louvre,hollanderéduit. Faisons-nous tout petits. Les comédiennes ignorent notre présence proche. Voyeurs, nous observons une comédie muette de gestes et de regards. Des objets sont dispersés un peu partout : un balai, un panier à linge, un coussin, des tableaux au mur, des chaussures traînent par terre en désordre. Un bric-à-brac voulu par le peintre.

        Audrey buvait mes paroles. Elle était entrée dans le jeu que je lui proposais. J’eus le sentiment qu’elle se tassait sur elle-même pour mieux se blottir dans le réduit à balais. « Continue, me dit-elle, amusée ».

         - La servante vient d’interrompre son travail pour remettre une missive à sa maîtresse qui se distrait en jouant du luth. Soucieuse, la musicienne arrête de jouer, redoutant l’ouverture de l’enveloppe. Lèvres entrouvertes, l’inquiétude amoureuse se lit dans son regard qui interroge la servante : rupture ou rendez-vous ? Observe la mine réjouie de celle-ci qui s’épanouit d’un sourire complice, presque ironique. Elle a laissé en plan ses travaux de ménage et semble pressée de connaître le contenu de la lettre qui l’intrigue tout autant que sa maîtresse. Le drame se noue… Les deux femmes se regardent, réunies dans une même interrogation immobile.

       Un visiteur pressé se plaça à nos côtés, bousculant et perturbant Audrey qui vivait passionnément le spectacle.

         - Ne te laisse pas distraire dis-je à mon amie. Scrute la perspective… Le quadrillage de la
    pièce est savamment ordonné. Le dessin des dalles noires et blanches attire automatiquement le regard vers l’intérieur de la deuxième pièce. La méthode utilisée par Vermeer était d’une grande précision : partant du point de fuite situé juste au-dessus de la chaise dans le petit couloir où nous sommes blottis, une corde trempée dans la craie lui permettait de tracer des lignes dans toutes les directions et, ainsi, d’agencer, comme un architecte, les différents plans du tableau.

         - Simple et habile à la fois, s’exclama Audrey !

        - Maintenant, examine l’essentiel : la lumière… Celle-ci, magique, arrive par la gauche etpeinture,vermeer,louvre,hollande tombe en plein sur les personnages. Les deux couleurs fétiches du peintre s’harmonisent : la robe en satin jaune de la musicienne accolée au bleu éclatant du tablier de la servante. Les tons sont d’une grande douceur. Vois la marine et le paysage idyllique suspendus au mur : à cette époque, ils symbolisaient le calme, bon présage en amour…

         Audrey était totalement investie dans l’action. Je dus insister pour qu’elle sorte de la toile.

       - Tu peux revenir dans la réalité. Epatant ce face à face psychologique entre ces deux femmes, ne trouves-tu pas ? Ce tableau est l’un des plus secret de Vermeer… Le peintre était au sommet de son art en cette année 1670.

        Dans le catalogue de l'exposition du Louvre, la toile de Vermeer est rapprochée d'un tableau dont la perspective et la composition sont semblables : Couple au perroquet de Pieter de Hooch. Voisins à Delft durant quelques années, les deux peintres se copiaient l’un l’autre. Cette fois, ce fut De Hooch qui s’inspira de son ami en montrant une scène dans un intérieur dont l'impact psychologique était bien différent de la scène de Vermeer.

     

    peinture,de hooch,louvre,hollande 

    Pieter de Hooch – Couple au perroquet, 1668, Wallraf-Richartz Museum, Cologne

     

     

        Avant de nous éloigner nous observâmes La lettre d’amour à distance. Une atmosphère mystérieuse, envoûtante, enveloppait le petit tableau scintillant dans la pénombre… La domestique, espérant toujours l’ouverture de la lettre, semblait s’impatienter. 

         Vont-elles ouvrir la lettre, me dit Audrey ?

     

     

     

  • En souvenir de Georges

     

    BRASSENS

     

         Un souvenir ancien.

