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LITTÉRATURE (44)

  • Fragonard libertin

     

     fragonard, libertinage

    Jean-Honoré Fragonard - Les Débuts du modèle, 1769, musée Jacquemart André, Paris

     

    « Les débuts du modèle ». Qui connait cette œuvre de Jean-Honoré Fragonard qui passe souvent inaperçue, accrochée dans une des petites pièces du charmant musée Jacquemart-André à Paris ?

    Lorsque je visite le musée, je m’arrête invariablement devant cette petite toile qui m’amuse et me réjouit. Il se trouve qu’elle figure sur la première page du catalogue de l’exposition Fragonard qui se tint en 2007 dans ce musée : un bel hommage au peintre qui a si brillamment illustré les plaisirs de son siècle : plaisirs galants et coquins dans la pénombre des bois ou parcs, plaisirs champêtres, mais aussi plaisirs littéraires et artistiques.

         Tout ce qui fait le génie du peintre est contenu dans ce tableau présentée dans un cadre ovale. La subtilité dans le jeu des regards et des mouvements des personnages ne prête guère à confusion : une mère, ou une maquerelle, vante d’un regard interrogateur les charmes de sa fille, modèle débutante, en dévoilant ses seins à un peintre appuyé nonchalamment contre un meuble face aux deux femmes. La jeune fille fait mine de résister. Une feinte de résignation se lit dans son expression. Cela ne semble pas suffire à l’artiste puisqu’il tente, avec un bâton, de relever le jupon de la belle.

     

         Le baron Portalis, l’un des meilleurs connaisseurs de l’artiste, ne manquait pas de souligner le brio de l’exécution de ce tableau : « Imaginez tout ce que vous pouvez rêver de plus blond, de plus rose, de plus clair ; pétrissez ces tons avec esprit, mais avec l’esprit inimitable du maître, et vous aurez l’impression ressentie. Le pinceau glisse sans appuyer sur les roses éteints du déshabillé d’atelier d’un jeune peintre occupé à soulever, du bout de son appuie-main, les derniers voiles de son modèle ».

     

         À ses débuts, Fragonard peignait les mêmes tableaux académiques d’histoire ou religieux que ses contemporains. En 1767, il a 35 ans, il se détourne du grand genre et décide d’orienter sa peinture vers les scènes de libertinage qui lui assurent le succès à la cour de Louis XV. Avec ses contemporains Boucher et Watteau, il est le plus bel interprète du plaisir de vivre montrant des personnages de la haute société s’adonnant au badinage et scènes galantes. Son maître en libertinage était un écrivain : La Fontaine.

     

         La centaine d’œuvres présentes dans l’exposition met en lumière la diversité dans le travail de ce peintre aux couleurs vives ainsi que la culture de ce temps aux mœurs légères. Le catalogue nous présente de splendides reproductions, en particulier la commande au peintre de la comtesse Du Barry montrant les progrès de l’amour dans le cœur d’une jeune fille : la poursuite, la surprise, la rencontre. 

    La légèreté de la toile « L’escarpolette » donne un aspect licencieux à l’image d’une jeune fille se balançant sous le regard extasié d’un jeune homme contemplant ses jupons.

    fragonard, libertinage

    Jean-Honoré Fragonard – L’Escarpolette, 1767, The Wallace Collection, Londres

     

         J’ai retrouvé dans ce portraitiste de génie qu’était Fragonard son style d’un grand modernisme qui est sa qualité essentielle : touche nerveuse, brossée énergiquement, d’un jet. Ces portraits me font souvent penser à la virtuosité du hollandais Frans Hals, un siècle plus tôt, dont Van Gogh disait : « Peindre d’un seul coup, autant que possible, en une fois ! Quel plaisir de voir ainsi un Frans Hals ! »

     

     fragonard

    Jean-Honoré Fragonard – Le Philosophe, 1764, Kunsthalle, Hambourg

     

     

  • Anthologie de poétesses françaises

    Anna de Noailles

    Philipp Alexius de Laszlo - La comtesse Anna de Noailles, 1913, musée d’Orsay, Paris

     

    Plus petit ? Difficile ! Se glisse dans une poche de jeans ? Sans aucun problème ! S’instruire en se promenant en forêt ? Sans aucun doute ! Découvrir des poétesses françaises oubliées ? Oui, nombreuses, du Moyen âge au 21e siècle dans cette "Petite Anthologie des Poétesses Françaises" !

     

    À travers les siècles, la poésie et l’art ont été constamment réservés aux hommes.

    Les poétesses ont été redécouvertes progressivement au 19e siècle. Pourtant elles étaient nombreuses, mais leur talent était peu reconnu, la société n’étant pas disposée à laisser une place à leur sensibilité, leur point de vue sur l’amour, le désir, la vieillesse, la mort, tout simplement la vie.

