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Van Gogh écrivain : Arles - 11. janv./fév./mars 1889

CORRESPONDANCE - EXTRAITS CHOISIS

 

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Vincent Van Gogh –  Autoportrait avec l’oreille bandée et pipe, janvier 1889, Collection Niarchos

 

      Terrible fin d’année 1888 pour Vincent Van Gogh ! : dispute avec son ami peintre Paul Gauguin et départ de celui-ci, mutilation de son oreille, venue de Paris en urgence de son frère Théo, séjour à l’hôpital en proie à un délire furieux, projet d’atelier du Midi anéanti. 

      Vincent sort de l’hôpital et rentre chez lui le 7 janvier. Le 9 janvier, il reçoit un faire part de fiançailles de son frère : Theodorus Van Gogh avec Johanna Bonger. Vincent n’a jamais rencontré la jeune femme originaire d’Amsterdam.

      La santé du peintre, tout au long du premier trimestre de l’année 1889, va être très perturbée : crises, hallucinations, grande fatigue.

      Il tient toujours à l’amitié de Gauguin qui lui demande un tableau de « Tournesols ». Malgré tout, il écrit à Théo : « Moi qui ai vu Gauguin de très très près, je le crois entraîné par l’imagination, par de l’orgueil peut-être, mais assez irresponsable. »

      La peinture lui manque : « Tout le monde aura peut- être un jour la névrose, le horla, la danse de Saint-guy ou autre chose. Mais le contrepoison n’existe-t-il pas ? dans Delacroix, dans Berlioz et Wagner ? ». Manquant de modèle, il va peindre cinq fois madame Roulin, la femme de son ami facteur.

      En date du 16 mars 1889, Théo s’inquiète fortement de l’état de son frère qui doit faire un nouveau séjour à l’hôpital d’Arles : « J’apprends que tu n’es pas encore mieux, ce qui me cause du chagrin. Je suis navré de savoir que maintenant que j’aurai probablement des jours de bonheur avec ma chère Jo, tu auras justement de bien mauvais jours. ». Théo doit se marier le 17 avril. Jamais son amour pour son frère ne s’est mieux exprimé que dans cette affirmation : « Tu as tant fait pour moi… »

  

Lettre à Théo – vers le 19 mars 1889

 

      Vincent explique à son frère sa dramatique situation et tente de le rassurer.

 

Mon cher frère,

Il m’a semblé voir dans ta bonne lettre tant d’angoisse fraternelle contenue, qu’il me semble de mon devoir de rompre mon silence. Je t’écris en pleine possession de ma présence d’esprit et non pas comme un fou, mais en frère que tu connais. Voici la vérité : un certain nombre de gens d’ici ont adressé au maire (je crois qu’il se nomme M. Tardieu) une adresse (il y avait plus de 80 signatures) me désignant comme un homme pas digne de vivre en liberté, ou quelque chose comme cela.

Le Commissaire de police ou le commissaire central a alors donné l’ordre de m’interner de nouveau.

Toutefois est-il que me voici de longs jours enfermé sous clefs et verrous et gardiens au cabanon, sans que ma culpabilité soit prouvée ou même prouvable.

Va sans dire que dans le for intérieur de mon âme j’ai beaucoup à redire à tout cela. Va sans dire que je ne saurais me fâcher, et que m’excuser me semblerait m’accuser dans un cas pareil.

[…]

Si je ne retenais pas mon indignation, je serais immédiatement jugé fou dangereux. En patientant espérons, d’ailleurs les fortes émotions ne pourraient qu’aggraver mon état. C’est pourquoi je t’engage par la présente à les laisser faire sans t’en mêler.

Aussi tu conçois combien cela m’a été un coup de massue en pleine poitrine quand j’ai su qu’il y avait tant de gens ici qui étaient lâches assez de se mettre en nombre contre un seul, et celui là malade.

