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VERMEER AU LOUVRE : La jeune fille au collier de perles

 

VERMEER Johannes -  La jeune fille au collier de perles, 1664, Gemäldegalerie, Berlin

 

 

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     - Non, monsieur, ce n’est pas La jeune fille à la perle de Johannes Vermeer !

     - Pourtant j’ai entendu à la radio qu’elle serait dans l’exposition…

     - Puisque je vous dis que ce n’est pas elle ! Vous confondez, monsieur. Le tableau qui est accroché devant nous se nomme La jeune fille au collier de perles. Cela n’a rien à voir…

     Plantés à mes côtés, un homme moustachu et une dame, affublée d’énormes montures de lunettes en écaille, se disputent sur le titre de la toile. J’interviens. 

     - Madame a raison, monsieur. Malheureusement, la fameuse « Joconde du Nord » ou Jeune fille à la perle est restée chez elle à La Haye. Le Mauritshuis n’a pas voulu se séparer, avec la Vue de Delft, de ses deux chefs-d’œuvre de l’artiste qui font la renommée du musée. Dommage pour l’exposition du Louvre qui aurait atteint des sommets… Mais vous ne perdez pas trop au change, cette toile-ci est superbe.

     Déçu, l’homme me dévisagea, regarda une dernière fois le tableau, puis s’éloigna. La dame le suivit en me souriant. Elle me lança d’un air moqueur : « La jeune fille à la perle ? Il n’a pas dû voir le film… ».

 

   Je scrute le petit tableau qui vient d’un musée berlinois. J’ai lu que le français Thoré-Bürger, qui découvrit Vermeer au 19e, avait acquis cette œuvre qu’il trouvait « délicieuse ». Dans les années 1662–1665, Vermeer peignit plusieurs jeunes femmes seules, debout, occupées à une activité quotidienne. J’ai hâte de voir la superbe Femme à la balance qui est présente dans l’exposition.

     De l’or, je perçois de l’or !

   Je ne retrouve pas les bleus et ocres habituels du peintre. Les jaunes de la veste et des rideaux se reflètent sur le mur blanchâtre, vide. L’effet est saisissant… Posé sur la table, une peinture,vermeer,hollande,louvremasse brune de tissu est coupée par une diagonale de lumière. Ainsi, deux triangles séparent la composition : pénombre et clarté, formant un contraste puissant. A l’origine, le peintre avait placé une carte murale sur le mur et un luth sur la chaise. Trop de détails... Il les enleva afin d'orienter l’attention uniquement sur le personnage.

    La jeune femme attentive baigne dans une lumière qui l’enveloppe d’un halo lumineux doré. Elle est en train d’ajuster son collier de perles. Très élégante, elle porte une veste de satin jaune bordée d’hermine duveteuse. Je remarque la petite touche de couleur qui égaie ses cheveux : un ruban orangé en étoile.

    A quoi pense-t-elle ? Elle semble être arrêtée au milieu de sa toilette, surprise au moment où ses mains potelées hésitent devant son miroir pour attacher les rubans du collier glissé autour de son cou. Toujours cette perle qui brille à son oreille comme chez la plupart des femmes peintes par l’artiste.

 

    Accrochée non loin, une toile de Frans van Mieris Femme à son miroir montre la même
scène dans un effet de clair-obscur. Rêveuse, la jeune femme pose langoureusement en exhibant un décolleté profond, sensuel. Une servante noire lui tend un coffret à bijou. La lettre ouverte sur la table provient certainement d'un amant...

    Dans la scène peinte par Vermeer, aucune connotation amoureuse n’apparaît. L’attache du collier est la seule préoccupation de la jeune femme.

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Frans van Mieris – Femme à son miroir, 1662, Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie

 

     Une autre jeune femme est ravissante : celle de Gerard Ter Borch. Ce peintre ne se lasse pas de peindre sa jeune sœur Gesina au profil si fin. J’ai déjà vu plusieurs toiles la représentant.
Dans cette scène intime, elle est debout près de son lit et ajuste son corset de satin jaune. Derrière elle, la servante examine le miroir dans lequel la jeune fille se reflète.

   Comme dans la toile précédente de Van Mieris, une servante s’occupe de la femme, mais leurs intentions sont différentes.

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Gerard Ter Borch – Jeune femme à sa toilette, 1651, Metropolitan Museum of Art, New york

     

     Je fixe la jeune femme qui tient toujours son collier de perles. Elle me paraît toute jeune… Son visage a gardé une rondeur adolescente... Je me demande si une des filles de Vermeer, il eut une nombreuse famille, aurait pu incarner cette gracieuse image d’innocence juvénile que le blanc pur des perles symbolise ?

