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Léonard et la Sainte Anne

 

     Nous sommes à dix jours de la prochaine grande exposition LÉONARD DE VINCI organisée par le musée du Louvre à partir du 24 octobre prochain.

     En avant-goût de l’exposition, je reviens sur la magnifique exposition qui se tint au Louvre en 2012 : LA SAINTE ANNE – L’ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci.

     Elle venait d’être restaurée.

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Léonard de Vinci – Sainte Anne, la vierge et l’enfant (après restauration en 2012), 1503-1519, musée du Louvre, Paris

 

 

UN RENONCEMENT PUIS UNE DÉCISION

     La Vierge à l’Enfant avec Sainte Anne est l’une des trois toiles que Léonard de Vinci apporta avec lui lors de sa venue en France en 1516.

     L’œuvre de Léonard occupe une place unique dans l’art occidental. Exposé à une pression publique et médiatique, le musée du Louvre avait renoncé en 1994 à engager le travail de restauration sur la Sainte Anne.

     Devant l’état de dégradation de l’œuvre, et la connaissance de nouvelles techniques scientifiques, la restauration est enfin décidée en 2011. Le résultat allait s’avérer exceptionnel comme j’ai pu le constater en visitant en 2012 cette exposition consacrée à la renaissance de ce chef-d’œuvre.

 

UN PEU D’HISTOIRE

     Au tout début du Cinquecento, le thème de la Sainte Anne trinitaire est très répandu à Florence. Léonard jouit d’une immense réputation après l’exécution de l’extraordinaire Cène peinte pour le réfectoire du couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie. Elle est aujourd'hui très dégradée.

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Léonard de Vinci – La cène, 1498, Santa Maria delle Grazie, Milan

 

     En 1501, l’artiste a déjà en tête ce thème sur lequel il méditera jusqu’à la fin de ses jours. Deux ans plus tard, l’œuvre est commencée, dans le même temps que la fameuse Monna Lisa, la Joconde.

     Pour sa plus grande partie, la toile est certainement peinte au cours du séjour milanais de Léonard entre 1508 et 1513, avant son départ pour Rome travailler pour Julien de Médicis.

     Il continuera à oeuvrer dessus, ainsi que sur les deux autres tableaux, la Joconde et le Saint Jean-Baptiste, apportés avec lui lors de sa traversée des Alpes pour la France à l’automne 1516. Sur l’invitation de François 1er, Léonard s’installe au manoir du Clos-Lucé, près d’Amboise, où il décèdera au printemps 1519.

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Château du Clos-Lucé, Amboise

 

LE COMMANDITAIRE

     Qui est le commanditaire de la « Saint Anne » ?

     Il n’y a aucune certitude à ce sujet : le roi de France Louis XII dont le thème de la Sainte Anne aurait pu honorer son épouse Anne de Bretagne ; Isabelle d’Este ; César Borgia ou un mécène italien. On pense même que Léonard, par défi pictural dont il était coutumier, aurait pu, de sa propre initiative, se lancer dans le processus de création du tableau.

 

L’OEUVRE

     Léonard manque de temps…

     Une quinzaine de dessins préparatoires aux figures sont connus.

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     Curieux de tout, il se préoccupe d’ingénierie militaire et de recherches diverses sur l’hydraulique, l’architecture, la géologie, les mathématiques ou l’anatomie du corps humain. Son activité artistique passe parfois au second plan malgré les nombreuses commandes qui restent souvent inachevées, ou ne se terminent jamais, comme l’importante fresque murale « La bataille d’Anghiari » commandée pour la salle du Grand Conseil du Palazzo Vecchio de Florence.

 

     Cette Sainte Anne, trinité terrestre, est une scène familiale. L’oeuvre peut être vue comme une synthèse des préceptes artistiques en peinture de l’artiste : rendu vaporeux des corps en clair-obscur, entrelacement des postures variées, analyse psychologique des visages.

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     L’intériorité des personnages a tout particulièrement intéressée le maître : la Vierge est assise sur les genoux de sa mère Sainte Anne qui abaisse son regard avec ce sourire bienheureux si cher à Léonard. Elle se penche tendrement et saisit dans ses bras l’enfant Jésus, comme pour l’éloigner de l’agneau avec lequel il joue qui symbolise son futur sacrifice.