Bon, voilà pour ta gouverne ; en tant que quant à ce qui concerne mon état moral je suis fortement ébranlé, mais je recouvre quand même un certain calme pour ne pas me fâcher. D’ailleurs l’humilité me convient après l’expérience d’attaques répétées. Je prends donc patience.

Le principal, je ne saurais trop te le dire, est que tu gardes ton calme aussi et que rien ne te dérange dans tes affaires. Après ton mariage nous pouvons nous occuper de mettre tout cela au clair, et en attendant, ma foi, laisse moi ici tranquillement. Je suis persuadé que M. le maire ainsi que le commissaire sont plutôt des amis et qu’ils feront tout leur possible d’arranger tout cela. Ici, sauf la liberté, sauf bien des choses que je désirerais autrement, je ne suis pas trop mal.

[…]

Je ne te cache pas que j’aurais préféré crever que de causer et de subir tant d’embarras. Que veux tu, souffrir sans se plaindre est l’unique leçon qu’il s’agit d’apprendre dans cette vie.

Mon cher frère le mieux reste peut-être de blaguer nos petites misères et aussi un peu les grandes de la vie humaine. Prends-en ton parti d’homme et marche bien droit à ton but. Nous autres artistes dans la société actuelle ne somme que la cruche cassée.

Si je prends patience, cela ne saurait que me fortifier pour ne plus être tant en danger de retomber dans une crise. Naturellement moi qui réellement ai fait de mon mieux pour être ami avec les gens, et qui ne m’en doutais pas, cela m’a été un rude coup.

A bientôt mon cher frère j’espère, ne t’inquiète pas. C’est une sorte de quarantaine qu’on me fait passer peut-être. Qu’en sais je ?

  

Lettre à Théo – vers le 24 mars 1889

 

        A la demande de Théo, le peintre néo-impressionniste Paul Signac est venu voir Vincent pour lui remonter le moral. Signac écrit à Théo : « J’ai trouvé votre frère en parfait état de santé physique et morale. Le docteur Rey lui conseille de déménager, son voisinage lui étant hostile. C’est aussi le souhait de votre frère qui voudrait sortir le plus tôt possible de cet hospice où, en somme, il doit souffrir de cette continuelle surveillance. »

 

Je t’écris pour te dire que j’ai vu Signac, ce qui m’a fait considérablement du bien. Il a été bien brave et bien droit et bien simple lorsque la difficulté se manifestait d’ouvrir ou non de force la porte close par la police, qui avait démoli la serrure. On a commencé par ne pas vouloir nous laisser faire et en fin de compte nous sommes pourtant rentrés. Je lui ai donné en souvenir une nature morte qui avait exaspéré les bons gens d’armes de la ville d’Arles, parce que cela représentait deux harengs fumés, qu’on nomme gendarmes comme tu sais.

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Vincent Van Gogh –  Harengs sur une feuille de papier jaune, janvier 1889, collection privée

[...]

Rarement ou jamais j’ai eu avec un impressionniste une conversation de part et d’autre à tel point sans désaccords ou chocs agaçants.

[…]

J’ai profité de ma sortie pour acheter un livre : Ceux de la glèbe de Camille Lemonnier. * J’en ai dévoré deux chapitres, c’est d’un grave, c’est d’une profondeur ! Attends que je te l’envoie. Voilà pour la première fois depuis plusieurs mois que je prends un livre en main. Cela me dit beaucoup et me guérit considérablement.

 * Ecrivain belge particulièrement fécond souvent surnommé « le Zola belge »

 

 

Lettre à Théo – vers le 29 mars 1889

 

Avant-hier et hier je suis sorti une heure en ville pour chercher de quoi travailler. En allant chez moi j’ai pu constater que les voisins proprement dits, ceux que je connais, n’ont pas été du nombre de ceux qui avaient fait cette pétition. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, j’ai vu que j’avais encore des amis dans le nombre.

