
Georges de la Tour – Le nouveau-né, 1648, Musée des beaux-arts de Rennes
L’exposition actuelle du musée Jacquemart-André présente 23 œuvres originales et des tableaux d’atelier ou d’artistes proches de la mouvance de La Tour. Le jour de ma première visite lors de la grande retrospective de 1998, j’étais tombé sous le charme des toiles dites « nocturnes » du maître peintes vers la dernière partie de sa vie, peut-être après le grand incendie qui ravagea sa ville de Lunéville en 1638. Nombre d’entre elles m’avaient éblouie. J’en décris quatre, mes préférés, qui sont visibles à Jacquemart-André jusqu’au 26 janvier 2026. Elles sont superbement mises en valeur dans ce remarquable musée haussmannien.
Nous n’avons plus affaire aux violents clairs-obscurs du Caravage, dramatiques dans les contrastes de lumière. La palette de La Tour n’est que douceur : harmonies de rouges, de bruns et de blancs, animées par la lueur d’une bougie ou d’une torche. Parfois, la main d’un personnage est traversée par une flamme. Éblouissant ! Il sait tirer des effets inédits de l’éclairage artificiel. Comment pouvais-je ne pas le rapprocher de Johannes Vermeer, par le nombre d’œuvres connues retrouvées vers la même époque (guère plus d’une quarantaine pour les deux peintres) et, surtout, par la vision de leurs toiles qui ne sont qu’intimité, recueillement, dépouillement, silence ?

Georges de la Tour – La femme à la puce, 1638, Musée des beaux-arts de Nancy
« La femme à la puce » : Ce chef-d’œuvre interroge. Que fait cette femme enceinte, à moitié dévêtue, ventre pesant, qui semble écraser une puce sur sa poitrine ? Elle parait plutôt égrener un rosaire. La précision est difficile car la vermine était fréquente à cette époque ! La flamme d’une chandelle posée sur une chaise proche d’elle sculpte son corps dont on ne sait s’il représente une femme du peuple ou une prostituée que l’érotisme latent laisse soupçonner. Certains parlent de « Madeleine ». La lumière douce confère à l’œuvre une atmosphère de quiétude complice.

Georges de la Tour – La Madeleine au miroir, 1635, National Gallery of Art, Washington
« La Madeleine pénitente » ou « Madeleine au miroir » : Il s’agit de l’une des nombreuses « Madeleine » connues du peintre. Peut-être la plus célèbre. L’émotion religieuse est intense. La sainte semble baignée dans une sorte d’extase. Sa main appuie délicatement sur le crâne posé devant elle dont elle contemple le reflet dans le miroir. Ses pensées se perdent-elles dans ses souvenirs de séductrice ? Entrevoit-elle la mort et le mystère de la vie ? L’originalité de cette Madeleine tient au fait que la moitié inférieure du tableau est plongée dans la nuit, accentuant la lumière de la partie supérieure qui éclaire le visage de la femme.

Georges de la Tour – Job raillé par sa femme, 1635, Musée départemental d'Art ancien et contemporain, Épinal
« Job raillé par sa femme » : Cette étonnante toile est surtout intéressante par le jeu visuel des personnages. La femme de Job, grande femme, s’incline fortement vers son mari, âgé, maigre, noueux. Il semble l’implorer, craignant d’être rabroué pour sa faute. Leurs regards sont suffisamment expressifs pour suggérer leur conversation animée.

Georges de la Tour – Le nouveau-né (détail), 1648, Musée des beaux-arts de Rennes
« Le Nouveau-né » : Le chef-d’œuvre le plus connu de La Tour que le Musée des Beaux-Arts de Rennes a la chance de détenir. Une œuvre intemporelle ! Cette naissance d’un petit être possède un sens universel. La Vierge tient maladroitement son enfant dont sa mère, Sainte-Anne, adoucit la luminosité de la flamme d’une bougie qu’elle cache avec sa main. La simplification des formes, une tonalité rouge subtilement graduée, laissent penser qu’il s’agit de l’une des dernières toiles peintes, vers 1648, à la même époque que le Saint Sébastien soigné par Irène en hauteur du Louvre dont je parlerai dans un prochain texte.
Aujourd’hui, la place de Georges de La Tour est devenue celle de l’un des grands artistes de son temps, proche des Vermeer, Hals, Vélasquez, Caravage et Rembrandt.