 

LA RESTAURATION

     Lors de mes précédentes visites au Louvre, ce chef-d’œuvre m’apparaissait défraichi, terne, envahi de retouches de vernis anciennes ayant fait disparaître les contrastes, décolorées les couleurs.

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     En 2012, en visitant l’exposition du Louvre après la restauration de la Sainte-Anne, je suis resté scotché longtemps devant cette nouvelle Sainte Anne qui m’apparaissait telle que la voyait Léonard avant de mourir. Je découvrais l’art pictural de la maturité de l’artiste.

     La toile, construite sur d’imperceptibles transitions de lumière et d’infimes variations de couleur, avait retrouvée ses transparences dans les robes et les voilages, ses teintes vives et froides. Les bleus de lapis-lazuli et les rouges violacés s’exprimaient à nouveau. L’exquis modelé des figures enfouis sous d’épaisses couches de vernis jaunâtres apparaissait dans son état de fraicheur initial.

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     Cette merveille est, à mes yeux, la plus belle des cinq toiles que possède le Louvre aujourd’hui. Celles-ci seront l’élément central de la prochaine exposition LÉONARD DE VINCI qui s’annonce dans une dizaine de jours.

 

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Commentaires

  • un excellent article complet---
    le sourire sur une toile de Ste Anne----
    le samedi on a le tableau du samedi----- un seul tableau et juste quelques mots--
    je t'invite-
    bizzz

  • Le sourire de la Sainte Anne est exceptionnel. Les visages de Léonard sur toutes ses toiles de la maturité se reconnaissent facilement avec le fameux sfumato utilisé par l'artiste.

  • En 2012, au Louvre, ta réaction devant la "Sainte Anne" rénovée s'imposa car est effectivement remarquable la technologie de restauration d’œuvres picturales que notre époque permet de réaliser.

    Qu'il me siérait de me rendre au Louvre pour admirer cette nouvelle exposition dédiée à Léonard de Vinci !

  • Le Louvre a fait un travail remarquable pour restaurer cette Sainte Anne qui, pour moi, est le grand chef-d’œuvre de Léonard. Le tableau que j’ai vu restauré est remarquable de beauté. Le Louvre devraient en faire de même avec les autres œuvres du peintre car les moyens scientifiques actuels sont de très haut niveau.
    Le catalogue de Vincent Delieuvin édité pour l’expo de 2012 est époustouflant de connaissances, avec une iconographie exceptionnelle.

  • Je te rejoins dans tes propos par rapport à cette oeuvre exceptionnelle qui est restaurée avec délicatesse !!"merveilleux sourires" dont Léonard de Venci avait le secret!! Je pense que l'expo aura un grand succès!!Hélas, trop loin pour y aller!!! Merci Alain Bisous Fan

  • Léonard fait partie des très grands, des génies. Après Vermeer, le Louvre nous gâte en ce moment. Toutefois, ces tableaux sont déjà dans l'exposition permanente du musée.
    Cette restauration est une vraie réussite qui nous fait retrouver l'oeuvre originale. Le musée ne doit pas oser le faire pour la Joconde qui, je crois, est fragile. En cas de loupé, le monde entier nous en voudrait.
    Belle journée.

  • Merci pour cette analyse qui rend justice à ce tableau somptueux de Léonard - et sa restauration.
    Puis-je me permettre un ajout? Le tableau est aussi un extraordinaire tour de force de composition, ces lignes presque subliminales, qui participent de façon décisive à nos sensations. Cette Sainte Anne trinitaire s'inscrit dans un rigoureux triangle parfaitement équilibré, et surtout, les figures de Sainte-Anne et de la Vierge sont si intimement "imbriquées" qu'elles semblent ne faire qu'un. Comment mieux rendre visuellement ce qui par définition ne peut pas se décrire? C'est certainement aussi ce qui motive la présence de cet insondable paysage: si Léonard le rend aussi indiscernable et mystérieux, c'est à certainement à dessein, pour introduire cette dimension de mystère propre à certains concepts des Écritures.
    Piero della Francesca procède de la même manière dans ses Annonciations - en utilisant cette fois comme outil la perspective, dans laquelle il introduit des incohérences pour évoquer le mystère de l'Incarnation, par définition impossible à représenter (cf. D. Arasse "On n'y voit rien").
    Au plaisir !