[…]

J’ai fait venir encore quelques livres pour avoir quelques idées solides dans la tête. J’ai relu La case de l’oncle Tom, tu sais le livre de Beecher Stowe sur l’esclavage, les Contes de Noël de Dickens, et j’ai donné à M. Salles Germinie Lacerteux. *

* livre de Edmond et Jules de Goncourt contant l’histoire tragique d’une fille du peuple montée à Paris pour travailler comme domestique

 

 peinture,écriture,van gogh,arlesEt voila que pour la 5me fois je reprends ma figure de la « Berceuse ». […] Je cherche à faire une image telle qu’un matelot qui ne saurait pas peindre, en imaginerait lorsqu’en pleine mer il songe à une femme d’à terre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vincent Van Gogh –  La berceuse Augustine Roulin, janvier 1889, Museum of Fine Arts, Boston

 

 A l’hospice ils sont très prévenants pour moi de ces jours ci, ce qui - comme bien d’autres choses – me confond et me rend un peu confus.

[…]

Ah ! Il ne faut pas que j’oublie de te dire une chose à laquelle j’ai très souvent pensé. Par hasard tout à fait dans un article d’un vieux journal je trouvais une parole écrite sur une antique tombe dans les environs d’ici à Carpentras.

Voici cette épitaphe très très très vieille, du temps mettons de la Salammbô de Flaubert.

« Thébé, fille de Thelhui, prêtresse d’Osiris, qui ne s’est jamais plainte de personne. »

Si tu voyais Gauguin tu lui raconterais cela. Et je songeais à une femme fanée, tu as chez toi l’étude de cette femme qui avait des yeux si étranges, que j’avais rencontrée par un autre hasard.

Qu’est ce que c’est que ça « elle ne s’est jamais plainte de personne » ? Imaginez une éternité parfaite, pourquoi pas, mais n’oublions pas que la réalité dans les vieux siècles a cela : « et elle ne s’est jamais plainte de personne ».

[…]

Maintenant tu me parles du « vrai Midi »et moi je disais que enfin il me semblait que c’était plutôt à des gens plus complets que moi, d’y aller. Le « vrai Midi » n’est ce pas un peu là où l’on trouverait une raison, une patience, une sérénité suffisante pour devenir comme cette bonne « Thébé, fille de Thelhui, prêtresse d’Osiris, qui ne s’est jamais plainte de personne ». *

 * Curieuse pensée dont j’ai cherché le sens. Je tente de l’expliquer : dans un courrier récent à Vincent, Théo faisait allusion à un lieu hypothétique qu’il appelait « le vrai Midi ». Ce lieu se trouverait en dehors d’Arles, dont les habitants rejettent Vincent, un Midi où son frère se sentirait bien, enfin chez lui, où son art pourrait s’exprimer pleinement. « Je laisse cela pour des gens plus complets, plus entiers que moi. Je ne suis bon que pour quelque chose d’intermédiaire et de second rang et effacé», lui répondit Vincent. Je suppose qu’il voulait sans doute parler de cette fragilité handicapante, cette maladie, qui le suivait partout, que ce soit dans le Nord ou le Midi, et qui nuirait dorénavant à sa production artistique.

  

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Vincent Van Gogh –  Crabe sur le dos, janvier 1889, Van Gogh Museum, Amsterdam

(Vincent pourrait avoir peint ce crabe d’après des gravures japonaises sur le même sujet. A moins que ce ne soit une étonnante métaphore de son état de mal-être actuel : sur le dos...)