     

    J’ai aimé ce petit livre qui a permis de sortir de l’oubli plusieurs poétesses de talent. La plupart m’étaient inconnues. J’ai découvert leurs voix et leurs vers. Ce sont le plus souvent des poèmes d’amour. Certaines m’étaient déjà familières : Marceline Desbordes-Valmore, Anne de Noailles. Je vous en donne quelques extraits :

     

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  • Une coquette et Rimbaud

     

     jan steen

    Jen Steen -La mangeuse d'huitres, 1658, Mauritshuis, La Haye

     

    Une jeune femme nous regarde avec coquetterie, tout en préparant une huître. Les huîtres étaient connues pour être aphrodisiaques et cette jeune femme semble offrir davantage qu’un excellent mets.

    Cette servante aurait très bien pu être celle dont parle Rimbaud dans « La Maline »

     

    La Maline                  

     

    Dans la salle à manger brune, que parfumait
    Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise
    Je ramassais un plat de je ne sais quel met
    Belge, et je m’épatais dans mon immense chaise.

    En mangeant, j’écoutais l’horloge, – heureux et coi.
    La cuisine s’ouvrit avec une bouffée,
    – Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,
    Fichu moitié défait, malinement coiffée

    Et, tout en promenant son petit doigt tremblant
    Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,
    En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,

    Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m’aiser ;
    – Puis, comme ça, – bien sûr, pour avoir un baiser, –
    Tout bas :  «  Sens donc, j’ai pris ‘une’ froid sur la joue… »

     

    Arthur Rimbaud, Poésies

     

     

  • Chardin avec une visière

     

    peinture, écriture, chardin

    Jean Siméon Chardin : Autoportrait avec une visière, 1775, The Art Institute of Chicago

     

     

    « La qualité des œuvres de Chardin impressionnait François. Il se mit à étudier, analyser la technique du peintre. Lentement le doute s’insinua dans son cerveau.

    Le grand Chardin qui, toute sa vie, avait peint des scènes de genre et des natures mortes à l’huile, s’était mis au pastel tardivement sur les conseils de son ami l’immense pastelliste Maurice Quentin de la Tour. François observa que les traits colorés, proches les uns des autres, formaient une sorte de mosaïque. Avant Seurat et Signac au 19e, Chardin utilisait déjà le principe du mélange optique des teintes. La touche hachurée, posée par superposition de couches successives, accrochait la lumière et donnait vie au personnage. Parfois, le pastel était écrasé directement sur le papier par longues traînées de couleurs.

    Audrey ne reconnaissait plus son mari. Il ne peignait plus. Elle le voyait observer la gravure, l’air triste. Il paraissait hypnotisé par l’autoportrait qui lui souriait constamment, goguenard, avec son nez pointu et ses bésicles en acier. Cet abat-jour enfoncé sur le front, un foulard méticuleusement noué autour du cou, lui donnait une apparence de vieux bourgeois prêt pour la nuit. »

     

     

    Extrait du recueil « Deux petits tableaux – Si les œuvres parlaient », publié chez BOD au profit des enfants malades de l’association RÊVES

     

  • Les Grâces de Rubens

    EXCELLENTE ANNÉE 2023 

     

    Rubens, Louvre, galerie Médicis

     

     

    « Rubens ne se châtie pas et il fait bien. En se permettant tout, il vous porte au-delà de la limite qu’atteignent à peine les plus grands peintres ; il vous domine, il vous écrase sous tant de liberté et de hardiesse. » - Eugène Delacroix, 1860

     

         Lorsqu’une scientifique émérite mène en parallèle une carrière de peintre, de sculpteur sur pierre et de copiste au Louvre, cela donne ce livre d’enquête de Sigrid Avrillier consacré au thème des trois Grâces, dont l’origine remonte à la mythologie grecque, et à sa représentation picturale par le maître flamand Pierre Paul Rubens. L’image est indispensable lorsque l’on parle de peinture. L’iconographie des Éditions Macenta est à la hauteur du texte.

     

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  • Des Impressionnistes aux Nabis

     

    Peinture, écriture, impressionnisme, néo-impressionnisme, éditions Macenta, Patrick Godfard

     

    « Pour moi, un tableau doit être une chose aimable, joyeuse et jolie, oui : jolie. » - Auguste Renoir

     

         Le mot « jolie » dans la citation de Renoir correspond parfaitement au livre de Patrick Godfard publié dans une édition d’art richement illustrée. L’auteur nous présente une dizaine de récits sur quelques-uns des peintres les plus représentatifs de la peinture impressionniste et néo-impressionniste qui révolutionna la peinture académique ambiante à la fin du 19e siècle : Manet, Degas, Cézanne, Monet, Renoir, le Douanier Rousseau, Gauguin, Caillebotte, Van Gogh, Sérusier. Ces courts récits, basés sur des faits véridiques de vie et de travail du peintre, sont étayés de tableaux, citations de l’artiste et commentaires de contemporains.

         La critique était féroce pour tous ces artistes avant-gardistes qui étaient régulièrement rejetés du Salon officiel. Leur crédo : touche libre, peinture claire, étude en plein air, tons purs appliqués par petites touches d’un jet sur la toile, observation de la lumière changeante modifiant les couleurs, sensations fugitives et éphémère des choses. Les couleurs, juxtaposées, libérées de toute servitude au dessin, s’exaltaient mutuellement.

