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Si l'art était conté... - Page 22

  • La puce

     

     

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    Georges de la Tour – La femme à la puce, Musée historique lorrain, Nancy

     

       

     

    Poème

     

      Une jeune puce insouciante

     Escaladait nonchalante

     La manche tricotée

     D’un vieil homme attablé.

      

    Celui-ci, brusquement, leva son verre

     Dans une attitude familière,

     Bousculant la bestiole volage

     Qui plongea dans l’épais lainage.

      

    Le calme revenu aux alentours

     Et profitant d’un contre-jour,

     La puce se remit à sauter

     Sous l’œil surpris du bonhomme amusé.

      

    Etonné par son allure peu farouche

     Il l’examinait d’un œil louche,

     Evitant de trop bouger

     Ne voulant pas la déranger.

     

    L'animal s’aventura jusqu’à la main

     Qu’il escalada d’un bond opportun,

     Atterrissant sur le pouce

     Qui frémit sans aucune secousse.

      

    Le vieillard solitaire, en manque de tendresse,

     De la puce appréciait la joliesse,

     Admirait sa grâce coquine

     Et son allure mutine.

      

    Il s’apitoyait devant sa petitesse,

     Son apparente faiblesse,

     Pouvait-elle devenir son amie

     Pensait-il attendri ?

      

    La puce sautillait sur la peau accueillante,

     Souple et attirante.

     L’homme séduit, ravi,

     Etait heureux, déjà conquis.

        

    La puce prenait ses aises,

     Un petit doigt lui servit de trapèze,

     Elle s’élança vers l’annulaire

     D’une savante pirouette dans les airs.

     

    Le bonhomme voulu dans un élan de tendresse

     Lui donner une simple caresse.

     Il approcha doucement l’autre main

     Dans un geste incertain.

     

    Du vieillard, le discret mouvement furtif

     effraya l’insecte craintif.

      La puce hésita à piquer

     Et d’un saut s’enfuit apeurée.

      

    Accablé par sa maladresse,

     Le vieil homme, en grande détresse,

     contempla sa main désertée

     Par son amie soudainement envolée.

     

    Effondré, il saisit la bouteille familière,

     Sans hésiter approcha son verre,

     L’emplit du liquide carmin

     Et dans l’alcool noya son chagrin.

     

     

                                                                                               Alain

     

      

  • Un brin de bonheur

     

     

          muguet.jpgIl est enfin arrivé ! Je veux parler du muguet annonciateur de douceur et d'escapade aérée.

          Je suis heureux de vous offrir quelques clochettes du jardin. Ce n'est que du muguet virtuel mais je pense que ces petits brins graciles vous feront plaisir.

          Un bon mois est passé depuis que j'ai quitté, à regret, Vincent Van Gogh le long d'un champ de blé. Il me manque... Ces deux mois passés en sa compagnie à Auvers-sur-Oise m'ont mangé pas mal d'énergie visuelle et cela m'incite à souffler un peu.

          Ce problème de santé oculaire va me contraindre durant ce l'on appelle « la belle saison » à me faire plus rare sur le blog.

          Néanmoins, pas d'inquiétude, mon cerveau fonctionne parfaitement et j'ai des idées. Mon grand ami Johannes Vermeer, et aussi beaucoup d'autres peintres, taquinent mes pensées. J'attendrai donc de pouvoir les côtoyer à nouveau dans une condition physique optimale.

          Je ne vous oublie pas et je continuerai à fréquenter assidûment vos blogs.

          A bientôt

     

     

                                                                               Alain

     

  • A Jean, le poète

     

     
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    JEAN FERRAT

     

     

          La mort d'un poète est toujours une perte pour l'humanité.

          Nous n'entendions plus assez cette voix chaude, ce timbre clair, cette musique lumineuse et ces textes tendres, provocateurs parfois. Jean Ferrat était un homme discret, pudique, engagé, retiré dans l'Ardèche depuis quarante ans, loin des paillettes du monde médiatique.

          J'ai ressenti le besoin de réécouter des anciennes cassettes que je possédais. Je partage avec vous quelques bouts de refrains et phrases dont je dépose les mots en vrac :

     

    Pour les enfants des temps nouveaux

    Restera-t-il un chant d'oiseau

     

    Ils s'appelaient Jean-Pierre Natacha ou Samuel

    Certains priaient Jésus Jéhovah ou Vichnou

    D'autres ne priaient pas mais qu'importe le ciel

    Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

     

    Je twisterais les mots s'il fallait les twister

    Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez

     

    Et c'était comme si tout recommençait 

    La vie l'espérance et la liberté

    Avec le merveilleux le miraculeux voyage

    De l'amour

     

    Ma môme elle joue pas les starlettes

    Elle met pas des lunettes de soleil

    Elle pose pas pour des magazines

    Elle travaille en usine

    A Créteil

     

    Pourtant que la montagne est belle

    Comment peut-on s'imaginer

    En voyant un vol d'hirondelle

    Que l'automne vient d'arriver

     

    Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre

    Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant

    Que cette heure arrêtée au cadran de la montre

    Que serais-je sans toi que ce balbutiement

           

    Au grand soleil d'été

    Qui court de la Provence

    Des genets de Bretagne

    Aux bruyères d'Ardèche

    Quelque chose dans l'air a cette transparence

    Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche

    Ma France

     

     M'en voudrez-vous beaucoup

    Si je vous dis un monde

    Où celui qui a faim va être fusillé

    Le crime se prépare et la mer est profonde

    Que face aux révoltés montent les fusillés

    C'est mon frère qu'on assassine

    Potemkine

     