 

 

Commentaires

  • Bonjour connaissez vous le dernier livre sur van Gogh ? Il s'agit d'un inédit du célèbre éditeur Robert Morel, édité chez équinoxe : Enquête sur la mort de Vincent van Gogh
    Toute sa vie, Robert Morel a été passionné par la personnalité de Vincent van Gogh. Dès les années 1950, il lui consacre de nombreux travaux (Plon, le Figaro littéraire, Le Club du Livre Chrétien…) et même, en 1953, un drame radiophonique « La passion de Vincent Van Gogh Peintre et Martyr » (rediffusé en 2002 par la radio de Brême).
    En 1989, il avait le projet de publier les résultats d’une enquête sur la mort de van Gogh. Durant des années, il avait recoupé, regroupé, étudié, une documentation énorme. Il avait été en relation suivie avec Vincent Wilhem van Gogh, le fil de Théo, mais aussi avec le fils du Dr Gachet et Adeline Ravoux, témoins directs des derniers
    jours de Vincent. Le 18 août 1954, cette dernière lui a d’ailleurs adressé, à sa demande, un long témoignage inédit. Robert Morel devait malheureusement décéder avant d’avoir pu mener cette publication à son terme.
    Le temps a passé et aujourd’hui il n’y a plus une certitude mais plutôt deux hypothèses sur les circonstances du coup de feu fatal.
    Avant propos de l'éditeur :
    En avril 1989, Robert Morel, auteur et éditeur réputé, m’apporta le projet d’un livre consacré à la mort de Vincent van Gogh, qui selon les conclusions de ses recherches ne se serait pas suicidé.
    Il travaillait à l’élaboration de cette hypothèse depuis de nombreuses années et ne se sentait plus en mesure de mener seul à son terme, cette étude. Il me proposa donc de l’éditer, ce que j’acceptais à la lecture des pages de ce manuscrit.
    Malheureusement, Robert Morel devait décéder quelques mois plus tard, en 1990, avant d’avoir pu mener à bien cette édition.
    Les révélations de cette enquête bouleversaient radicalement la version alors unanimement admise du suicide du peintre.
    Et puis, le temps a passé…
    La parution, en novembre 2011 aux États-Unis de « Van Gogh the life » par Steven Naifeh et Gregory White Smith provoqua une telle tempête médiatique que peu de personnes n’ignorent aujourd’hui la remise en cause de la version du suicide du peintre maudit.
    La crédibilité de ces deux auteurs, déjà prix Pulitzer pour leur biographie de Pollock, a été renforcée par l’imprimatur que leur a accordé M. Leo Jansen fondateur et directeur du Van Gogh Museum à Amsterdam.
    Une évidence s’impose désormais : Robert Morel avait raison et ce qui pouvait sembler il y a 23 ans une théorie fantaisiste apparaît aujourd’hui, comme un nouvelle réalité sur la mort de van Gogh.
    Avec Odette Ducarre, sa femme, qui travaillait à ses côtés et ses enfants François, Ève et Marie, nous sommes heureux de rendre enfin publique cette enquête qui tout en décrivant les derniers jours de Vincent, magnifie sa générosité et son sens du partage qui furent la quête permanente de toute son existence.