       En vacances à Sète, la ville de Georges Brassens, j’étais allé me recueillir sur la tombe où le poète reposait à l’ombre d’un pin parasol. Il faisait beau. J’étais resté un long moment en pensant au chanteur moustachu qui nous avait donné du bonheur.

         L’espace Brassens faisait face au cimetière. Je m’étais emparé d’un petit livre de poèmes et chansons de l’artiste.

        brassensLe soir, fébrile, je feuilletais le bouquin en repensant au poète, l’un des « grands » parmi les auteurs-compositeurs-interprètes de la chanson française qui nous avaient quittés : Brel, Ferré, Barbara, Aznavour, Ferrat…

         En parcourant le livre, je pensais, nostalgique…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

         Malgré sa « mauvaise réputation » et son côté « gorille », un peu « voyou » parfois, j’aurais bien enfourché un « petit cheval » pour retrouver cet ami qui m’avait enchanté autrefois.

       Nous aurions fait une balade ensemble. Peut-être aurions-nous « chassé les papillons » en cours de route, avant de faire une halte sur quelques « bancs publics ». Déjà assise sur le banc, la « brave Margot » aurait dégrafé son corsage pour l’appétit de son chat et de quelques vauriens.

         « L’Auvergnat » nous aurait sûrement rejoint. Malheureusement, il n’avait pu venir à cause de son rendez-vous avec « Marinette ». Cette femme le menait par le bout du cœur, et il avait eu l’air d’un con avec sa « jolie fleur ».

         En fin de journée, pour se reposer, nous nous serions assis « auprès de son arbre ». On « se serait fait tout petit » devant cette poupée qui passait par là. C’était « la femme d’Hector ».

        Non loin, « le bistrot », nous aurait accueilli. La patronne « Jeanne », claudiquant avec sa canne, faisait partie de sa famille.

         Avant de rejoindre « les copains d’abord », nous aurions croisé « Fernande » qui se baignait toute nue « dans l’eau de la claire fontaine » pour nous faire plaisir.

     

    Que de souvenirs !

     

    LES CROQUANTS (Extrait)

     

    Les croquants vont en ville, à cheval sur leurs sous,
    Acheter des pucelle' aux saintes bonnes gens,
    Les croquants leur mett'nt à prix d'argent
    La main dessus, la main dessous...
    Mais la chair de Lisa, la chair fraîch' de Lison
    (Que les culs cousus d'or se fass'nt une raison !)
    C'est pour la bouch' du premier venu
    Qui' a les yeux tendre' et les mains nues...

     

  • L'art et l'histoire dans les romans

     

    Si vous appelez la peinture une poésie muette, le peintre pourra dire du poète que son art est une peinture aveugle.

     

    Traité de la peinture – Léonard de Vinci

     

     

     

         La littérature dans notre histoire, les arts plastiques, en particulier la peinture, ont un lien privilégié. Depuis de nombreuses années, je leur consacre ce blog.

         J'ai eu envie aujourd'hui de faire connaître deux excellents blogs littéraires que je connais depuis peu dans lesquels je retrouve souvent cette passion qui m'anime. Par ailleurs, on trouve dans ces blogs  de nombreuses informations, dont je donne un aperçu ci-dessous, que l'on a peu l'habitude de rencontrer dans les blogs littéraires. 

     

    2018-DESTINATION-ART.jpg

     

    BALLADE AU FIL DE L'EAUhttps://www.cathjack.ch/wordpress/

     

     

         Catherine, la blogueuse littéraire qui vient de faire une superbe chronique de mon roman QUE LES BLÉS SONT BEAUX, a rajouté une nouvelle page sur son excellent blog. On la retrouve dans la rubrique "Coups-de-coeur" : L'art dans les romans et polars

        Je conseille fortement à tous ceux qui, comme moi, sont passionnés par les romans sur l'art de visiter cette page. Les auteurs de romans (ou la plupart) sont référencés par ordre alphabétique, avec le titre de leur livre et le style pictural se rapportant au récit. Un lien vers le site Histoire de l'art permet de trouver un descriptif très bien rédigé des différents styles qui ont traversé l'histoire de l'art depuis le Gothique jusqu'au Suprématisme.

