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Éloge du quotidien

 

De hooch

Pieter De Hooch - Mère avec enfant, 1661, Gemäldegalerie, Staatliche Museum, Berlin

 

     Heureuse idée ! Mon interview Babelio récente sur les « livres d’art » m’a incité à fouiller à nouveau dans ma bibliothèque. J’ai ressorti deux livres d’art exceptionnels de Tzvetan Todorov. Je parlerai du second « Éloge de l’individu » une prochaine fois.

    La couverture reliée insérée dans un coffret est tellement belle que l’on ne peut résister à l’envie immédiate d’ouvrir cet « Éloge du quotidien - Essai sur la peinture hollandaise du 17e siècle ».

 

     Un rappel historique s’impose : En ce début de 17e siècle, le dernier grand peintre religieux italien Le Caravage, dont les clairs-obscurs ont eu un impact considérable sur la peinture italienne finissante, vient de mourir en 1610. Les grandes périodes picturales italiennes et flamandes des 15e et 16e sont terminées.

     Le siècle d’or hollandais va prendre la place…

 

 

     Au 17e, la République des Provinces-Unies protestante est à son apogée et domine l’Europe, aussi bien dans les domaines économiques et sociaux, que littéraire, scientifique et artistique. Le commerce est florissant. La marine néerlandaise sillonne les routes maritimes mondiales avec ses navires de la Compagnie des Indes.

     Les maîtres italiens continuent d’influencer la peinture dans les grands centres artistiques d’Haarlem, Utrecht, Amsterdam ou Delft. L’Église catholique n’est plus commanditaire. Le choix des thèmes religieux s’altère et un grand marché de l’art libre s’installe. Pour la première fois, ce n’est plus l’histoire sainte, la mythologie grecque ou l’histoire qui deviennent le thème central du tableau, mais la vie quotidienne des gens. Quoi de mieux pour ce peuple néerlandais, sédentaire, que la demeure familiale comme modèle idéal ? Les acheteurs, bourgeois aisés, apprécient la peinture des artistes qui se spécialisent : il en résulte une demande accrue de portraits, paysages, natures mortes et peintures de genre qui, de dimensions réduites, s’accrochent plus facilement dans les salons. L’art est présent partout et l’on peut même, parfois, trouver des tableaux dans les plus humbles demeures.

 

La peinture intimiste néerlandaise appelée aussi peinture « de genre » est certainement le courant le plus intéressant et le plus original du 17e siècle hollandais : des scènes d’intérieur nous font pénétrer dans les maisons bourgeoises, participer aux travaux ménagers, à la vie de famille : jeunes femmes à leur toilette, lisant une lettre d’amour, jouant du virginal ou brodant. Parfois un militaire tente de séduire une dame, un couple profite d’un moment de griserie amoureuse, ou des fêtards boivent et s’amusent.

La peinture est sans prétention, simple : la banalité quotidienne…

 

Quelques-uns des plus grands peintres de l’histoire mondiale de la peinture s’épanouissent dans cet âge d’or : Rembrandt, Vermeer et Hals rayonnent, accompagnés par un bouquet de peintres exceptionnels ayant des influences stylistiques et thématiques proches.

 

Hals

Frans Hals - La Bohémienne, 1630, Musée du Louvre, Paris

 

Personnalité artistique puissante, Frans Hals, plus âgé, exerce une influence sur ses cadets. « Quel plaisir de voir un Frans Hals ! », écrivait Vincent Van Gogh. Dans une lettre à son ami Émile Bernard, il consacre un long passage au peintre de Haarlem : « Jamais il n’a peint de Christ, d’Annonciations aux bergers, d’anges ou de crucifixions et résurrections, jamais il n’a peint de femmes nues voluptueuses et bestiales. Il a fait des portraits, rien que cela. Cela vaut bien le Paradis du Dante et les Michel-Ange et les Raphaël, et les Grecs même. » 

Hals

Frans Hals - L'enfant rieur, 1625, Musée du Mauritshuis, La Haye

 

Rembrandt reste le génie, le plus admiré : « On ne peut voir un Rembrandt sans croire en Dieu », continue Van Gogh

Rembrandt

Rembrandt - Hendrikje se baignant dans une rivière, 1654, National Gallery, Londres

 

Quelques peintres représentent le plus souvent des scènes d’intérieur avec peu de personnages :

