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Un déguisement de Mardi gras

 

MONET Claude -  La japonaise, 1875, Museum of Fine Arts, Boston

 

 

 

     « Souris, lance Claude Monet à sa femme ! Bon dieu, c’est pourtant simple !... Non ! Pas comme ça ! Un vrai sourire ! naturel… tu me fais une grimace… Tourne bien la tête vers moi ! »

     Elle fait de son mieux, Camille, mais Monet est tellement exigeant. D’autant plus que ce qui intéresse le peintre n’est pas essentiellement le visage, ni les mains de la jeune femme, mais toutes ces couleurs qui éclatent sur elle, s’entrechoquent, vibrent.

 

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     Elle n’est plus la bourgeoise élégante qui était superbement habillée d’une robe de soie verte au salon de 1866. Cette fois, le peintre a voulu faire exotique : une japonaise.

    Il l’a affublée d’une somptueuse robe d’acteur japonais rouge brodée de fleurs et de personnages grimaçants. Elle s’est transformée en parisienne déguisée, coiffée d’une curieuse perruque blonde, tenant un éventail tricolore à hauteur du visage. Même ses yeux paraissent bridés... Ainsi attifée, elle s’efforce de sourire, niaisement car elle a plutôt envie de rire tellement sa pose est étrange et son déguisement théâtral.

     Une fantaisie… Certains des amis de l’artiste osent parler d’œuvre indécente, déplacée : peinture,monet,camille,impressionnisme,estampespeindre sa propre épouse habillée pour Mardi gras, avec un guerrier grotesque sortant bien vivant des plis du kimono brodé sur ses fesses...

    Innocemment, Camille le lui fait remarquer. « Je m’en fiche, l’essentiel est que l’on te remarque au Salon ! Crois-moi que ce kimono éclatant et ce guerrier grimaçant - mal placé je reconnais ! - ne passeront pas inaperçus, répond-t-il, rigolard. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    Pourquoi Monet, en cette fin de l’année 1875, peint-il cette « japonaiserie », tableau d’un mauvais goût détonnant par rapport à son travail habituel ?

     L’exposition universelle de 1867 a révélé l’art japonais au public. Des estampes circulent un peu partout et influencent les artistes européens. De suite, Monet a été séduit par le charme de ces peintures nippones dont il collectionne les fameux « crépons » achetés dans des boutiques à Paris. Ceux-ci lui révèlent l’importance du vêtement et son rôle dans l’expression du mouvement, des formes, du rythme. Tout lui plait dans ces gravures : la pureté et la finesse des contours, l’élégance décorative, l’harmonie des couleurs, une grande richesse de tons, le raffiné de la composition.

      Un art fondé sur un idéal esthétique...

     Cette Japonaise marque-t-elle un moment de changement psychologique dans le travail de Monet qui modifie sa façon de traiter la perspective et le rapport des couleurs entre elles ? Veut-il prouver qu’il sait faire autre chose que des paysages ?

    Camille ne s’inquiète pas de la façon dont elle est grimée dans ce ridicule accoutrement de geisha. Claude est l’homme de sa vie. Il peut tout lui demander.     

     Elle tente de garder la pose et continue de lui sourire.

 

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Commentaires

  • J'ai lu que Monet semblait avoir un temps beaucoup apprécié l'art chinois et japonais, que le décor de sa maison, que certains meubles et bibelots même, y faisaient largement référence.
    Mais ce portrait particulier de Camille constitue-t-il l'unique tableau peint sur ce sujet exotique ?
    Ou y en aurait-il d'autres, portraits, voire paysages, que tu garderais dans ta manche pour un prochain article ?

  • A cette époque l’art japonais était très prisé et circulait sous forme d’estampes.
    Les peintres impressionnistes ont été fortement influencés par cet art. Le meilleur exemple, à la fin des années 1880, est Van Gogh qui copia plusieurs fois des gravures dans son style si personnel, comme il le faisait également pour Delacroix ou Millet.
    Monet, fan de japonisme, accrochait des gravures dans toute sa maison de Giverny. Cette peinture de Camille en « Japonaise » est, à ma connaissance, la seule toile du peintre peinte en s’inspirant de ce nouveau style. Par contre, comme les japonais avec le « Mont Fuji », il fera des séries (meules, cathédrales, peupliers). Nous sommes en plein milieu des années 1870, les peintres avant-gardistes adaptent la manière japonaise, art de plein air, à leur style désormais caractérisé d’impressionniste : touche divisée, couleur et lumière changeante.
    On pourrait aussi considérer que Monet s’inspirera des japonais dans ses futurs « Nymphéas » de Giverny.

  • J'ajouterai que l'art japonais est un art du détail, que tout y est mouvement, et que l'humour y est fréquent : bien des raisons pour les impressionnistes de se passionner pour lui. Et il me semble que ces trois qualités remarquables sont bien présentes ici.
    Merci en tout cas de nous faire réfléchir à ce tableau célèbre qu'on ne sait plus voir, à force de l'avoir vu, comme l'a vu alors le public.

  • Cette peinture japonaise inspira tous les peintres avant-gardistes du 19e, et encore aujourd’hui. C’était tellement différent de l’art occidental.
    L’humour, effectivement, était fréquent, sans parler des toiles érotiques qui atteignaient des sommets dans le genre. Peut-être que Monet n’aurait pas été loin de s’en inspirer. Il n’osa pas car cela l’aurait discrédité pour la suite auprès de ses amis impressionnistes. Certains de ceux-ci, comme Degas ou Toulouse-Lautrec, s’en rapprochaient avec leurs nus très libres peints dans des bordels.
    Zola dans son « Salon » fut frappé devant « la coloration et l’étrangeté » de cette japonaise. Finalement, Monet, après cet essai qui l’amusa, restera essentiellement un paysagiste.
    Bon dimanche

  • Oh belle Camille japonisante et japonisée!! Je la pensais brune??? Elle a bien raison de vouloir faire plaisir à son Claude même si ce tableau sera décrié sans doute à cause de guerrier japonais sur le kimono! pourtant nous ne parlions pas de kamikase à cette époque, il me semble même si par déshonneur, il se faisait hara kiri!!hihi et puis, MONET avait le désir de sortit de ses jardins fleuris!! Bisous Fan

  • Monet, impressionné comme ses contemporains par l’art japonais, voulu tenter un essai. Un peu osé quand même pour les fesses de Camille… Mais la toile fera son petit effet au Salon, ce que souhaitait le peintre.
    Finalement, il ne recommencera pas. A partir de là, son oeuvre sera tous les paysages que le monde entier connaît si bien.
    Camille était bien brune. Monet lui avait imposé bizarrement une perruque blonde qui n’apparaitra sur aucun autre de ses portraits.
    Belle journée à toi, Fan.

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