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Peinture et poésie

 

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Johannes Vermeer – Autoportrait présumé dans L'Entremetteuse (détail ),1656, Gemäldegalerie, Dresde

 

     J’ai déjà parlé dans ce blog de la grande exposition consacrée au peintre Johannes Vermeer qui se tint en 1996 au musée du Mauritshuis à La Haye. Elle rassemblait la presque totalité des oeuvres peu nombreuses de Johannes Vermeer : 23 sur environ 35 connues. Je vous avais fait parcourir en ma compagnie, pas à pas, les petites salles, et m’était arrêté devant chacune des toiles pour mieux vous les présenter.

     Il se trouve que je viens de tomber sur une friandise littéraire, ces petits bonbons que l’on suçait autrefois, patiemment, avec délice, dans les salles de cinéma. Je possédais depuis longtemps le livre de Sylvie Germain « Patience et songe de lumière » qui se planquait dans ma bibliothèque. Comment l’avais-je oublié ? En le feuilletant, j’ai cru me retrouver une deuxième fois au Mauritshuis. L’auteure parlait des mêmes toiles du peintre. Avec d’autres mots.

     Je lisais un long poème qui distillait des fragments de vision de cette peinture trop limpide, fascinante, du « Maître de Delft »…

 

 

     Un épais rideau s’ouvre sur L'atelier du peintre. Vermeer, assis sur un tabouret, est en train de peindre :

 

peinture,johannes vermeern« Il est le maître des couleurs et dicte à chacune son rôle dans le grand jeu du visible pour mieux en révéler la mission au sein de la dramaturgie de l’invisible.»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Johannes Vermeer – L’atelier du peintre, 1666, Kunsthistorisches Museum, Vienna

 

     Le peintre nous conduit à son modèle Clio, la muse de l’histoire, qui pose devant lui, le front ceint d’une couronne de laurier :

 

« Malgré sa position en recul, le modèle occupe en fait une place essentielle ; tout en effet conduit l’attention peinture,johannes vermeervers la jeune fille : la lumière qui la nimbe, la lourde oblique du rideau, la direction devinée du regard du peintre. (…) Clio est une chaste fiancée qui attend que le peintre l’unisse à la splendeur du visible, qu’il lui révèle le secret de la lumière, qu’il l’intronise épouse de l’invisible. Car c’est lui seul, le peintre, qui préside ici à la cérémonie des noces entre la poésie et la peinture, entre le chant et la lumière, entre la beauté et les couleurs. »

 

 

 

 

     Puis, Clio pénètre dans une pièce où une Liseuse est penchée sur une lettre devant les carreaux plombés de la fenêtre ouverte qui l’éclaire :

 

peinture,johannes vermeer« Et si la lettre (…) n’en était pas une ? S’il s’agissait d’une page arrachée au livre à couverture safran que tient Clio au creux de son bras satiné d’azur et de brume lunaire ?  »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Johannes Vermeer – Femme lisant une lettre devant la fenêtre ouverte, 1659, Gemäldegalerie Alte Meister Dresde

 

    Une autre liseuse La jeune femme en bleu est installée devant une carte géographique :

 

« Son ventre porte un enfant, un nouvel être, un inconnu. Son ventre recèle la forcepeinture,johannes vermeer du dehors dans le dedans le plus clos de sa chair, il abrite un étranger dans son intimité. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Johannes Vermeer – Femme lisant une lettre, 1663, Rijksmuseum ,Amsterdam

     

Les nombreuses femmes de Vermeer sont transfigurées, seules, méditatives :

 

peinture,johannes vermeer« Les doigts égrènent, des notes, des mots, des fleurs de dentelle, des gouttes de lait, des perles. Des doigts d’orantes qui caressent des rosaires de lumière. » ; « Leurs corps sont des fléaux d’invisibles balances où se pèsent le grain de la lumière ; leurs visages sont des masques de claire résonnance où tinte une parole à jamais à venir. »

 

 

 

 

 

Johannes Vermeer – Jeune fille au collier de perles 1663, Gemäldegalerie, Berlin

 

Pendant ce temps, quelques hommes travaillent. 