  • L’historienne de l’art que vous êtes complète utilement ma note.
    J’ai effectivement oublié de parler de la composition qui est si importante dans les œuvres de cette époque, et celles de Léonard en particulier.
    Le peintre s’est repris de nombreuses fois pour réaliser cette composition dans un renouvellement continuel du projet. L’élaboration de cartons successifs, depuis un carton qui se voulait horizontal dans un premier temps, avec la Vierge et la mère côte à côte, pour privilégier le carton de cette Sainte Anne au rythme vertical, la Vierge étant assise sur les jambes de sa mère, leurs jambes étant positionnées presque au même endroit.
    Dans cette composition définitive, l’artiste semble avoir trouvé une solution qui apparaît comme un agencement triangulaire imbriquant les deux femmes l’une dans l’autre. Curieusement celles-ci paraissent, sœurs siamoises, avoir sensiblement le même âge, et presque le même sourire.
    La tête de Marie s’insère harmonieusement dans une grande diagonale descendant du visage de sa mère jusqu’à l’agneau en passant par son bras. Dans son dos, un drapé anime son manteau, le tout formant un triangle parfait.
    Les spécialistes pensent que les montagnes ont été conçues dans le même temps que les visages. Elles présentent effectivement un caractère mystérieux, la tète de sainte Anne aux couleurs chaudes s’insérant dans ces rochers bleutés froids.
    Tout est réussi dans ce tableau : couleurs, forme, composition, charme des visages. Serait-ce la perfection ?
    Un grand merci pour votre rajout qui complète superbement mon analyse incomplète comme toute analyse.
    Belle soirée.

  • Merci de e partager votre passion pour la peinture, grâce à vous, j'apprends agréablement quantité de détails sur cet art et l'histoire. Et quelle belle toile que celle de Ste Anne. Toute emplie de douceur. Merci

  • C'est gentil Christine d'être passée sur le blog. Il est quand même plus agréable de voir les tableaux en couleur...
    Lorsque j'ai vu cette sainte Anne restaurée en 2012 je ne pouvais la quitter des yeux. Elle paraissait comme venant d'être peinte par Léonard. Les restaurateurs ont fait un travail remarquable, tout en finesse, en laissant même quelques vernis anciens pour ne pas abimer l'oeuvre. L'extraordinaire raffinement de la technique picturale de l'artiste apparaissait à nouveau.
    Belle journée Christine

  • Merci à Madame Armelle Archimuse et à toi, Alain, d'avoir apporté ces précisions complémentaires. En 1997, le grand Daniel Arasse a publié chez Hazan un ouvrage intitulé "Léonard de Vinci. Le rythme du monde". Je viens de le sortir de ma bibliothèque pour voir s'il donne quelques mots d'explication concernant la question que je te posais sur ta page FB à propos d'une éventuelle symbolique des paysages montagneux que l'on retrouve aussi derrière la Joconde et pour lesquels, ci-dessus, Madame Archimuse évoque une " dimension de mystère propre à certains concepts des Écritures", en introduisant son propos par l'adverbe "certainement" et en ne précisant malheureusement pas plus avant sa pensée : si d'aventure vous me lisez ici, Madame, auriez-vous l'extrême amabilité d'éclairer ma lanterne, - notre lanterne -, à ce sujet ?

    .