    Enfin enfin je te retrouve

    Toi qui n'avais jamais été

    Qu'absente comme jeune louve

    Ou l'eau dormant au fond des douves

    S'échappant au soleil d'été

    Tu peux m'ouvrir cent fois les bras

    C'est toujours la première fois

     

    Faut-il pleurer faut-il en rire

    Fait-elle envie ou bien pitié

    Je n'ai pas le cœur à le dire

    On ne voit pas le temps passer

     

    Aimer à perdre la raison

    Aimer à n'en savoir que dire

    A n'avoir que toi d'horizon

    Et ne connaître de saison

    Que par la douleur du partir

    Aimer à perdre la raison

     

    Tu aurais pu vivre encore un peu

    Mon fidèle ami mon copain mon frère

    Au lieu de partir seul en croisière

    Et de nous laisser aux chiens galeux

    Tu aurais pu vivre encore un peu

     

     

    Au revoir Jean, nous ne t'oublierons pas

     

     

  • L'âge d'or hollandais - De Rembrandt à Vermeer

     

    Mes "coups de coeur"

     

     

          Je reviens une dernière fois sur l'exposition qui se tient actuellement jusqu'au 7 février prochain à la Pinacothèque de Paris. Le Rijksmuseum d'Amsterdam qui s'est séparé de quelques-unes des œuvres qui font sa richesse, les a confiées à la France pour quelques mois. Les reverrons-nous un jour ?

          J'ai consacré mon dernier article exclusivement à Vermeer et sa Lettre d'amour. Je me devais de montrer quelques-unes des autres toiles présentes dans l'exposition.

          Aujourd'hui, je décris mes « coups de cœur » rencontrés tout au long du parcours de visite menant à la petite toile de Vermeer qui clôture l'exposition. Mon choix est évidemment subjectif compte tenu de l'exceptionnelle qualité des toiles présentées.

          Au départ, j'avais prévu de me limiter à 8 tableaux seulement et, finalement, je n'ai pu me résigner à en supprimer certaines. J'ai donc choisi 12 tableaux qui viennent tous du Rijksmuseum. Ceux-ci m'ont paru les plus représentatifs de l'extrême diversité des talents qui oeuvraient dans le bouillonnement artistique de ce siècle d'or.

     

          Un état de grâce submerge la peinture au cours de ce 17ème siècle hollandais...

          Pour la première fois, au Pays-Bas, ce n'est plus l'histoire sainte, la mythologie grecque ou l'histoire qui deviennent le thème central du tableau, mais la vie quotidienne des gens.

          Un art libre s'installe. Le peuple néerlandais est prospère et la demeure familiale s'impose comme le modèle idéal pour le pays. Les principaux acheteurs deviennent des bourgeois aisés. Les peintres se spécialisent en fonction de la demande et de leurs goûts propres : portraits, paysages, natures mortes, églises et scènes de genre. Ces dernières, de dimensions réduites, s'accrochent plus facilement dans les salons. L'art est présent partout, même dans les demeures les plus humbles.

          Quelques uns des plus grands peintres de l'histoire mondiale de la peinture s'épanouissent dans cet âge d'or : Rembrandt, Vermeer et Hals rayonnent, accompagnés par un bouquet de peintres exceptionnels aux talents variés.

     

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    Rembrandt Harmensz van Rijn – Le reniement de Saint-Pierre, 1660

     

          A tout seigneur, tout honneur !

          Rembrandt est considéré comme un des plus grands peintres de tous les temps. Il est le génie universellement admiré.

          Dans ma sélection, il est le seul peintre pour lequel j'ai choisi de présenter deux œuvres. La deuxième œuvre clôturera ma sélection. Je montre Le reniement de Saint-Pierre en premier.

          Je suis resté longtemps planté devant ce tableau qui est, à mes yeux, avec La lettre d'amour de Vermeer, l'œuvre majeure de l'exposition.

          Toute la virtuosité du peintre est concentrée dans cette grande toile montrant une scène biblique. « On ne peut voir un Rembrandt sans croire en Dieu, disait Van Gogh ».

          Quel morceau de peinture ! Une obscurité aux tonalités brunes est percée d'une lumière irréelle qui jaillit en son centre. Cette clarté provient d'une bougie dont la lueur traverse la main d'une servante et éclabousse l'habit et le visage de Saint-Pierre. Sur la droite, dans la pénombre, le Christ se tourne vers le saint dans un ultime reproche.

          La manière exceptionnelle de Rembrandt nous saisit : ambiance crépusculaire, empâtements, transparences lumineuses, couleurs monochromes. Quelque chose de surnaturel...

     

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          Pas facile d'être une femme peintre à cette époque !

          Fille de botaniste et femme de peintre, elle acquiert une technique éblouissante dans la peinture des fleurs. La finesse dans le rendu des détails est d'une précision étonnante.

     

     

     

     

     

     

     

     Rachel Ruysch – Nature morte de fleurs sur une table de marbre, 1716

     

       

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    Hendrick ter Brugghen – Adoration des rois mages, 1619 

     

          Le peintre voyage en Italie et revient ébloui par Le Caravage dont il reproduit la lumière artificielle et les contrastes dramatiques.

          Les grandes toiles religieuses ne sont pas très courantes à cette époque. J'ai été frappé par l'étrange enfant Jésus au visage de vieillard trempant ses mains dans la coupe qui lui est tendue. Les personnages sont superbement modelés. La finesse et l'harmonie des couleurs éclatent.

     

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    Nicolaes Berchem – Troupeau de bétail traversant le gué, 1656 

     

          Parmi plusieurs paysages, mon choix a porté sur celui-ci. Ce peintre, ami du plus connu des paysagistes hollandais Jacob van Ruysdael, bénéficia d'un important succès de son vivant. Il peignait des paysages remplis de personnages et d'animaux d'une grande maîtrise technique.