 

L’Astronome :

 

« Chez Vermeer c’est la clarté qui découpe les ombres, leur assigne leur place, et qui,peinture,johannes vermeer lorsqu’elle monte à l’aigu, blanchit les couleurs et allègent les formes. La lumière du dehors vient mettre de l’ordre dans l’obscur chaos du dedans, elle est un éclairage tantôt doux, presque poudreux, solaire ou bien lunaire, tantôt violent, acide même, qui frappe choses et personnages. »

 

 

 

 

 

 

Johannes Vermeer – L’Astronome, 1668, Louvre, Paris

 

     Un Géographe est penché sur une carte :

 

peinture,johannes vermeer« Et l’on songe cette fois à Spinoza, compatriote et exact contemporain de Vermeer. (…) Spinoza, le solitaire polisseur de verres d’optique, l’artisan-philosophe dont la vision du monde et l’oeuvre qui en émane font écho à celle de Vermeer ; un écho de cristal, sec, net et limpide. »

 

 

 

 

 

 

Johannes Vermeer – Le Géographe, 1669, Städel Museum francfort

 

     La jeune femme assoupie somnole sur un rebord de table :

 

« Elle dort la lumière. Il ne faut pas la réveiller. Ses yeux seraient insoutenables depeinture,johannes vermeer Beauté. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Johannes Vermeer – la jeune fille endormie ,1657, Metropolitan Museum, New York

 

     Vers la fin du livre, Marcel Proust intervient. Dans son roman « La Prisonnière » il envoie Bergotte aller admirer à une exposition la Vue de Delft :

 

« Pris d’étourdissements, il fixe son regard sur un détail du tableau. Il se répétait : « Petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune. » Une indigestion. Le jaune l’éblouit tellement. Il s’écroule sur un canapé et meurt. »

 

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Johannes Vermeer – Vue de Delft, 1650, Mauritshuis, La Haye

 

 

     Cette Vue de Delft, baignée dans une lumière dorée, termine le parcourt poétique :

 

« La Vue de Delft est un voyage dans l’immensité close au cœur de l’apparence, une lente dérive dans les remous de l’immobilité, un embarquement de l’instant pour l’absolu et pour l’éternité. »

 

    Il existe une troublante relation entre la peinture et l’écriture, deux arts s’influençant mutuellement. Sylvie Germain en fait une éclatante démonstration poétique dans ce livre succulent qui ne parle plus de peinture mais d’art : pureté… apparence… beauté… vie…

 

« Toutes l’œuvre de Vermeer est un arrêt au bord de l’extrême du visible, de la lumière et des couleurs ; à la lisière de l’invisible et de la nuit. »

 

     Vous comprendrez facilement les raisons qui m’ont fait aimer le livre de Sylvie Germain.

 

 

Commentaires

  • Il n'aurait pas pu ne pas te plaire.
    Merci pour cette découverte.
    J'aime beaucoup les citations que tu nous livres, et bien sûr, les tableaux qui ne me laissent jamais indifférente.
    Passe une douce journée.

  • Comme je le dis dans l’article, j’avais ce livre dans ma biblio et ne l’avais pas lu.
    Ce petit livre est superbe pour faire connaître l’œuvre de Vermeer dont les tableaux sont montrés. Mais cette fois ce n’est pas un ouvrage de spécialiste mais de poétesse. Découvrir les toiles de l'artiste, décrites de cette façon, est un enchantement.
    J’espère que tu vas bien, Quichottine.
    Belle journée avec ce ciel automnal triste à pleurer. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle…

  • Incontestablement, ces mots et ces tableaux sont des gourmandises d'art, Alain!
    Je me suis régalée aussi en lisant votre billet plein de charmes...
    Les cours que j'ai suivi à l'Université concernant Vermeer ont fait partie de ceux que j'ai le plus aimé. Je les ai dévorés même, avec passion! Et les oeuvres que vous montrez, je les aime tant!
    Elles ont ce supplément d'âme qui nous enveloppe au premier regard...
    Merci de nous parler si bien de ce livre.
    Je vous souhaite une douce fin de semaine dans les grands vents d'automne...
    Tâchons d'être bien à l'abri
    Amitiés Alain
    Cendrine

