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Bonne année !

Que l’année 2013 soit emplie pour tous de ces petites choses simples qui enrichissent et donnent un sens à la vie.

 

Les débuts d’année sont parfois difficiles pour certains…

 

steen, humour

Jan Steen – La visite du docteur, 1660, The State Hermitage Museum, St Petersburg

 

 

     Un rayon de soleil inattendu perce la fenêtre de ma chambre. Il s’attaque lentement au sommet de mon front. C’est agréable…

     - Combien, me dit Claire anxieuse ?

     - 38°…

     - C’est trop pour le matin ! Reste au chaud ! Pas question de sortir, je donnerai nos places de théâtre aux voisins, elles ne seront pas perdues pour tout le monde !

     Le portable se met à rugir. Claire répond et me le tend fébrilement : « Aude… ».

     - Bonne année papa ! Cela va mieux ? Il faut prendre ton mal en patience. Promets-moi que tu ne bougeras pas !

     Les femmes en ont de bonnes ! Je ne risque pas de bouger ! Dix jours que je suis écroulé dans mon lit à transpirer, tousser, le nez transformé en pomme d’arrosoir. Cette toux grasse qui s’échappe de mes entrailles par secousses brutales mais constantes, m’épuise.

     - Mon petit papa, tu dois souffrir ?

     - Pas trop Aude…

     Je sentais ma fille inquiète. C’était la première fois que l’on ne se voyait pas à Noël… « Interdiction de voir du monde, m’avait dit mon médecin ! ». Les cadeaux étaient restés savamment rangés sur l’étagère la plus haute de mon armoire en attendant la venue de leurs heureux propriétaires.

     Foutue saison ! Cette période de nuit perpétuelle ne me réussit guère, pensai-je ? Blues automnal… déprime hivernale… Chaque année, à cette époque, une morosité insidieuse s’introduit en moi : vraie tristesse qui flanque les jambes en guimauve alors que l’on ne parle que d’agapes joyeuses.

     Entre deux quintes de toux, j’avais tenté d’ouvrir la radio: « Les huîtres d’Oléron n’ont jamais été aussi dodues… Un grand cuisinier va vous donner sa fameuse recette du Baklava à la pomme que vous accompagnerez d’un bon Sauternes… Deux cartons de Pouilly-fuissé commandés, 10 % de gagné !… ». Un psychologue parlait sur autre radio. Il se voulait persuasif : « Oubliez vos problèmes, mes amis !… Prenez de bonnes résolutions pour l’année qui arrive… ».

     Balivernes que tout çà ! Les bonnes  résolutions… il n’en reste jamais rien l’année suivante, m’étais-je dit en éteignant le poste.

 

     Depuis plusieurs jours, une question me turlupinait l’esprit. Où avais-je bien pu attraper cette maudite bestiole qui s’était introduite en moi insidieusement ?

     « Un pneumocoque, m’avait dit le radiologue, la mine sombre. ». Je revoyais sa tête lorsqu’il avait accroché artistiquement la photo de mes bronches devant lui comme un paysage de Berthe Morisot. « Infection pulmonaire. Vous êtes bon pour les antibiotiques à forte dose, mon vieux ! ». Devant Claire éplorée, il avait cru bon de rajouter : « Ne vous inquiétez pas madame, rien de grave, seulement une pneumonie… Il doit garder le lit. Cela se soigne bien de nos jours. » La mine contrariée de Claire ne m’avait pas paru rassurée.  

     Mon cerveau affaibli peinait à réfléchir.

     Cela ne pouvait être que le jour où j’étais allé assister à cette foutue conférence ?

     Ce jour là, comme souvent, je devais rêver en marchant la bouche ouverte sur le Boul’Mich, me dirigeant vers la Sorbonne ! Avais-je gobé un germe qui circulait tranquillement dans l’air, attendant une victime ? Je souris : les germes ne flottent pas dans l’air comme des satellites !

     Une image me revenait en mémoire. L’étudiant boutonneux… Il était midi, j’avais une heure d’avance pour la conférence, le froid vif de cette mi-décembre m’avait incité à entrer dans ce café minable où l’étudiant, assis dans un coin, feuilletait distraitement un épais cahier d’écolier à spirales. Face à moi, il semblait mal à l’aise ?… Ce garçon ne pouvait qu’être contaminé ! Ainsi, après avoir siroté son café, il était reparti en déposant ses microbes que, évidemment, j’avais récupérés…