         Dans cette même rubrique "Coups-de-coeur" Catherine a pris soin de répertorier quelques pays ou endroits à découvrir, de nous inciter à faire un voyage en compagnie de leurs écrivains, ou des sagas qui se déroulent dans ces pays… Une liste détaillée de nombreux romans et biographies historiques classés par époque de l'histoire et par pays nous est également offerte. 

         A lire : De très belles chroniques de livres solidement argumentées.

     

     

     

    bandeau lunettes - Copie.jpg

     

     

    LE CLUB DU ROMAN HISTORIQUEhttps://romans-historiques.blogspot.com/

     

     

         Si vous aimez les romans historiques, ce blog est passionnant. Tous les romans  historiques qui ont été publiés en France sont classés par époques depuis la préhistoire jusqu'à notre époque contemporaine.
         Une somme : 9.465 romans répertoriés, avec un texte de présentation et les détails techniques de chaque livre, tous ayant un lien avec l'histoire : Religions, légendes, mythologies, policiers, thrillers, biographie, art, terroir, aventure, etc.

         A lire : De nombreuses chroniques de livres très détaillées que l'on ne se lasse pas de feuilleter.

     

         Si les romans historiques ou les romans sur l'art font partie de vos lectures favorites, n'hésitez pas à parcourir sans modération ces deux blogs qui sont d'un haut niveau dans ces catégories peu abordées ailleurs.

     

     

  • Des Impressionnistes aux Nabis

     

    Peinture, écriture, impressionnisme, néo-impressionnisme, éditions Macenta, Patrick Godfard

     

    « Pour moi, un tableau doit être une chose aimable, joyeuse et jolie, oui : jolie. » - Auguste Renoir

     

         Le mot « jolie » dans la citation de Renoir correspond parfaitement au livre de Patrick Godfard publié dans une édition d’art richement illustrée. L’auteur nous présente une dizaine de récits sur quelques-uns des peintres les plus représentatifs de la peinture impressionniste et néo-impressionniste qui révolutionna la peinture académique ambiante à la fin du 19e siècle : Manet, Degas, Cézanne, Monet, Renoir, le Douanier Rousseau, Gauguin, Caillebotte, Van Gogh, Sérusier. Ces courts récits, basés sur des faits véridiques de vie et de travail du peintre, sont étayés de tableaux, citations de l’artiste et commentaires de contemporains.

         La critique était féroce pour tous ces artistes avant-gardistes qui étaient régulièrement rejetés du Salon officiel. Leur crédo : touche libre, peinture claire, étude en plein air, tons purs appliqués par petites touches d’un jet sur la toile, observation de la lumière changeante modifiant les couleurs, sensations fugitives et éphémère des choses. Les couleurs, juxtaposées, libérées de toute servitude au dessin, s’exaltaient mutuellement.

     

    impressionnisme,

    Édouard Manet – Portrait d’Émile Zola, 1868, Musée d’Orsay, Paris

     

         Émile Zola, avec Baudelaire, sera l’un des rares à défendre la nouvelle peinture. En 1867, jeune critique d’art, il publiera sur Edouard Manet une longue étude biographique. Il le considérait « comme l’un des maîtres de demain dont la place est au Louvre ». En remerciement, Manet lui offrira son portrait : « Portrait d’Émile Zola ».

     

     

    néo-impressionnisme

    Paul Gauguin – D'où venons-nous ? qui sommes-nous ? où allons-nous ? 1897, Museum of fine arts, Boston

    PAUL GAUGUIN : « La couleur devient reine. Elle peut défaire la réalité, n’être plus que symbole ». Son long combat contre l’existence et la tyrannie de la couleur se terminera aux Marquises, fatigué et rongé par la syphilis. Avant de mourir, il écrira : « La peinture est comme l’homme, mortel mais vivant toujours en lutte avec la matière. ». Ce jour-là, son voisin s’écriera : « Koké est mort, il n’y a plus d’hommes. »