Dou

 

 

Gérard Dou - Le Hachis d'oignons, Collection royale, Londres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ter Borch

 

 

Gérard Ter Borch - Jeune femme à sa toilette, 1651, MET, New York                

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Van Miéris

 

 

Frans van Mieris - Femme à son miroir, 1662, Gemäldegalerie, Berlin 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Metsu

 

 

Gabriel Metsu - L’enfant malade, 1660, Rijksmuseum, Amsterdam

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Leyster

 

 

 

Une femme, Judith Leyster, est la plus représentative dans cette peinture hollandaise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Judith Leyster - La proposition, 1631, Mauritshuis, La Haye

 

Je ne me lasse pas de ce peintre ! : Jan Steen. La brasserie qu’il géra pendant plusieurs années à Delft a dû lui inspirer ces scènes de beuveries, d’orgies, de paillardises qui sont du plus grand comique dans ce siècle puritain…

Steen

Jan Steen - La famille joyeuse, 1668, Rijksmuseum, Amsterdam

 

Pieter De Hooch est le peintre novateur de cette nouvelle peinture de genre hollandaise représentant la vie populaire dans des scènes familiales d’intérieurs bourgeois ouverts sur des cours illuminées où des enfants s’amusent. Sa sensibilité et son style sont proches de Vermeer avec lequel il est voisin à Delft.

De Hooch

Pieter de Hooch - La cour d'une maison à Delft, 1658, National Gallery, Londres

 

À Delft, le siècle d’or dérive lentement au fil de l’eau des canaux. Johannes Vermeer va amener la peinture hollandaise à son plus haut niveau. Harmonie, calme, sérénité… Le peu de toiles conservées du sphinx de Delft sont connues dans le monde entier : La Femme à la balance en Vierge attire dès le premier regard ; une lumière dorée enveloppe la Vue de Delft ; La Laitière verse le liquide blanc dans une cruche, pendant qu’une jeune femme hésite à ouvrir une Lettre d’amour ; La jeune fille à la perle, éblouissante, nous fait face, souriante.

Vermeer

Johannes Vermeer - La Jeune fille à la perle, 1665, Mauritshuis, La Haye

 

Les peintres hollandais du 17e ont connu un état de grâce qui tient à l’interprétation du monde. L’artiste hollandais trouve le sens de la vie dans la vie elle-même, et non nécessairement dans un répertoire constitué de formes. Il peut montrer la beauté dans un simple geste que personne n’avait sublimé jusque-là : une jeune femme ajuste son collier de perles ou soulève les plateaux d’une balance ; compas à la main, un scientifique observe par la fenêtre.

 

Cet ouvrage, avec ses nombreuses représentations de tableaux, est magnifique.

 

Commentaires

  • Je suppose Alain que ton coffret offre la splendide opportunité de proposer les tableaux avec leurs teintes d'origine ... car, personnellement, je dispose des deux volumes en collection de poche "Points essais" et là, les reproductions sont de petit format et malheureusement en noir et blanc. Nonobstant, les deux études de Todorov sont remarquables à lire et ma bibliothèque personnelle supplée pour visualiser les toiles en couleurs.

  • Dommage, Richard, que la couleur ne figure pas dans ta version. C’est toujours le même problème, la couleur c’est cher et le livre d’art de qualité n’est pas abordable si tu n’as pas les moyens financiers.
    Personnellement, j’ai du mal à lire un livre d’art spécialisé sans voir le tableau dont on parle. Et de qualité si possible. Comment faire comprendre et aimer la peinture aux non-initiés uniquement avec des phrases, savantes certes, mais qui ne permettent pas de s’introduire dans la pensée et l’expression créative du peintre. C’est un peu comme si l’on t’expliquait scientifiquement Proust sans montrer la beauté de ses phrases.
    Belle journée, Richard.

  • Je suis entièrement d'accord avec toi, cher Alain, mais je pense que tu me connais suffisamment pour accréditer mon propos quand je t'écris que ma bibliothèque personnelle supplée aux manques de cette édition de poche des quatre "essais" de Tzvetan Todorov .....

  • Je parlais, Richard, des jeunes, ou moins jeunes, qui veulent approfondir l'art sans en avoir les moyens financiers et qui, de ce fait, accèdent dans de mauvaises conditions aux oeuvres.

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