          J'aime le coucher de soleil éclairant la scène d'une couleur automnale.

      

    portraithomme.jpg         Un style peu conventionnel. Ce peintre est incontestablement le plus talentueux avec Rembrandt dans l'art du portrait. Rembrandt aurait bien pu s'inspirer de cette liberté de touches sans rivale à Haarlem où il résidait. Il avait le talent de fixer à grands traits, rapidement, par des coups de pinceaux forts et vivaces, l'impression fugitive donnée par ses modèles. Déjà l'impressionnisme ?

           Je n'ai pas oublié La bohémienne au regard coquin du Louvre ! Les contemporains de Hals appelaient « l'écriture du maître » cette technique audacieuse et vivante.

           Dans ce portrait, d'une touche relachée et souple il saisit le caractère aristocratique et l'élégance de l'homme. La virtuosité du rendu de la collerette impressionne...

     

          Frans Hals – Portrait d’homme, 1635 

     

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          Peintre d'un monde élégant, raffiné.

          Une impression d'éternité poétique se dégage de la jeune femme fille, probablement la sœur de l'artiste, travestie en paysanne.

           Le clair-obscur, la virtuosité des coloris, la douceur de la lumière ne sont pas très éloignés des toiles de Vermeer. Les deux hommes devaient d'ailleurs être intimes car Ter Borch apposa sa signature sur un acte notarié, à côté de celle de Vermeer, deux jours après le mariage de celui-ci.

     

     

                                                                    Gérard ter Borch – Jeune fille en costume de paysanne, 1650 

     

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          On discute les prix dans un atelier de tailleur où de jeunes apprentis sont concentrés sur leur ouvrage.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     Quiringh van Brekelenkam – L’atelier du tailleur, 1661

     

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          C'est un éloge de la piété dans la vie quotidienne.

          La femme prie devant son repas. La jouissance des biens du monde doit conduire à Dieu, disait-on. Le chat, symbole de convoitise, tente de profiter de l'extase de cette femme âgée pour s'approprier quelques aliments.

          Une belle lumière accentue l'intimité de la scène.

     

      

                                                                                      Nicolaes Maes - Vieille femme en prière, 1656

     

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          On prie beaucoup à cette époque ! Cette fois, il s'agit d'un couple d'humbles paysans. La lumière modestement dispensée par une lucarne sur le côté enveloppe la jeune femme magnifiquement.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Cornelis Bega – Le bénédicité, 1663 

       

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    Pieter de Hooch – Scène d’intérieur avec une mère épouillant son enfant, 1660
     

           De Hooch fut l'artiste novateur de cette nouvelle peinture de genre hollandaise représentant la vie quotidienne dans des scènes familiales d'intérieurs bourgeois ouverts sur des cours illuminées où des enfants s'amusent.

          Dans cette toile, l'épouillage de l'enfant par sa mère symbolise le bonheur familial et la propreté dont la ville de Delft avait la réputation. L'échappée sur une autre pièce où la lumière pénètre de l'extérieur accentue la perspective et les effets de contre-jour éclairant tout le tableau.

          C'est un éloge de la vie domestique dans un foyer hollandais net et serein...

     

     toilette.jpg       J'adore Jan Steen ! Un surdoué pouvant tout peindre !

          On retrouve son humour décapant dans beaucoup de ses toiles montrant de nombreux personnages de milieu populaire dans des ambiances festives. Ce sont des scènes burlesques ou des représentations des faiblesses humaines : ivrognerie, amour vénal, gourmandise, jeux.

          Même dans la peinture de cette femme assise sur son lit l'humour du peintre reste perceptible. La jeune femme, probablement une courtisane, fait sa toilette dans une attitude un brin érotique. Son visage souriant semble indiquer qu'elle est satisfaite d'elle-même et de son pouvoir de séduction.

           Cela ne semble pas émouvoir le petit chien qui a pris la place dans le lit...

      

     Jan Steen – Femme à sa toilette, 1660

     

     

           C'est une étonnante toile du fils de Rembrandt, Titus, habillé en moine.peinture hollandaise,pinacothèque,rembrandt,

          A cette époque, le peintre est vieillissant, fatigué. Sa femme Saskia et trois de ses enfants sont morts. Ce portrait exprime de la tristesse.

          Une lumière céleste semble éclairer le visage du jeune homme qui émerge de l'obscurité ocre. Rembrandt pressent-il que ce fils mourra avant lui à 27 ans ?

           « Pour peindre comme ça, il faut être mort plusieurs fois, disait Van Gogh ».

     

     

     

     

     Rembrandt Harmensz van Rijn – Portrait de son fils Titus, habillé en moine, 1660, Rijksmuseum, Amsterdam

     

     

             C'est fini...

          J'ai pris beaucoup de plaisir à montrer ces peintures. De nombreux autres peintres présents dans l'exposition auraient pu figurer dans mes « coups de cœur ». Je pense à Van Ruisdael, Mignon, De Heem, Van de Velde, Pynacker, De Witte... Mais il fallait faire un choix.

          Je pense que vous aurez apprécié la qualité de cette douzaine de toiles qui ne peut que donner envie d'aller les voir de plus près.

      

                                                                                     Alain

     

          J'espère que la vision de ces magnifiques tableaux s'ouvrira pour vous et vos familles sur un Noël lumineux et une excellente fin d'année.

          Je serais heureux de vous retrouver début janvier avec mon ami Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise.