    Je me mets à calculer… Le premier de ses enfants, Maria, était né en 1654… Trop jeune, elle aurait eu dix ans ! 

     Le peintre ne représenta que deux enfants dans ses toiles : Maria qui jouait à genoux dans peinture,vermeer,hollande,louvreLa ruelle au côté d’un garçonnet, et une toute jeune fille portant un bébé dans ses bras à l’extrémité gauche de la petite bande de sable rosé dans La vue de Delft… Comment se fait-il que les petits minois espiègles de ses propres enfants ne l’aient jamais inspiré ? C’est presque incroyable pour un homme qui eut une telle progéniture ! Etrange bonhomme, pensai-je… Les événements familiaux ne semblèrent avoir eu aucune prise sur sa concentration artistique. Ses nombreux enfants qui devaient envahir la maison ne paraissent pas avoir troublé sa quiétude silencieuse, l’incroyable sérénité dégagée par sa peinture…

 

  

Johannes Vermeer – La ruelle (détail), 1657, Rijksmuseum, Amsterdam

 

     Les visiteurs sont sous le charme…

   La beauté éclatante des tableaux de Vermeer est un véritable défi à l’art ! L’idéal, la perfection paraissent atteints. Certains disent que son œuvre, toute de calme, d’intériorité, est si personnelle, unique, qu’il est presque impossible de la décrire et de l’expliquer.

   Je ne tente plus de décrypter la toile. Au fond de moi, quelque chose d’inexprimable s’agite…

 

 

Commentaires

  • très peu de couleurs en fait, ce qui fait vibrer ce dialogue entre les deux zones dorées verticales sur le fond des triangles noirs/blancs comme tu le décris si bien. Le visage est infiniment expressif, ce n'est pas une coquette, mais elle ne peut s’empêcher d'admirer le laiteux des perles, peut être attendrie par le cadeau qu'on lui a fait...

  • Peu de couleurs effectivement. Une clarté lumineuse et des sombres transparents. Les détails ont été réduits au minimum. C’est voulu, ainsi le regard se projette immédiatement sur la jeune femme et sa veste jaune satinée. J’aime la petite touche chaude : le ruban orangé en étoile dans les cheveux.
    La jeune femme semble curieusement arrêtée, les mains accrochées au collier. Est-ce un cadeau ? Aucun esprit de séduction comme chez Van Mieris n’apparaît. Comme souvent, Vermeer n’exprime rien : il peint…
    Excellent week-end, Emma

  • Il est plus que probable que le personnage du tableau soit la plus âgée des filles de Vermeer, qui aurait été à la fin de son adolescence au moment de l’exécution. Elle pourrait apparaître dans plusieurs de ses tableaux en fait, bien qu’il soit difficile de le déterminer avec certitude à cause du style de Vermeer et de son travail sur la lumière qui peut représenter les traits d’une personne différemment selon les tableaux.

  • Bonjour Alain,
    Vous mêlez si bien vos émotions artistiques à des renseignements d'une grande précision sur les oeuvres que vous aimez ! C'est un plaisir « d'écouter » votre écriture. Un grand plaisir !
    Où papillonne le regard de cette jeune femme délicatement parée ? En des terres intérieures où le peintre attire l'attention du visiteur par un subtil jeu d'énigmes ? Sur l'espace de la toile, Vermeer a tissé des couleurs qui chantent, un écho entre teintes solaires et nuances de lune nées de l'opalescence des perles. Chacun se murmure une histoire auprès de l'oeuvre où tout est précieux et abordable.
    Les perles sont magnifiques ! Gouttes fugitives brodant de la lumière sur un cou nacré. Chapelet de pensées...
    Je suis également ravie de contempler les autres tableaux, l'abandon sensuel qui imprègne celui de Van Mieris, la fraîcheur et la grâce exaltées par le talent de Gérard Ter Borch.