  • Je lis quelques interprétations sur le paysage dans le catalogue. Elles sont très diverses.
    Celle qui revient le plus souvent est le naturalisme de Léonard qui voit dans ce paysage l’ultime illustration de ses recherches scientifiques. Il installe ses personnages au sein d’un environnement reproduisant le monde dans toute sa diversité. La sainte Anne est placée dans notre monde, car l’incarnation de Dieu s’est faite sur notre terre et pour le salut de l’humanité.
    Les éléments de ce monde recréé peuvent également revêtir une signification symbolique : le baptême à travers l’eau, la descendance de sainte Anne avec l’arbre ou l’Immaculée Conception dans les hautes montagnes.
    Daniel Arasse avancerait l’image d’une terre qui n’a pas encore été régénérée par le sacrifice du Christ et la métaphore de la Vierge comme montagne d’où naît le Christ, « pierre non taillée de main d’homme ».
    J’ai lu également la longue infécondité de la sainte Anne à travers la métaphore de l’arbre qui aurait réussi à pousser sur une terre infertile.
    C’est un peu complexe tout cela. Personnellement, je pencherais pour le côté naturaliste scientifique de Léonard. Et puis, tout simplement, ces montagnes d’un bleu pale font un splendide contraste derrière les personnages tout en donnant un côté mystérieux à l’œuvre comme le mentionne Armelle.

  • Grand merci à toi, Alain, de te donner la peine d'effectuer des recherches pour trouver réponse à ma question sur ta page FB concernant l'éventuelle symbolique du paysage montagneux à l'arrière-plan de cette toile.
    Comme je l'ai annoncé ci-dessus tout à l'heure, j'ai compulsé l'ouvrage de Daniel Arasse que je citais, "Léonard de Vinci. Le rythme du monde".
    Si tu me le permets, pour appuyer la position de ce remarquable historien de l'art en la matière que tu cites dans ton commentaire de 9, 17 H., je reproduis textuellement ci-après ce qu'il écrit aux pages 159 et 160 de mon édition de 2011. Très honnêtement, plutôt qu'en faire un résumé, l'agnostique que je suis n'y comprenant pas vraiment grand chose, je préfère pour que tes lecteurs et toi soyez au cœur même de son explication d'art resituer l'extrait que tu proposes dans son contexte.

    Après avoir indiqué que "la seconde innovation décisive à l'intérieur du thème [de cette toile est] la descente de Jésus à même le sol", Arasse écrit que :

    "Léonard fait sortir Jésus d'entre les jambes de sa mère, il le fait à proprement parler "venir au monde". (...) La descente de Jésus sur le sol visualise, sous une forme admirablement condensée, la descente sur terre du Dieu incarné, pour y mourir. Cette descente est celle de la Grâce qui rachète et sauve l'humanité - et ce contexte donne tout son sens au paysage rocheux de l'arrière-plan. Proche et sans doute contemporain de celui de Mona Lisa, ce paysage n'a plus seulement affaire à la mystérieuse fertilité de la femme : il évoque à la fois l'image d'une terre qui n'a pas encore été régénérée par le sacrifice du Christ et la métaphore de la Vierge comme montagne d'où naît le Christ, "pierre non taillée de main d'homme". Avec ce paysage, Léonard articule l'"Humanissima Trinitas" à ce qui constitue son arrière-plan théologique : l'Immaculée Conception de Marie par sainte Anne, condition nécessaire et mystérieuse de l'Incarnation de Jésus en Marie".

    Voilà, Alain. Comprenne qui pourra !

  • Eh bé ! Je me suis toujours demandé comment les historiens d'art faisaient pour trouver cela...
    Honnêtement, je ne suis pas sûr, malgré le côté profondément religieux de l'art de cette période,que Léonard a pensé à tout cela pour réaliser en 16 ans sans la terminer, une oeuvre d'une telle qualité picturale.
    Son ambition d'excellence dans tous les domaines, et son désir d'être reconnu comme le meilleur peintre, devait certainement passer en premier dans ses choix.
    C'était une intéressante recherche qui de toute façon ne sera jamais close.

  • Après avoir lu la plupart des commentaires, je ne vais rien ajouter... mais je sais que j'irai au Louvre voir l'expo.
    Passe une douce journée.

  • Il vaut mieux ne rien rajouter car ont a déjà fait très long sur ce magnifique tableau.
    Le problème des spécialistes en peinture est de tenter de voir, comprendre, des détails d’un tableau auxquels bien souvent le peintre n’avait pas vraiment pensé.
    Cette expo va être impressionnante par la qualité et attirera des visiteurs du monde entier.

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