     

     

     

  • Le temps qui passe

     

     

     

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    Berthe Morisot – Le berceau, 1872, Musée d’Orsay, Paris

     

     

    Je me souviens encore de ce premier jour de décembre

    où j'entrai anxieux dans la chambre.

    Tu étais là, petit être fragile,

    Dans un lit douillet tu reposais tranquille.

     

    Intimidé, presque ridicule,

    Je m'approchai et frôlai tes mains minuscules.

    Tu le sentis et tes doigts agiles

    Agrippèrent mon pouce d'un geste déjà habile.

     

     

    Ta maman dormait dans une pièce voisine ;

    Ravi, je contemplai ton expression mutine.

    Devant toi ce jour là je compris

    Pour la première fois l'importance de la vie.

     

    La plus belle oeuvre d'art

    Est éclipsée par le premier regard

    D’un nouveau-né qui ne demande rien

    Hormis un tendre câlin.

     

    Nous avons vieilli toi et moi,

    Le temps nous a imposé sa loi,

    Mais j’ai encore en mémoire ce jour de ta naissance

    Où je fis ta connaissance.

     

     

     

                                                                    Alain

     

     

     

     J'adresse ces mots à ma fille née un 1er décembre

  • Le sang des chaînes

     

     

    Une aide bien modeste...

    Je suis heureux de participer à faire connaître un blog dont le propriétaire vient de publier son premier recueil de nouvelles - Le sang des chaînes - le 17 août dernier.

    Je m'attarde parfois à lire ses nouvelles et descriptions de paysages qui expriment toujours une grande sensibilité.

    C'est de la belle écriture comme je l'aime.

    Le lien que je fais sur l'article qu'il a écrit le jour de la publication du livre vous permettra de faire connaissance :

    Pat de bigorre

     

                                                                                                                     Alain                           

     

  • Un musée des impressionnismes à Giverny - Le jardin de MONET

     

      

     

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          Il était temps ! L'exposition se termine samedi prochain, 15 août.

          L'ancien Musée d'Art Américain n'a pas changé de look mais de nom en 2009. Il est devenu le Musée des impressionnismes et veut s'intéresser à l'histoire de l'impressionnisme et à ses conséquences sur l'art du 20ème siècle.

          Blotti dans un jardin découpé à l'ancienne en carrés fleuris éclatants de couleurs, il est toujours aussi agréable de se rendre dans ce musée proche de quelques centaines de mètres de la maison et des jardins de Claude Monet à Giverny. L'artiste y vivra de 1883 à sa mort en 1926, soit 43 ans.

          Comme souvent, le ciel normand bleu diaphane, presque délavé, est morcelé de nuages moutonneux qui laissent filtrer quelques rayons de soleil au gré de leurs humeurs. Pour une fois, la chaleur est présente.

          - Is that parking free ?

          Je ne suis pas encore sorti de la voiture que déjà un touriste japonais s'inquiète de savoir si son budget vacances résistera durablement aux prix exorbitants des places de parkings en France.             

          Je lui souris béatement pour le rassurer.

          - Oh ! Yes, it is free !

          J'accompagne ma réponse d'un geste significatif en arrondissant les doigts de ma main droite : « Zero !... Free ! ».

          Rassuré l'homme s'éloigne rejoindre sa compagne qui semble s'impatienter.

     

          Il fait toujours frais dans ce musée. J'inspecte les lieux. Je constate que les tableaux des excellents artistes américains que je voyais souvent exposés dans ce lieu semblent avoir disparu.

          « Ce n'est qu'un œil, mais bon dieu, quel œil ! » s'exclamait Paul Cézanne en parlant de Claude Monet.

          Je savais avant de venir que l'expo était entièrement consacrée à Claude Monet et à son travail dans la région de Giverny. Effectivement, il n'y a pratiquement que des toiles de l'artiste. Une bonne vingtaine de tableaux du peintre semblent un peu perdus dans les grandes salles du musée. Ils représentent son jardin, quelques vues des bords de la Seine ou de l'Epte et, surtout, son fameux étang aux nymphéas.

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    Claude Monet – En norvégienne ou La barque à Giverny, 1887, Musée d’Orsay, Paris

     
     

         

          Faute de la quantité, je vais me contenter de la qualité ! Sur ce plan, aucun souci à se faire. Avec Claude Monet, nous sommes dans le meilleur de l'impressionnisme. Un régal !

          Le Musée d'Orsay s'est délesté, à regret certainement, de sept de ses toiles. J'en reconnais certaines d'entrée : Le bassin au nymphéas avec son pont japonais et, mon préféré, le jardin de l'artiste aux iris bleu mauve vibrants dans la lumière.

     
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    Claude Monet - Le bassin aux nymphéas, harmonie rose, 1900, Musée d’Orsay, Paris

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    Claude Monet – Le jardin de l’artiste à Giverny, 1900, Musée d’Orsay, Paris

     

     

     

          La visite est entrecoupée de documents historiques divers se rapportant à la vie de l'artiste : courriers autographes signés, livres sur le jardin et beaucoup de photos d'époque dont plusieurs de Théodore Robinson, peintre faisant partie de l'importante colonie d'artistes américains venus s'installer à Giverny autrefois, attirés par la présence de Monet.
     
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        Photo de Claude Monet, vers 1888-1890                                  

                                                                                                             Photo de Claude Monet près du bassin aux nymphéas, 1905

     
     

          Sur une photo, la famille Hoschedé Monet est installée au grand complet dans le jardin. Ils sont nombreux car Claude Monet, veuf de sa première femme Camille décédée à 32 ans, a épousé en 1892 Alice Hoschedé, veuve également. Ils ont déjà 8 enfants à eux deux de leur premier mariage. Cela fait du monde. Je reconnais Blanche au premier plan, beaucoup plus jeune que la Blanche vieillissante aux cheveux blancs que l'on voit sur les photos de la fin de vie de l'artiste. La belle-fille de Monet fut la compagne attentive et dévouée de ses dernières années. Elle peignait souvent avec lui dans la campagne environnante et une de ses toiles est exposée.