  • Bonjour

    Vous parlez de nouvelles réalités sur la mort de Van Gogh ?
    Je ne suis, aujourd’hui, qu’à mi-chemin de mon travail de blogueur que j’ai entrepris sur la correspondance de Vincent Van Gogh. Pour moi, il est encore bien vivant, même s’il est atteint physiquement et moralement en ce début de l’année 1889.
    Vous semblez avancer de nouvelles certitudes sur sa mort. C’est un peu tôt pour moi à ce moment de mon récit pour parler de son décès, mais puisque vous m’y engagez dans ce long commentaire, allons-y ! Cela va faire un peu long pour un blog, mais Vincent mérite que l’on s’intéresse à lui, après une vie de rejet.
    Je ne suis pas historien, ni un quelconque spécialiste de l’art. Simple passionné de la peinture de Van Gogh, je commence à le connaître assez bien, ce qui me permet de donner un sentiment, une impression personnelle.
    Je suis toujours étonné de voir les nombreuses polémiques engendrées par l’œuvre, la vie et, maintenant, la mort de Vincent. Il n’en aurait pas demandé autant, le pauvre !...
    Les documents, lettres et renseignements divers que j’ai pu connaître dans mes lectures concernant le décès à Auvers-sur-Oise de l’artiste, ne peuvent que me confirmer la thèse officielle du suicide.
    Je m’explique. Je donne, ci-dessous, quelques grandes lignes, sans entrer dans les détails, des informations qui étayent ma conviction intime :
    - En tout premier, la volumineuse correspondance du peintre, essentiellement à son frère Théo. Un papier (n° 652) a été trouvé sur Vincent après son décès : probablement un brouillon inachevé de sa dernière lettre 651 dont le début est identique. Théo a porté la mention manuscrite : « lettre qu’il portait sur lui le 29 juillet jour du (mot illisible). Vincent dit : « Eh bien mon travail à moi j’y risque ma vie et ma raison y a sombrée à moitié. » Il termine en rendant hommage à l’humanité de son frère.
    - Importantes lettres de Théo à sa femme Johanna : lettre du 28 juillet, jour d’arrivée de Théo à Auvers le lundi, lendemain du coup de feu. La fin de la lettre précise : « Pauvre garçon, il n’a pas eu une grande part de bonheur et il ne lui reste plus d’illusions. Tout lui devient trop pesant. Il se sent tellement seul… ». A une heure du matin, le mardi 29 juillet, Vincent décédera dans les bras de son frère. Lettre du 1er août à Jo après le décès : « Une de ses dernières paroles a été : « Je voudrais pouvoir mourir ainsi ».
    - Lettre de Théo à sa mère le 1er août. Extrait : « Lui-même a trouvé le repos qu’il espérait depuis longtemps. Vincent a dit « J’aimerais partir ainsi » et une demi-heure plus tard son souhait était exaucé. »
    - La correspondance postérieure de Johanna : « Vincent ne connut jamais de moment de bonheur, la peur devant la maladie toute proche ou la crise elle-même, le mena jusqu’à la mort. Dans la soirée du 27 juillet, il essaya de se supprimer d’un coup de revolver. »
    - Le lieu du coup de feu, même s’il n’y a pas eu de témoin direct et que l’arme n’ait pas été retrouvée, a été désigné par plusieurs personnages de l’entourage de Vincent comme étant situé derrière le château d’Auvers.
    - Un article paru dans l’hebdomadaire local « Le Régional » du 7 août 1890 précise que M. Van Gogh était rentré vers 9 h du soir l’estomac troué d’une balle de revolver en tentant de se suicider, selon les dires des gendarmes venus voir le peintre le lundi.
    - Très important : l’article de mai 1953 (63 ans plus tard) « Les souvenirs de madame Carrié, ex Adeline Ravoux, sur le séjour de Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise ». La fille de l’aubergiste Ravoux avait 13 ans à l’époque et se souvient parfaitement de Vincent. Elle donne de nombreux détails sur le peintre, son caractère, ses habitudes, et… sa mort qui est précisément racontée. Elle en fut, en partie, témoin lors du retour de Vincent le soir à l’auberge, et son père ne cessa, toute sa vie, de lui parler des derniers instants du peintre. Vincent fit d’elle plusieurs portraits qui la faisait appeler souvent « La jeune fille en bleu ». Et il donna un portrait à son père.
    L’on pourrait également évoquer des paroles ou écrits des enfants Gachet, du critique Gustave Coquiot, et d’autres. Tel n’est pas mon but…
    Je connais bien la correspondance de Vincent qui démontrent suffisamment sa fragilité psychologique, sa dépendance financière envers son frère, la peine qu’il éprouva début juillet à Paris lors de la dispute à laquelle il assista entre son frère et sa femme, en partie à son sujet (se devait être une si belle journée…), et son immense frustration de voir son travail incompris.
    Toutes ces informations me font penser intuitivement – cela fait quand même beaucoup ! - que Vincent se donna la mort par désespoir. Théo écrivait à Jo le 28 juillet : « Tout lui devient trop pesant. Il se sent tellement seul… ». C’était trop pour cet homme à la sensibilité à fleur de peau.
    Pour moi, l’essentiel reste son œuvre qui, aujourd’hui, fait l’admiration du monde entier.