     

    impressionnisme,

    Édouard Manet – Portrait d’Émile Zola, 1868, Musée d’Orsay, Paris

     

         Émile Zola, avec Baudelaire, sera l’un des rares à défendre la nouvelle peinture. En 1867, jeune critique d’art, il publiera sur Edouard Manet une longue étude biographique. Il le considérait « comme l’un des maîtres de demain dont la place est au Louvre ». En remerciement, Manet lui offrira son portrait : « Portrait d’Émile Zola ».

     

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  • Le bleu attend son heure

     

     une histoire de bleu, Jean-Michel Maulpoix

    Vincent Van Gogh – Nuit étoilée, 1889, Moma Ney York

     

     

    « Épars dans la lumière du jour, le bleu attend son heure. Il fait le guet, il prend son temps. Jamais il ne perdra patience, car il a tout le temps pour soi. Il mûrit sa couleur en d’interminables aurores. »

    Une histoire de bleu, Jean-Michel Maulpoix

     

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  • L'homme rapaillé

     

    poésie,gaston miron,québec,la marche à l'amour

         

         En juillet dernier, j’avais écouté sur France Culture une soirée exceptionnelle de poésies dites par Jean-Louis Trintignant sur une musique d'Astor Piazzolla. Cette lecture d'extraits du poème « La marche à l'amour », de Gaston Miron, dédié à sa fille Marie, m'avait profondément touché.

          « L’homme rapaillé », « œuvre vie » que j’ai relue, la plus célèbre du Québec et de la francophonie, était considérée par son auteur comme inachevée avant son décès en 1996.

     

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  • À ma fille Marie

     

    jean-Louis Trintignant, Marie Trintignant

     

         J’ai la sensation que personne n’a vu mon dernier article consacré à une soirée exceptionnelle que je venais d’écouter sur France Culture : des poésies dites par Jean-Louis Trintignant sur une musique d’Astor Piazzolla. Je l’annule et le publie à nouveau. Mon hébergeur n'a pas dû faire suivre la newsletter.

         La lecture d'extraits du poème "Marche à l'amour" de Gaston Miron, dédié à sa fille Marie, m'a profondément touché.

         Le comédien a découpé le poème en plusieurs extraits plus courts en ne gardant que ceux qui exprimaient le mieux son amour pour Marie.

         C'était magnifique et émouvant.

         À écouter :

     

    https://www.youtube.com/watch?v=grNY9uvv12Q

     

         La version texte de ce superbe poème peut être lue ci-dessous :

     

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  • Une famille dans l'impressionnisme

     

    Rouart

     

    « Ce monde de la peinture, j’ai eu beau tenter de le fuir, tout m’y ramenait. D’abord mes souvenirs. Presque tous les membres de ma famille peignaient, avec une ardeur farouche, une passion qui me semblait parfois maladive. »

     

         Je repose le livre dans un angle de mon bureau. Une onde de plaisir me parcourt encore. De nombreuses toiles de la période impressionniste que j’admirais depuis longtemps dans les musées, expositions, ou monographies, je les ai retrouvées à nouveau en feuilletant les pages imprimées sur papier photo grand luxe.

     

     

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  • De la poésie picturale

     

    peinture, poésie, A.M. Morazzani

     

         Angèle-Marie Morazzani, auteure de « Il était une fois des poésies et des toiles » m’a fait parvenir son recueil qui m’a beaucoup étonné.

         Ce livre de petit format, un tableau moderne s’encadrant dans une couverture bleue, me donnait la sensation d’être en terrain de connaissance. La présentation intérieure ressemblait à celle que j’avais adoptée pour mes deux recueils « Deux petits tableaux » et « Conter la peinture » proposant des récits sur des toiles de grands maîtres de l’histoire de l’art : un tableau sur une page, confronté à un texte sur la page suivante qui le mettait en valeur.

         La différence était importante entre le recueil d’Angèle-Marie que j’avais sous les yeux et les miens : elle confrontait ses textes poétiques avec des toiles numériques qu’elle avait créées elle-même sur ordinateur dans le logiciel Paint.

     

         L’auteure a déjà publié des livres pour les enfants et de la science-fiction.

       J’ai été intéressé par le graphisme et le travail de coloriste des images qui est particulièrement réussi. L’ensemble du recueil est un beau travail de précision. Poèmes et images se répondent l’un l’autre. L’osmose fonctionne. J’ai donc chroniqué avec plaisir son recueil sur le site littéraire Babelio.  Ma chronique est lisible en entier sur ce lien : ICI

     

         Je vous donne un exemple du travail de poésie de l’auteure sur la trentaine de toiles numériques qu’elle a créée. Le texte est d’actualité :

     

    peinture, poésie, A.M. Morazzani

     

    ILS SONT TOMBÉS

     

    Ils sont tombés dans l’abîme.

    La mort les a ensevelis.

    Et de leur lit d’infortune,

    Ils maudissent

    Ceux qui les ont menés au front,

    Ceux qui les ont menés au fond ;

    Six pieds sous terre,

    À l’ombre de la vie.

     

         Angèle-Marie Morazzani est éditée sur le site Bookelis.com.