     

     néo-impressionnisme

    Vincent Van Gogh – L’Église d’Auvers, 1890, musée d’Orsay, Paris 

    VINCENT VAN GOGH : Vincent vit son dernier été à Auvers-sur-Oise. Il se sent comme un oiseau en cage dans sa vie et peint désespérément. « Il entend un cri, un cri qui lui semble déchirer la toile. Ce cri des corbeaux s’envolant vers l’horizon ? Ou bien, ce cri, est-ce lui-même ? Le cri de la douleur, le cri de la douleur du monde. » Avant l’acte fatal, Vincent gardera sur lui un brouillon de lettre écrite à Théo : « Mon travail à moi, j’y risque ma vie, et ma raison y a sombré à moitié. »

     

    impressionnisme,

    Claude Monet – Cathédrale de Rouen, 1894, façade ouest, lumière du soleil, National Gallery of Art, Washington

    CLAUDE MONET : seul dans une chambre face à la cathédrale de Rouen, l’artiste tente de défier la lumière en peignant une série de toiles de l’église. Au fur et à mesure de l’avancement de la journée, il change de toile afin de capter les variations atmosphériques. Il fait des cauchemars : « La cathédrale me tombe dessus : elle me semble ou bleue ou rose ou jaune… ». À sa mort, en 1926, son ami Georges Clémenceau se serait écrié : « Pas de noir pour Monet ! ».

     

    impressionnisme

    Auguste Renoir - La Balançoire, 1876, musée d'Orsay, Paris

    AUGUSTE RENOIR : Sa peinture est un chatoiement de lumières colorées déposées en flocons par petites touches sur la toile. La lumière se disperse partout animant les objets et les personnages de « La balançoire », qui aurait pu être peinte dans une des allées du Moulin de la Galette et son fameux bal, à Montmartre. Un monde en apesanteur.

     

    néo-impressionnisme

    Henri Rousseau - La Charmeuse de serpents, 1907, musée d’Orsay, Paris

    DOUANIER ROUSSEAU : Un naïf autodidacte qui n’a jamais appris à peindre. Il émeut par ses toiles. Il révèle la primitivité de l’être à travers cette « Charmeuse de serpents » qui charme la nature, annonçant le surréalisme.

     

    impressionnisme,

    Paul Cézanne - Nature morte aux pommes et pêches, 1906, National Gallery of Art, Washington

    PAUL CÉZANNE : « Sentir pour mieux savoir, savoir pour mieux sentir ». En ce mois d’octobre 1906, Cézanne est sorti peindre lorsqu’un orage le surprend. Il est mal. Il repense à son ami d’école, Émile Zola, à Aix-en-Provence. Il regrette leur amitié flétrie. Comme une pomme… Il se souvient lui avoir dit autrefois : « Avec une pomme, je veux étonner Paris. »

     

    impressionnisme,

    Edgar Degas - Danseuses en bleu, 1899, musée Pouchkine, Moscou

    EDGAR DEGAS : Pour Degas, le dessin primait sur la couleur. Son aspiration unique : exprimer un mouvement qui n’efface pas la ligne. Photographe, avec quatre clichés de ses « Danseuses en bleu », il les réunit dans un cercle laissant penser qu’elles ne sont plus qu’une.

     

    impressionnisme

    Paul Sérusier - Le Talisman, 1888, musée d'orsay, Paris

    PAUL SÉRUSIER : À Pont-Aven, Gauguin, qu’il considère comme un prophète (ou nabi en hébreu), lui dicte la réalisation du « Talisman », son célèbre tableau : « Comment voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien, mettez du jaune ! Cette ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l’outremer pur ! Ces feuilles rouges ? Mettez du vermillon ! »

     

         J’ai lu une excellente introduction, sensible, trop courte à mon goût, à l’histoire de l’art. J’avais déjà beaucoup apprécié en début d’année le livre de Patrick Godfard : « Les fêtes galantes ou les rêveries de Watteau et Verlaine ». J’ai retrouvé avec plaisir ce passionné de peinture : « Enfant, j’adorais faire les puzzles de tableaux célèbres. C’était comme une ivresse : un éparpillement de couleurs sans formes, un magma de pensées, d’émotions. Je devenais Renoir, je devenais Monet, je devenais Gauguin. »