    Cordialement

  • Je n'avais jamais lu ces lettres que tu as aujourd'hui choisies, Alain : mais que voilà initiée une réflexion extrêmement intéressante quant au ressenti de Vincent à un moment crucial de sa vie, quant au regard qu'il porte à ceux qui l'entourent, et qui, vraisemblablement, lui apparaissent aux antipodes de ce qu'il imaginait ...


    Confession : il m'est pénible de t'avouer en tant que Belge, grand amateur de lecture de surcroît, moi qui ai jadis mordu à pleines dents la littérature française, je n'ai jamais lu une seule ligne de Camille Lemonnier !!!
    Honteux !

  • Les bonnes résolutions de Vincent en partant vers le Midi, ont sombré. Il voulait faire un art nouveau, s’entourer d’amis pour créer cet atelier du Midi auquel il tenait, il semblait heureux, installé, climat favorable, sa peinture s’exaltait. Noël ! Triste jour où tout s’écroule : départ de Gauguin, regard haineux de son voisinage, crises se succédant. Il n’accepte pas cette déchéance.
    J’ai parcouru un extrait du livre de Camille Lemonnier, cet écrivain belge dont le style s’apparente effectivement à celui de Zola. J’ai pensé à « La terre » de Zola, roman très dur sur la vie paysanne.

  • Artiste aux œuvres dédaignées, homme à la personnalité malmenée, Van Gogh semble pourtant jamais avoir versé dans la haine, la vengeance ou la colère. Ses mots sont certes remplis de tristesse, on y sent un peu d’amertume, mais il s’en dégage surtout une sorte de résignation calme infiniment émouvante. Et sa Peinture également ne recèle rien de la brutalité et de la violence qu’il devait subir dans ses instants de cauchemars et d’hallucination. Sans doute il ressentait une grande déception pour la vie, pour la vie, mais il avait une incroyable capacité à reprendre rapidement le dessus. Je trouve cela épatant et me laisse bien songeuse...

    Amicalement

  • Tes mots, Esperiidae, correspondent parfaitement, à l’idée que je me fais de Vincent à la lecture de ses lettres au cours de ce premier trimestre 1889. Il est vraiment malade, sujet à de nombreuses crises. Dans les moments d’accalmies, il peignait et son style, comme tu le dis, ne révélait pas son drame. Dans les 5 toiles peintes de « Madame Roulin », celle-ci présente toujours cet aspect placide, calme.
    Certains habitants d’Arles s’inquiétaient sur sa folie éventuelle. Il ne comprenait pas. Heureusement, ses amis lui restaient fidèles (les couples Roulin, Ginoux). A l’hospice, le pasteur Salles et le docteur Rey l’appréciaient beaucoup. Et, il y avait Théo…
    La vie n’était pas simple à cette époque pour ceux qui restaient en marge de la société (cela n’a guère changé).
    J’ai réécouté une troisième fois ton enregistrement que je conseille à tous les lecteurs sur : PIDOUX, Gil – La Muette | Litterature audio.com Cela ne dure que 10 minutes. Court, simple, précis, concis, comme j’aime. J’ai été moins concis dans ma réponse au premier commentaire… Dans la nouvelle, tout est dit en peu de mots sur cette femme murée dans son silence. Superbe !

  • Bonjour, vous faites vraiment un beau travail en publiant ces lettres et en les mettant en relation avec les oeuvres du peintre, je vous en remercie, car c'est un bonheur de venir sur votre site. Mon édition "l'imaginaire Gallimard" ne m'emmenait pas ainsi dans l'imaginaire de Van Gogh !