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    Théodore Robinson – photo des Monet et des Hoschedé, 1892, Musée Marmottan, Paris

     

         

          Evidemment, de nombreuses études de nymphéas sont exposées. La plupart ont été retrouvées dans l'atelier du maître après son décès. Elles servaient d'études préparatoires pour les « Grandes Décorations » données à l'Etat par Monet, celles qui enthousiasment les visiteurs du musée de l'Orangerie à Paris depuis 1927.   

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    Claude Monet – Nymphéas bleu, 1916/19, Musée d’Orsay, Paris

                                                                                            Claude Monet – Nymphéas, 1904, Musée des Beaux-Arts, Le Havre

          

          Etrange ! Mes yeux se sont posés par hasard sur les signatures en noir  « Claude Monet » apposées au bas des études. Je ne reconnais pas le jambage minutieux des signatures habituelles du peintre ? Serait-ce des signatures rajoutées par Michel Monet, son fils, qui donna nombre de ces études au Musée Marmottan Monet à Paris ?

           Bof ! L'essentiel est que la peinture soit bien du maître. On ne peut s'y méprendre. L'harmonie picturale des fameux Nymphéas est bien présente : la symphonie des couleurs, les saules pleureurs trempant dans l'onde, les reflets des nuages et les éclats du soleil primesautier, les vibrations des feuillages dans l'eau troublée par le vent, la lumière volage. Seul Monet était capable de rendre ce fouillis aquatique de façon aussi réaliste, souvent proche de l'abstraction.

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    Claude Monet – Nymphéas, 1908, Musée municipal de Vernon

          Je vois un beau paysage du musée d'Orsay ne se rapportant pas à la région de Giverny : Champ de tulipe en Hollande. L'artiste aimait le pays des moulins et des canaux.

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    Claude Monet – Champ de tulipe en Hollande, 1886, Musée d’Orsay, Paris

     
     

          Je reconnais deux des nombreux nymphéas que possède le Musée Marmottan Monet. Les courbes gracieuses de l'agapanthe et de l'hémérocalle ne pouvaient qu'inspirer l'artiste.

    leshémérocalles.jpg        nymphéasetagapanthes-SCA_0002.jpg

    Claude Monet – Les hémérocalles, 1914, Musée Marmottan Monet, Paris

                                                                     Claude Monet – Nymphéas et agapanthes, 1914, Musée Marmottan Monet, Paris

     

     

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          Finalement, la visite a été trop rapide. Je m'assois un long moment, pensif, au milieu des grandes toiles, immense jardin d'eau qui m'entoure.

          Cet homme âgé avait fait un travail colossal, pensai-je. Monet n'avait plus besoin de se déplacer sur le motif, il lui suffisait de piocher dans la « palette » de son jardin. Son style de peinture en fin de vie, peut-être dû à ses problèmes visuels, était proche de l'art moderne...

         

         

     

     

    Claude Monet – Saule pleureur, 1920/22, Musée d’Orsay, Paris

     

          En sortant du musée, je ne suis pas retourné visiter la maison rose de Monet et son jardin. Je les connais si bien.

          J'aperçois le couple de japonais qui m'a accosté en arrivant se diriger d'un pas allègre en direction de la maison rose. Je leur fais un signe de la main. L'homme sifflote, heureux.

                                                                          

                                                                                                    Alain

     

    J'indique ci-dessous, deux récits que j'ai déjà publiés se rapportant au jardin et à l'étang aux nymphéas de Claude Monet :

      Le Clos Normand, un jardin à Giverny - Claude Monet, 1900

      Les Nymphéas - Claude Monet, 1922

     

     

     

     
     
  • Adieu l'abbé, on t'aimait bien

     

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    Le français préféré des français est décédé le 22 janvier 2007.

    A cette occasion, j'avais eu envie d'adresser au Mouvement Emmaüs ce petit poème en leur demandant de le lui transmettre.

    Je pense qu'il ne m'en voudra pas de le publier sur ce blog.

     

     

     

     

     

    Adieu l’abbé

     

     

     

     

      

    Adieu l’abbé, on t’aimait bien,

    Nous les français, on t’aimait bien, tu sais.       (Merci Brel…)

    Tu étais fripé, pas rasé, vieux.

    Petit curé malingre, tu en as fait des envieux !

     

    Champion des causes perdues,

    Tu n’as jamais déçu.

    Tu bravais les lois

    Pour qu’une femme, un vieillard, dorment sous un toit.

     

    Les puissants te craignaient.

    Bien sûr, tu les bousculais !

    Tu ne lâchais rien, vieux coquin,

    Pour aider les clodos, les moins que rien,

    Que la société rejetait

    Parce qu’ils étaient suspects.

     

    « Mes amis, je veux partir », disais-tu,

    Le criant sans cesse, d’un air têtu.

    « Vivement les grandes vacances ! »

    Clamais-tu avec impatience.

     

    C’est fait !

    Ton Seigneur t’attendait depuis longtemps, vieille canaille,

    Mais il savait que tu avais encore du travail.

    Il a dû être satisfait en voyant ton sourire d’éternel gamin

    Et ton regard malin.

     

    Tu voulais retrouver le « Dieu amour »,

    Te voila avec lui pour toujours.

    Fini les combats, les disputes, les perfidies,

    Cela n’existe pas dans ta nouvelle vie.