     

     

  • Reproductions de tableaux dans recueils

     

         La critique de mon recueil « Deux petits tableaux » par mon amie Maryna m’a Deux petits tableaux BON 2,2 Mo.jpgfait particulièrement plaisir, car elle parle des reproductions de tableaux insérées dans mes recueils. La vision de ces reproductions est aussi importante que mes textes afin que le lecteur puisse faire connaissance en mots et en images avec les œuvres des artistes qui ont fait l’histoire de l’art.

      J’obtiens ces tableaux en téléchargement libre auprès des grands musées mondiaux, essentiellement les musées américains. Malheureusement, la plupart des musées européens, dont la France, ne permettent toujours pas l’accès de leurs images pour publication sans paiement.

     

    Critique de Nemorino (Maryna Uzun)

    ★★★★★

     

    23 mars 2023

     

    L'auteur nous conte la peinture, les peintures qu'il prédilectionne. Mais chaque fois différemment car l'angle de vue et donc le ton changent prodigieusement. Pour ouvrir le spectacle, c'est Alain Yvars, en première personne du singulier, qui se balade au Louvre, en spectateur émerveillé, et nous fait part de ses coups de coeur insoupçonnés. Parfois c'est un artiste peintre lui-même qui nous dévoile ses peurs et nous relate la genèse d'une de ses huiles comme Auguste Renoir, invité à une guinguette pour danser, même maladroitement. Parfois c'est un modèle qui nous confie ses émotions par rapport au tableau qui l'honore. Et les modèles varient d'une jeune couturière montmartroise qui ne connaît rien à l'art pictural, jusqu'à Berthe Morisot, divine peintre elle-même. Parfois même c'est un caniche, sorti de la toile de Jan van Eyck « le portrait des époux Arnolfini », qui s'exprime avec tendresse et perspicacité !
    Puis le « je » d'Alain Yvars revient, pour nous conter son hallucination inspirée par l'air parfumé et le soleil cogneur de la Provence mais aussi par la jolie chanson de Michel Berger « Cézanne peint //Silence les grillons// Sur les branches immobiles… » Ou encore pour parler de la Laitière impressionniste de Johannes Vermeer par le biais de sa rencontre anecdotique avec un visiteur terre à terre dans un musée d'Amsterdam.
    Les reproductions qu'Alain Yvars soumet à nos yeux, ne sont pas des images quelconques, ramassées au hasard. Elles nous sont aussi nécessaires que les textes du livre. Ce sont des reproductions en haute définition qu'il repère dans les plus prestigieux musées du monde qui autorisent le téléchargement gratuit. Malencontreusement, en ce qui concerne les photographies des toiles conservées dans les établissements français, il est obligé à les acheter très cher, car ces deniers passent leur temps à augmenter leurs prix ! Les recherches de photos de qualité supérieure sont
    une partie intégrante et primordiale du travail d'Alain Yvars, parce que, sans elles, les nouvelles auraient été plus pâles malgré leur intérêt indéniable. D'après l'auteur, le droit à l'image reste encore un barrage en Europe, en dehors de certains musées comme le Rijksmuseum et le Mauritshuis en Hollande.
    Que de fantaisie, d'audace, de sensualité, cher Alain ! Votre choix est individuel pour chaque oeuvre et chaque créateur mis en scène. Vous entrez dans la peau de n'importe qui et vous épousez son vocabulaire avec succès ! C'est cela que je trouve extraordinaire sans parlez de vos descriptions ravissantes, dispendieuses, qui nous jettent dans les bras de la peinture !
    Ce bouquin est un pur bonheur ! Félicitations, Alain !!! Maintenant, reposez vos yeux avertis, prenez un immense bol d'air, dans la verdure naissante, pour vous récompenser de vos efforts d'humble serviteur de l'Art !