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Pastels à Orsay

 

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Lucien Lévy-Dhurmer - la femme à la médaille, 1896, musée d'Orsay

 

« Un art érotique »

 Le pastel stimule l’œil et en appelle aux antres sens. De ce fait, selon l’écrivain Ernst Jünger, il repose intrinsèquement sur « la valeur tactile de la couleur, une sensation d’ordre épidermique évoquant la pensée d’un contact ».

 

Une centaine de pastels de la seconde moitié du 19e sur une collection riche de 500 œuvres, l’une des plus importantes au monde avec celle du Louvre pour le 17e et le 18e, sont présentés dans la magnifique exposition actuelle du musée d’Orsay.

Négligé à partir de la Révolution française, c’est un nouvel âge d’or du pastel qui commence au 19e. Une résurrection ! De nouveaux pigments et supports comme le « Pastel Card » apparaissent. Le peintre Jean-François Millet, un des grands initiateurs du renouveau, avec « Le bouquet de marguerites » annonce une transformation dans l’usage du pastel. Désormais, la technique va cesser de se limiter uniquement au portrait pour devenir un merveilleux moyen pouvant exprimer le paysage, le nu et tous les genres. Tous les peintres avant-gardistes, ces impressionnistes adeptes de la touche divisée et de l’éphémère des choses, vont adopter plus ou moins ce mode d’expression, dont Manet, Toulouse-Lautrec, Gauguin, Degas, Morisot. 

Plus tard, les symbolistes, Odilon Redon en particulier, vont exploiter l’extraordinaire plasticité du pastel pour faire surgir l’imaginaire au-delà du réel.

 

 

Les pastellistes ont un rapport privilégié, presque sensuel, avec la technique du pastel, ces petits bâtonnets cylindriques composés de pigments en poudre amalgamés par un liant. Léonard de Vinci fut l’un des premiers à utiliser ce « mode de colorier à sec ». Cette technique propre est d’une grande facilité de travail : pas de préparation, aucune odeur, interrompre son travail et le reprendre à tout moment. Un bonheur ! Le seul inconvénient : la poussière. Les pastels ne se mélangeant pas entre eux, il est indispensable de posséder une grande quantité de bâtonnets de tonalités différentes. Conservée dans de bonnes conditions de conservation, la texture du pastel, grâce à sa pureté, ne jaunit ni ne fonce avec le temps et sa luminosité, son aspect velouté des couleurs restent intacts.

Ce procédé, par sa texture lumineuse, son onctuosité, ses couleurs chatoyantes, une accroche exceptionnelle sur le support, comble les besoins d’émotion et de rapidité des peintres. Ils expérimentent les meilleurs effets possibles : hachures pour l’harmonie chromatique, pâtes obtenues avec de l’eau qu’ils travaillent avec les doigts ou la brosse. Toutes les ressources sont exploitées dans une orgie de couleurs. Autre possibilité inégalée du pastel : « dessiner en peignant, peindre en dessinant ». 

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Rosalba Carriera – autoportrait, 1730, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde

En 1720, avec la venue en France de la « Rosalba », la Vénitienne Rosalba Carriera, la mode du pastel est lancée en France. Cette technique chatoyante, colorée, spontanée et fragile, au rendu vaporeux, sera très recherchée tout au long du 18e siècle et les plus grands peintres s’y mettent : François Boucher, Jean-Baptiste Perronneau, Élisabeth Louise Vigée Le Brun, Maurice Quentin de la Tour. Même Jean-Baptiste Chardin commence à un âge avancé en utilisant déjà le principe du mélange optique des teintes : la touche hachurée, posée par superposition de couches successives, accrochait la lumière et donnait vie au personnage. Parfois, le pastel était écrasé directement sur le papier par de longues traînées de couleurs.

 

QUELQUES TABLEAUX

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Edouard Manet - Irma Brunner la viennoise, 1880, Louvre

Edouard Manet : « Portrait d’Irma Brunet », mon préféré du peintre, mêlant le noir de Manet dans le chapeau au corsage rosé découpé sur le fond gris. La touche rouge des lèvres pimente cette harmonie élégante. J’ai revu avec plaisir sa « Nana » Lumineuse courtisane en déshabillé au sourire mutin.

 

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Edgar Degas – Danseuses, 1884, musée d’Orsay, Paris

Edgar Degas : « Danseuses » un contre-jour lumineux sur le tulle blanc des tutus et la peau laiteuse des dos et des cous gracieux des jeunes femmes. Les pastels de Degas, des feux d’artifice ! Il est le peintre qui, dans ses thèmes, utilise le plus cette technique du mouvement. Le peintre raffolait de la représentation des filles du peuple et leurs petits métiers : blanchisseuses, repasseuses, modistes, femmes nues, couchées ou se baignant. La pudeur bourgeoise était choquée : « Je les montre sans leur coquetterie, à l’état de bêtes qui se nettoient ». Il débusquait les corps féminins dans leur intimité. « Il a eu de la chance, ce Rembrandt ! Il peignait des Suzanne au bain ; moi, je peins des femmes au tub ».  

 

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Odilon Redon - portrait de jeune femme au bonnet bleu, 1898, musée d’Orsay

Odilon Redon : « Jeune fille au bonnet bleu », jeune femme portant une coiffe bretonne d’un bleu éclatant. « Le char d’Apollon », une des compositions les plus solaires du peintre est sur la première page du catalogue de l’exposition.

 

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Mary Cassatt – Mère et enfant sur fond vert, 1897, musée d’Orsay, Paris

Mary Cassatt : « Mère et enfant sur fond vert », les vigoureux zigzags de pastel rouge et vert sur la robe laisse penser que la scène a été saisie dur le vif.

 

Lucien Lévy-Dhurmer : « La Femme à la médaille », j’ai découvert ce tableau et ce magnifique peintre dans l’expo. La coiffe noire du modèle évoque celle des pays germaniques du 16e siècle.

 

Cette superbe exposition dure jusqu’au 3 juillet prochain. Il faut faire vite.

 

 

Commentaires

  • Le pastel pour fixer " l'éphémère des choses"
    Séduira Morisot, Manet, Gauguin, Degas,
    Et Toulouse-L'autre, puis fera ses dégats
    Chez Odilon, Redon en domptant leurs névroses

    Bonsoir Alain,
    Je poursuis ma lecture assoiffée de culture qui tu nous sers frappée avec ce beau temps.mon bonheur est parfait !
    Bises L'Ami

  • Il est vrai que le pastel par la rapidité d’exécution qu’il permet et sa texture légère devient éphémère s’il n’est pas fixé. Malgré tout, il n’a pas bougé chez les grands peintres que tu cites. C’est un pigment magnifique !
    Heureusement qu’il reste des assoiffées de culture comme toi pour redonner un peu d’espoir dans ce monde en pleins bouleversements.

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