     

    Alors profite l’abbé,

    Tu l’as bien mérité.

    Dieu doit avoir près de lui quelques jolies naïades,

    Mais modère tes embrassades.

    Garde un peu d’énergie,

    Si par hasard tu croisais quelques sans-logis.

     

    Dans l’esprit de beaucoup, Pierre, tu es un saint.

    L’église ne le reconnaîtra pas, mais cela ne fait rien.

    Pour nous, un saint est celui qui fait le bien,

    Et là, Pierre, tu étais le meilleur

    Toujours à l’écoute de ton cœur.

     

    Si tu as un peu de temps, l’abbé, demande à Dieu

    Qu’il s’occupe un peu plus des gueux,

    Des miséreux qui n’ont rien,

    Ce sont des humains…

    Qu’il soit un Dieu pour tous et pas pour quelques-uns.

    Mais on y pense, Pierre, toi… en Dieu… tu aurais été bien.

     

                                                                                                              Alain

     

  • Sommeil étoilé

     

     

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    Vincent Van Gogh – La nuit étoilée, 1889, The Museum of Modern Art, New York

     

         

          2 heures... Impossible de dormir...

          On m'a dit : « Buvez une tasse de lait mixée d'une cuillère de miel avant de vous coucher ». Tu parles... Cela ne marche pas...

           Je me retourne une nouvelle fois. Généralement, le côté gauche est meilleur que le droit. Je contemple le réveil. Je tente à nouveau : 10 minutes côté droit, 10 minutes côté gauche. J'entends une voix lointaine: « Dormez... dormez... ».

          Je cogite. Les pensées se mélangent, se cognent, s'agitent.

          Heureusement, la semaine prochaine, je pars. Marre de cette grisaille généreuse qui nous recouvre éternellement ! J'ai besoin de soleil, chaleur, senteurs marines...

          Et ce roman que je suis en train d'écrire dans le blog ? Ce « Van Gogh à Auvers » n'en finit pas !... Je savais quand je me suis lancé dans ce projet que ce serait long. Mais à ce point... J'en suis déjà au quinzième épisode. Il en reste bien autant ? Quand aurai-je terminé : fin d'année... année prochaine ?

           Pourquoi me suis-je embarqué dans cette histoire ? Pff ! Va savoir... J'avais lu la correspondance du peintre... j'avais eu envie d'en savoir plus... l'aventure avait commencé...

          C'est ainsi que Vincent est devenu un ami au fil des pages.

          Récemment, quelqu'un m'avait posé la question : « Penses-tu que Van Gogh apprécierait que l'on romance sa vie ? ». Cette réflexion m'avait surpris...

          Adieu le sommeil ! Je vais lire ! Je cherche à tâtons un livre qui tombe sur le sol avec un bruit mat. Mes doigts fouillent la moquette et le récupèrent. Pas envie... Je le repose sur la table de chevet. A quoi bon...

           Pourquoi Van Gogh n'apprécierait-il pas ? Cette question me tracasse... Mon récit respecte son image, sa pensée, sa sensibilité. Les paroles que je lui fais dire, il aurait pu les prononcer... Je suis certain que, lui, le solitaire, l'incompris, aurait aimé cette histoire qui est la sienne.

          Je montre les œuvres de l'artiste. Elles sont les personnages principaux du récit. Je me souviens de certaines phrases de Vincent : « Il y a du bon de travailler pour les gens qui ne savent pas ce que c'est qu'un tableau. » ou encore : « Ma peinture est faite pour être vue surtout sur un fonds simple : cuisine, escalier, corridor, et parfois je m'aperçois que cela fait bien dans un salon aussi. » Il ne connaissait pas encore l'ordinateur...

          3 heures... Mon esprit agité se calme. Un chien hurle à l'extérieur, puis, plus rien...

          La Nuit étoilée peinte par Vincent à Saint-Rémy-de-Provence m'apparaît, immense. Des étoiles dorées scintillantes s'enroulent et s'allongent en forme de comètes dans un ciel bleu mauve. Un croissant de lune tremblote...

          Cette image m'a apaisé. Mon corps et mon esprit glissent lentement dans cette nuit étrange.

                                                                                            

                                                                                                   Alain

     

     

  • Ode aux femmes

     

    Je ne peux résister au plaisir de faire connaître un blog de talent qui publie régulièrement des écrits d'une grande sensibilité poétique qui me touchent souvent :

     http://bullesetmots.blogspot.com/

     Elle ne m'en voudra certainement pas de vous montrer le dernier texte qu'elle vient de publier qui est un hommage vibrant à toutes les femmes :

     

    A toutes les femmes ...

    A mère, à ma grand-mère, qui furent les premières femmes de ma vie, sans doute mes références, malgré d’autres envies …

    A ma fille, ma petite fée, mon autre moi-même, ma presque réincarnation, mon prolongement, mon espoir en demain …

    A ma belle-fille, qui m’a donné mon autre petite merveille, mon bébé sourire, ma princesse de l’aurore, promesse de vie …

    A mes amies, celles qui cheminent avec moi depuis longtemps, celles que j’ai perdu en cours de route, celles qui ont traversé ma vie en laissant leur trace, celles que je rencontrerai encore …

    A celles qui ont déjà pris l’ascenseur vers les petits nuages blancs, mais reviennent souvent, fantômes légers, hanter les allées de ma mémoire …

    A mes institutrices et mes professeurs, qui m’ont fait découvrir la beauté des mots, le pouvoir de la lecture, la paix studieuse des bibliothèques …

    A ces relations dites virtuelles, qui parfois sont plus proches de moi que des voisins …