    A propos des enfants, laissez-moi vous conter une petite anecdote. Pour mes examens de Licence en Histoire de l'Art, l'un de mes oraux m'a laissé un souvenir pour le moins stressant.
    Le professeur spécialiste de la peinture de genre me donne le sujet suivant :
    « Le thème de la peinture de genre non traité par Vermeer et la place de cette absence dans l'oeuvre du peintre » !
    Je vois le visage déconfit de la jeune femme qui va être interrogée avant moi. Son sujet porte sur « la lumière dans l'oeuvre de Vermeer ». Nous nous connaissons bien et elle me chuchote avant d'être appelée « il est terrible ton sujet... »
    Je parviens à ne pas paniquer. Nous avons étudié Vermeer pendant toute l'année, Vermeer et ses contemporains avec des thèmes très précis : l'homobulla, la perle, le miroir, le mobilier symbolique, les instruments de musique, la carte géographique et la vision du monde selon l'artiste...
    Installée à ma chaise, je me remémore mes cours, je triture mes neurones et je pense aux contemporains de Vermeer, à leurs thèmes de prédilection quand d'un coup il me vient : « l'enfance, Vermeer n'a pas traité l'enfance ! » Le prof ne s'est pas exprimé sur le sujet pendant l'annéeet les livres étudiés à l'époque n'y faisaient pas non plus référence. Au moment de mon oral, le prof s'est excusé en me disant « je vous ai donné un sujet très difficile, si vous êtes déstabilisée on verra, je vous interrogerai différemment. »
    Mais ça a été, j'ai suivi mon idée et tiré mon épingle du jeu sans jamais oublier ce sujet pour le moins inattendu. Somme toute, un très beau sujet !

    Merci pour ce très beau moment d'histoire de l'art, je vous souhaite un excellent week-end.

    Vos yeux vont-ils mieux?

    Amitiés

    Cendrine

  • Vos mots ont une belle subtilité poétique : cela va bien à Vermeer…
    Ecouter l’écriture… Je le fais souvent par économie visuelle. J’ai ainsi supprimé la télé et la peinture au pastel. Certains de mes textes ont été lus par une amie dans Littérature Audio. Vous pouvez écouter, colonne de droite du blog.
    Vermeer… Difficile à décrypter cet homme. Il est tellement différent, malgré les apparences, des autres hollandais. La semaine prochaine je parlerai de ma première rencontre avec « La dentellière ». Ce fut un grand moment.
    Votre thème de l’histoire de l’art était excellent et vous vous en êtes bien sortie. Il est vrai que certains thèmes de genre, contrairement à des peintres contemporains, ont été peu abordés par l’artiste : l’enfance effectivement, la débauche, la séduction ou fêtes galantes.
    Merci pour ce beau commentaire.
    Très beau week-end, Cendrine.

  • Cette toile, - mais comment avec Vermeer en pourrait-il être autrement ? - est superbe par l'opposition qu'il réalise entre obscurité et clarté - mettant ainsi en lumière, - au sens propre comme au sens figuré ! -, le visage et le geste de la jeune femme.

    Comment sais-tu que retouches il y eut, éliminant une carte murale, que l'on retrouve dans d'autres tableaux, et le luth sur la chaise ?

  • Oui, Richard, toujours la fameuse lumière de Vermeer. Comme il sait montrer les femmes…
    Pour le tableau et le luth retiré, je l’ai tout simplement lu. Vermeer ne dessinait pas, ainsi il retouchait beaucoup ses toiles. Le peintre a voulu éliminer certains détails qui rendaient la toile trop chargée. Cela permet au regard de se diriger directement vers son thème de prédilection : la figure féminine éclairée par une fenêtre, dans une pièce silencieuse.
    Beau week-end.

  • Ce que tu as lu à propos de ces "repentirs" - (effacement de la carte et du luth -), est-il le fruit d'une introspection du tableau aux rayons X ?

    " Vermeer n'exprime rien : il peint", écris-tu dans ta réponse au commentaire d'Emma !!!

    Personnellement, j'estime que par cette œuvres-ci, il exprime la Beauté ; il exprime la présence et l'évanescence de la Lumière : il exprime en fait l'inexprimable, ce qui ne se définit que par des mots, souvent dans de longues périphrases :

    Et ce n'est "rien", cela, pour toi ???

    Je ne te comprends pas bien, pour le coup !

  • Je veux dire que Vermeer ne cherche pas exprimer une pensée philosophique ou autre dans l’étude des personnages. Contrairement à ses confrères, sa préoccupation essentielle est picturale avant tout, ce que tu as parfaitement démontré. Il était immergé dans son art. La beauté de ses toiles relevait d’une volonté artistique supérieure.
    Pour la carte et le luth, toutes les toiles des peintres sont maintenant analysées pour savoir ce qui se cache sous la peinture et mieux connaître la technique utilisée.

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