  • Décidément, Johannes Vermeer ensorcelle tous ceux qui voient ses toiles. Surtout les femmes qu’il savait si bien mettre en valeur et en lumière : « Car c’est lui seul, le peintre, qui préside ici à la cérémonie des noces entre la poésie et la peinture, entre le chant et la lumière, entre la beauté et les couleurs. »
    En ce qui me concerne, il y a longtemps que Vermeer m’a enserré dans ses griffes. Et il ne me lâche pas le bougre ! Quel plaisir, l’année dernière, de revoir, dans l’expo du Louvre, la fabuleuse « Femme à la balance » qui, une nouvelle fois, m’a fait frémir comme tous les visiteurs qui étaient présents.
    Le livre de Sylvie Germain devrait être distribué dans les écoles pour apprendre à nos enfants comment utiliser, comme vous le faites superbement Cendrine, notre belle langue française. Ce n’est pas Richard, un expert de la langue, qui me contredira.
    Contrairement à vous je crois, Cendrine, je supporte mal l’automne, ses brumes, sa nuit et sa froideur. Il reste quelques belles couleurs et votre blog. Votre dernier article emporte tous les suffrages et donne vraiment chaud.
    Portez-vous bien.

  • Merci Alain pour ce délicieux moment!! le choix des tableaux qui se transcende avec la poésie de cette auteure est une merveille!! J'espère que Richard appréciera aussi!! Bisous Fan

  • J’ai cru, Fan, que tu allais me faire comme Valérie Trierweiler avec son livre sur François Hollande : « Merci pour ce moment ».
    Oui c’est vraiment très beau de montrer la peinture en utilisant une aussi belle poésie.
    Il est certain que Richard qui, je pense, doit être en vacances, appréciera.
    J’espère que dans ta région de soleil, l’automne s’annonce meilleur que chez nous. On ne peut faire plus lugubre…
    Belle journée

  • ce monde flamand est enchanté, intensément vivant mais emprisonné par un sortilège dans de petits cadres, il ne demande qu'à surgir et c'est toujours un bonheur que de lire de belles pages qui le réveillent avec sensibilité. Un grand plaisir aussi que de s'immerger dans cette époque grâce à des films soignés , comme "la jeune fille à la perle", ou récemment cette série formidable "le miniaturiste", https://www.youtube.com/watch?v=jl6XrxmQ-sk , l'as tu vue ?

  • Non je n’ai pas vu ce film « Le miniaturiste ». Cela semble bien évoquer, comme pour la "Jeune fille", cet aspect mystérieux que l’on trouvait au 17e dans les maisons hollandaises.
    La plume de Sylvie Germain fait revivre poétiquement le charme de ce pays où je suis allé plusieurs fois à la rencontre de Vermeer. Je l’ai retrouvé à Delft. Enfin ce qu’il en reste…

  • Bien sûr que j'apprécie !
    Quelle belle découverte ! Merci Alain.
    Hors des sentiers rebattus et tellement poétique.

    Je vais sur le Net me renseigner à propos de madame Sylvie Germain dont j'ai peut-être oublié avoir croisé l'un ou l'autre ouvrage ...

    (Tu as effectivement raison, j'étais en vacances et à mon retour, la notification d'une nouvelle publication de ta part m'a complètement échappé ... un peu pris, il est vrai, par mes lectures proustiennes et mes propres petites publications sur ma page FB.)

  • Depuis une dizaine de jours, j’ai des problèmes sur Hautetfort avec la newsletter qui ne m’adresse pas de messages lorsque j’envoie un article. Et tu ne reçois peut-être pas mes notifications. Pareil pour les commentaires comme le tien que je découvre sur le blog n’ayant pas été prévenu. Je vais étudier cela.
    Sylvie Germain fait partie de nos meilleurs écrivains actuels. Elle a de nombreux livres à son actif, accompagnés de prix comme le prix Fémina.
    Ce livre mêlant érudition et une poésie de haut niveau est superbe et, comme je le dis à Cendrine, devrait être montré dans les écoles.

  • This is my first post. Does anyone here speak about political topics?
    What do you think of APPLE?

    business coach

  • Il s'agit d'une erreur.

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