    A ces cuisinières qui ont inventé ou collectionné toutes ces recettes que j’aime expérimenter …

    A celles qui ont été des pionnières et à celles qui timidement suivent le mouvement …
    A celles que j’apprécie et à celles que je ne sais pas apprécier …

    A mes collègues passées et présentes avec qui je partage les joies et les peines de mon travail …

    A toutes ces inconnues qui offrent leur sourire, leur bonne humeur, leur aide bénévole …

    A toutes les filles tendres et fortes, féministes et féminines de mon entourage … à celles qui se battent pour leurs sœurs … à celles qui les réconfortent …

    A toutes celles qui ont moins de chance, qui connaissent la guerre, la misère, la violence, le deuil, le malheur … à celles là, tout particulièrement …

    A toutes les femmes qui sont sur la brèche au quotidien, du matin au soir … qui aiment, qui nourrissent, qui lavent, qui travaillent, qui rient, qui pleurent, qui lisent, qui s’amusent, qui éduquent, qui vivent … tous les jours et pas seulement le 8 mars …

    A vous toutes, je dis : JE VOUS AIME !!!


    SW

     

     

  • Tchinda la petite africaine

     

           Je souhaite aux lecteurs qui me font l'amitié de me lire régulièrement, à ceux qui sont de passage, ou à ceux qui s'égarent sur ce blog, un heureux Noël et une GRANDE ANNEE 2009.

                                                                                                                            Alain

          

     

           En cette période de Noël, j'offre cette histoire aux enfants et aux adultes qui ont gardé leur âme d'enfant.

     

     Le Sud

     

           Paul avait 10 ans. C’était un grand. Il vivait sa vie…


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         Depuis quelque temps déjà, une chose le turlupinait. La couleur de la peau…

          Rien de grave, mais il s’interrogeait. Il ne comprenait pas bien pourquoi ses camarades ou des grandes personnes qu’il croisait dans la rue, et même quelques professeurs de l’école, avaient des couleurs de peau si différentes de la sienne.

          Dans la classe de Paul, le blanc, ou plutôt le blanc rosé, cassé, l’emportait. C’était la couleur commune des gamins de son âge.

          Certains élèves, rares, tiraient sur le jaune plus ou moins doré, avec des cheveux raides très noirs. Dans sa classe, il y en avait deux. Toujours ensemble, ceux-là ! On les appelait « les chinois » ou « chinetoques ». Discrets, on ne les remarquait guère.



          C’était les teintes de peau foncées qui tracassaient Paul. Pour s’amuser, il avait recensé dans son environnement proche une gamme étonnante de coloris : des beiges clairs, des bruns plus ou moins foncés, des chocolats, des caramels, des cuivrés, puis des franchement noirs, de jolis noirs presque purs.

          Son voisin de table en classe faisait partie de cette dernière catégorie. Sa peau ressemblait aux morceaux de charbon que sa mère lançait dans le poêle l’hiver, et ses cheveux étaient frisés. Très intelligent, il pigeait tout, très vite. Trop vite pour Paul qui lui enviait cette rapidité d’esprit même s’il en profitait souvent pour se faire aider lorsqu’il séchait devant une règle grammaticale ou une table de multiplication. Lorsque son ami souriait on ne voyait que ses yeux et ses dents. Certains élèves l’appelaient « black ». Paul n’aimait pas.

          Comment peut-on avoir une peau aussi sombre, pensait Paul ?

          La réponse lui vint par hasard…



          Récemment, Paul s’était aperçu que sa propre peau changeait de teinte facilement. Elle était blanche comme la plupart de ses camarades, peut-être légèrement plus teintée, mais, dès qu’il s’exposait au soleil, elle fonçait très rapidement et devenait franchement foncée après plusieurs couches d’astre solaire. Cela l’intriguait. Il complexait.

          Un jour, un copain qui l’avait vu deux jours auparavant le teint triste et palot, le croisa portant une mine épanouie couleur caramel brun et lui envoya d’un air ébahi : « Mais qu’est ce qui t’arrive ? ». Il fut incapable de lui donner une explication et continua son chemin, embarrassé et honteux.

          Pourtant, ce soleil faisait partie des amis de Paul. Il ne connaissait jamais ces terribles coups de soleil, hantise des peaux délicates. Malheureux rouquins ! Il avait remarqué que, tous les ans au retour de vacances à la mer, un jeune voisin d’immeuble de son âge, aux cheveux roux, présentait une peau craquelée virant au rouge écrevisse bien cuite qu’il tentait de cacher comme il pouvait. Le soleil l’avait brûlé. Paul compatissait à sa souffrance…

          Lui, il se sentait bien au soleil. Il était heureux, gai, lorsque les chauds rayons le pénétraient. Il avait le sentiment étrange de retrouver une ambiance qui lui correspondait. Il était chez lui… Il ne comprenait pas bien pourquoi, lui, habitant d'une grande ville, ne connaissant que les immeubles, les bruits, les odeurs des voitures et la grisaille persistante, pourquoi ce soleil, dès qu’il l’effleurait, le réchauffait, lui donnait un tel sentiment de bien-être…



          Pour Paul, cette étoile brillante qui brûlait les yeux quand on la regardait était devenue, synonyme de Sud, celui dont on parlait dans les bouquins. Il voyait ce Sud très loin, bien plus loin que le sud de la France qu’il étudiait en géographie. Il ne savait pas bien où était le sud de la France car il n’avait pas encore dépassé les limites de la grande banlieue de sa ville où sa mère l’envoyait pendant les grandes vacances.