  • Vous me faîtes un grand plaisir, Carole, si mes écrits vous apportent autant de bonheur que les vôtres m’en donnent.
    On ne peut entrer dans l’imaginaire de Vincent qu’en lisant ses lettres, même si, parfois, elles semblent longues et confuses. Vincent n’était pas un littéraire. Il écrivait souvent le soir, fourbu après une dure journée de travail. Sa maîtrise du français, ses pensées originales et directes, ses curiosités, sa culture, sa fougue, montraient en lui, au fil des pages, un véritable écrivain.

  • Bonsoir Alain

    wouah ! l'article est trés bien comme d'habitude
    mais c'est aussi un moment trés important dans la vie de Vincent
    car plusieurs événements vont changer sa vie.

    Les commentaires sont particullièrement bons.

    Je vais relire et revenir avec un autre commentaire plus vaste.

    a+

    Jacky

  • Alors, à bientôt Jacky.

  • Dans un ouvrage d'histoire de l'art, l'auteur souligne le contraste entre le génie de Van Gogh et sa vie personnelle qui fut un désastre. Selon Antonin Arthaud Van Gogh a souffert et est mort d'être un incompris.

  • Il est bien connu que la vie personnelle de Vincent Van Gogh fut rendue compliquée du fait de sa fragilité et sa sensibilité à fleur de peau.
    Au sujet de sa mort, j’expose mes conclusions personnelles, au vu de la lecture de nombreux documents, dans le premier commentaire. Cela m’amène, comme Antonin Arthaud, à penser qu’il ne supporta pas l’incompréhension que provoquait sa peinture ainsi que sa dépendance financière envers son frère.

  • Bonsoir Alain

    il y a tant à dire !
    En premier lieu tes articles ainsi que tes commentaires sont remarquablement documentés.

    l'échange du premier commentaire avec jan Luc BASTOS EST CLAIR ET ENRICHISSANT pour les profanes ballotés entre plusieurs versions.

    Je pense que tu connais la version PSY de la mort de Vincent !?

    Je pense comme toi, au vu des arguments bien connus que Vincent s'est suicidé.

    Mais j'aimerai ajouter une dimension inconsciente à sa détresse existentielle.

    Sa mère le prénomme Vincent comme cet enfant qui le précédait et qui est mort un an avant sa naissance. Pour ainsi dire, en lui donnant ce même prénom elle lui demande de le remplacer
    implicitement.
    Chaque semaine de sa petite enfance, il ira avec elle sur la tombe qui porte à la fois son nom et son prénom ( l'horreur ) !

    Quand Théo devient Papa, pour rendre hommage à son frère il prénomme son fils également Vincent. Quelle mauvaise idée !

    Vincent symboliquement remplacé par ce nouveau né ressent le besoin inconscient de mourir
    pour lui laisser la place ( comme dans le passé )
    cette mort là ! il l'a porté en lui toute sa vie !
    Voilà encore quelques éléments de réflexion;

    Les grands hommes entrent dans la légende par l'histoire de leur vie
    ils restent à jamais dans le cœur du peuple par l'imaginaire.
    Il y aura d'autres versions bien évidemment.

    Tout cela pour dire que tu as raison !
    tenons nous au faits pour ne pas trop dériver.

    Quel destin quand même !

    En discutant avec le responsable communal du cimetière j'ai appris
    qu'il y a de plus en plus de visiteurs même l'hiver !

    L'Asie au grand complet remplie les cars de touristes sous la neige !
    Et ce n'est pas fini !

    Il rentre dans l'histoire de l'art par la porte du génie !

    Merci à toi Alain de tout ce beau travail.