          Sur la carte du monde, il avait repéré que l’Espagne était située juste en dessous de la France. Mais le Sud, c’était encore plus bas… Il pensait qu’il ne pouvait vraiment débuter qu’à partir des côtes africaines. C’était là le Sud ! Cela ne pouvait être ailleurs. Il avait lu dans un livre : « Tchinda la petite sœur de Moudaïna », qu’en Afrique le soleil brûlait la peau et que les gens étaient colorés naturellement. Ce livre racontait les aventures d’une petite fille noire de la tribu des Massas en plein cœur de l’Afrique. Dans le pays de Tchinda, il faisait toujours chaud, les arbres étaient immenses, les fleuves très larges et les habitants se promenaient à moitié nus. Des animaux extraordinaires, que Paul avait vu au zoo de Vincennes : lions, girafes, éléphants, rhinocéros, y vivaient en liberté. Il paraissait même que, dans les régions où le soleil tapait très fort, il y avait des déserts où plus rien ne poussait. Rien que du sable…

          Le Sud… Il irait un jour…

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          Un dimanche d’hiver, Paul sut enfin pourquoi sa peau changeait aussi facilement de couleur.

          Il finissait de déjeuner sur la grande table en plexiglas jaune paille qui occupait la moitié de la cuisine du petit studio où il vivait avec sa mère. Ils s’apprêtaient à entamer la crème aux œufs qu’elle réussissait superbement, quand elle dit soudainement: « Ton père venait d’Algérie quand je l’ai connu. »

          Elle sortit cette phrase laconique, comme ça, sans prévenir. C’était la première fois qu’elle le disait à Paul. Elle ne lui parlait jamais de ce père qu’il n’avait pas connu. Parfois, elle l’évoquait à mots décousus, peu clairs, au détour d’une interrogation de son fils. Elle n’osait pas lui en parler. C’était déjà si loin. Et puis, cela lui faisait du mal…

          Ces paroles raisonnèrent dans le cerveau de Paul. Il avait donc un père qui venait de ce lointain continent où le soleil brille constamment ? Le pays de Tchinda...

          Cette interrogation entraîna évidemment un flot de questions de sa part. Sa mère lui expliqua que toute la famille de son père était d’origine espagnole et habitait l’Algérie, qui avait été une colonie française tout au nord de l’Afrique, au bord de la méditerranée, depuis plusieurs générations. Elle abrégea la conversation sur ce sujet, prétextant qu’elle n’en savait pas plus. « Approche ton assiette si tu veux de la crème ! », lui dit-elle, afin de bien montrer qu’elle ne dirait rien de plus.



          Le sud… Paul possédait donc en lui un petit bout du Sud… Son père lui avait transmis un peu de son soleil méditerranéen. Il se dit que c’était le seul présent que ce père absent lui avait laissé.

          Paul comprit que c’était cet héritage lointain qui lui permettait de se transformer en caméléon et de noircir dès qu’il exposait sa peau blanche au feu solaire.

          Il sourit.

          Tchinda, la petite africaine, était donc sa petite soeur !

                                                                        

                                                                                         Alain

                           

  • Nostalgie parisienne

     

       Je dédie ce poème à une jeune landaise de seulement 60 ans, nouvelle retraitée depuis quelques mois. C'est une nouvelle vie qui commence...

     

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                                                                    La tour Eiffel - Raoul Dufy

     

     

      

     

    1967, tu te souviens, c’était hier,

    Le jour où tu partis peu fière,

    Toi la petite provinciale,

    En direction de la Capitale.

     

    Tu quittais tes parents, les Landes, ce que tu aimais ;

    Tu avais dix neuf ans et plein de projets.

    Le monde, lui, était immense,

    Tu voulais faire sa connaissance.

     

    Tu t’imaginais la ville lumière

    Belle et altière,

    Et tu ne vis que des murs gris

    Un tant soit peu décrépis.

     

    Pourtant, tout te parut beau,

    Notre-dame, la Seine, les rues et leurs tacots ;

    La Tour Eiffel touchait le ciel,

    Tu entendais des ritournelles.

     

    A ton premier jour de travail,

    Le métro, grosse chenille, avait un air canaille.

    Les collègues te firent la bise ; l’un d’eux dit hypocrite :

    « Elle paraît brave cette petite ! »

     

    Qu’elle était grande cette ville ! ;

    Tu te sentais si fragile.

    Ensuite le temps passa très vite,

    Et vinrent les grèves de soixante-huit.

     

    Au milieu des manifs tu devenais parisienne ;

    Leur cause était la tienne.

    Les pavés pleuvaient, les sirènes hurlaient, les CRS couraient…

    Et le grand Charles causait.

     

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    Tu te disais : « Vive la liberté

     
     
    Pourvu qu’elle rime avec gaîté ! »

    Slow-club, Mimi Pinson, Boléro, bals musettes,

    Olé ! Tous les soirs c’était la fête.

     

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    Te souviens-tu des périodes de disette

    Où tu te sentais moins guillerette ?

    Les Landes et ses victuailles étaient bien loin,

    Certains jours tu avais faim.

     

    Alors, seule dans ta chambrette couleur pastel,

    Le foie gras de ta mère avait un goût de miel.

    Sur une biscotte, tu l’étalais avec entrain,

    La lueur d’une bougie éclairant ce royal festin.

     

    Tout a une fin !

    Il fallut redescendre, quitter les amis, les copains.

    Sur le quai en arrivant tu avais le cœur gros,

    Heureusement, il y avait Nano !    *

     

    Du temps a passé 

    Depuis Paris et ces trois longues années.

    Tu nous en parles parfois,

    Avec des frissons dans la voix…

     

     

     

                                                                      Alain

     

     

     

     

    *    Nano deviendra son mari