    Jacky

  • Ton commentaire est intéressant et mérite que je prenne du temps pour étudier les raisons psychologiques que tu évoques, que je connaissais, à propose du suicide de l’artiste. Je te donnerai mon opinion à ce sujet sous peu.
    Quand aux touristes, tu as raison, les japonais, les chinois maintenant, grands amateurs de Van Gogh, se pressent dans tous les lieux rappelant Vincent à Auvers. Je me souviens en avoir renseigné certains sur place.
    A bientôt.

  • Je te donne, ci-dessous, ma réponse à tes deux hypothèses de dérèglement psychologique dont tu parles :
    - Vincent est né à Zundert le 30 mars 1853, un an après son frère portant le même nom, mort-né. Ce dernier fut enterré dans le jardin proche du presbytère du père Pasteur.
    De nombreux spécialistes ou autres psychologues se sont penchés sur ce sujet. Effectivement, Vincent a dû se farcir tous les ans son anniversaire à la même date que le frère, avec visite de la petite tombe de celui-ci qui devait rester le premier dans la tête des parents.
    Difficile de trouver une explication au problèmes futurs du peintre. Vincent avait déjà de nombreux ancêtres appelés Vincent. De plus, la tradition d’appeler le deuxième enfant, après la mort du premier, avec le même prénom, était courante. Vincent n’en parle jamais dans ses courriers commencés à 19 ans. Cela a pu le rendre taciturne, mélancolique, ce qu’il était. De là à le rendre psychopathe ?
    - Par contre, si tu lis la fin de l’article que j’a posté lundi, tu verras que Johanna, la nouvelle femme de Théo, admirait beaucoup son beau-frère : « comparée à lui, je me sens si petite, pratiquement rien. ». C’est elle qui décida de nommer son enfant Vincent Willem. Elle écrit à Vincent le 5 juillet 1889 pour lui annoncer la naissance future d’un bébé : « Nous espérons avoir un beau petit garçon que nous appellerons Vincent si vous consentez à être son parrain ».
    Je ne pense donc pas que cette naissance est perturbée Vincent.
    En conclusion : Le frère mort-né peut l’avoir atteint dans son enfance. Je ne me hasarderai pas à d’autres interprétations.
    Si cela continu, je vais finir par connaître Van Gogh par cœur…

  • bonsoir Alain

    J'ai bien conscience que Johanna avait de l'admiration pour Vincent.
    En qualité d'observatrice dune période artistique fondamentale
    elle a compris intuitivement que Vincent faisait glisser la peinture dans l'art moderne.
    Elle le sentait !

    Bien évidemment ! elle a proposé ce prénom pour l'honorer et sans aucun doute
    notre Vincent l'a t'il reçu ainsi avec son intelligence et son émotion d'artiste.

    Ce que je veux dire, c'est que l'inconscient ne parle pas du tout de cette façon là.
    il ne parle pas clairement, il broie les mauvais souvenirs d'enfance pour les faire ressurgir
    à l'endroit de l'histoire de la personne le plus inattendu.
    Ce nouveau petit Vincent qui nait murmure à l'inconscient de Vincent Van Gogh qu'il vient reprendre la place laissé vacante par le passé.
    Comment notre artiste aurait pu lui refuser cela si ce n'est en pleine conscience de sa névrose.
    c'est un exemple très précis ou l'on peut toucher les mécanismes inconscients.
    Voilà Alain, je tenais à préciser cette hypothèse
    Bonne soirée

    a+
    Jacky

  • Ton argument tient la route. D’autant plus que Vincent ne semble pas enchanté que le bébé puisse porter son prénom : il répond à la lettre de Jo lui annonçant la bonne nouvelle en disant qu’il préférerait, s’il s’agit bien d’un garçon car à cette époque on ne pouvait pas le prévoir, que celui-ci porte le nom de son père, soit le grand-père de l'enfant.

  • Bonsoir Alain

    là, je suis vraiment surpris car je ne connaissais pas cette demande de Vincent.
    Effectivement ! cela donne de l'eau au moulin de cette hypothèse.
    merci de cette précision.

    a+

    Jacky

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