     En sortant du bar, j’avais failli louper le début de la conférence. Dans l’amphi, 500 personnes s’agglutinaient sur les gradins. N’était-ce pas plutôt une de ces personnes qui transportait le virus ? Peut-être la petite dame bagousée, bien en chair, qui s’était collée contre moi ? Elle m’avait demandé si l’unique place à mes côtés était occupée. « Elle est libre, avais-je maugréé poliment en me levant pour la laisser passer ». Sa corpulence lui posait des problèmes pour s’insérer dans l’allée étroite. Mon pied droit fut savamment écrasé au passage. Puis elle s’était tassée contre moi. Ce parfum…

     Et cette femme âgée installée, non loin de moi, au bord de la rangée sur ma gauche, de l’autre côté de l’allée ? Elle parlait avec véhémence à son voisin moustachu ; sa voix dégageait une force inouïe qui troublait le silence du lieu. Ses éructations aigues dans la face de l’homme devaient certainement répandre des pneumocoques par paquets autour d’elle ?

     Un épisode comique me revint en mémoire : à la fin de la conférence, la femme à la voix stridente avait lancé un grognement vigoureux et sonore pour indiquer qu’elle souhaitait prendre la parole. Un responsable de l’établissement s’était approché et lui avait tendu gentiment le micro qu’elle avait repoussé d’un geste sec : « Je n’ai pas besoin de ce truc, moi, avait-elle dit sous les rires de l’auditoire ! ». Et, effectivement, sa question, balancée d’une voix surpuissante, avait été entendue par toute la salle, hilare. La conférencière, une petite blonde maigrelette au timbre nasillard, dont la voix atteignait rarement le haut de l’amphi malgré son micro réglé au maximum, paraissait terrorisée.

     Je sentais ma fièvre monter. Je me saisis du thermomètre placé sur la table de chevet.

     Une évidence s’imposait peu à peu en moi. Mais oui !... Je tenais le coupable ! En reprenant le train le même soir, deux jeunes filles étaient montées en cours de route. Je devais dégager un magnétisme rare ? Les places libres étaient pourtant nombreuses dans le wagon désert ! De la même manière que la dame bagousée à la conférence, la plus grande avait choisi le siège voisin du mien. Les poils de son manteau en fourrure me labouraient la joue. Sa copine, une petite brune un peu forte, s’était carrément installée face à moi, les jambes tendues… sous les miennes.

     Aucun doute ! C’était la brune ! A chaque fois qu’elle parlait à son amie, un son caverneux, sinistre, sortait de sa gorge. A chacune de ses expectorations, les vermines qu’elle réchauffait dans ses bronches devaient foncer en droite ligne vers mes fosses nasales situées à la même hauteur que sa bouche. J’avais bien pensé à me protéger avec un mouchoir, puis… bof…

 

      - Pauvre papa, me dit Aude attristée au bout du fil. J’ai pensé à toi pendant toutes les fêtes de Noël – forcément les cadeaux étaient toujours dans mon armoire, pensai-je en souriant malicieusement - Je viendrai te voir dès que tu iras mieux.

     - Ne t’inquiète pas ! La fièvre diminue. Je sens que la forme revient…

     - Mon petit papa, soigne-toi bien.

     - Pas d’inquiétude, dis-je d’une voix cotonneuse. A bientôt…

     J’appuis sur le bouton de fin de communication et salue d’un timbre rauque l’entrée de Claire dans la chambre. Depuis le début de ma maladie, elle s’affaire partout dans la maison, court chercher les médicaments, reçoit le médecin, le renseigne sur l’avancement du mal sournois qui me ronge, me mitonne des plats cuisinés, me touche le front à tout moment. Sans compter ces grands verres d’eau qu’elle m’oblige à avaler...

     Je me dis intérieurement : « Cette femme là, c’est un roc ! ».

     Rassuré, je décide de renoncer à chercher le coupable, l’être malfaisant qui m’a contaminé.

     Après tout, ce n’était peut-être pas le jour de la conférence, pensai-je somnolant…

     Je m’endors sans arrière-pensée.

     Vive la nouvelle année !

 

                                                                                Alain

 

 

Commentaires

  • Plus vrai que nature !
    A moins que ...
    Non !
    Tu as osé ???

    Cela transpire furieusement le vécu !!

    Excellente année à toi, cher Alain.
    Et prompt rétablissement ...
    (Devrait pouvoir s'insérer ici un petit machin jaune, rond, au nom anglais plus difficile à prononcer que Metchetchi et symbolisant un gros clin d'oeil ...)

    Amitiés,
    Richard

  • J’avais écrit ce texte il y a quelques années au cours d’un événement de ce genre. Cela m’a amusé de reprendre ce récit sous une forme humoristique – pas besoin de petit machin jaune… - et de le partager avec les lecteurs.
    Que la nouvelle année te soit favorable, Richard.

    Amitiés

  • On a tous dû se choper un jour ou l'autre un de ces fichus streptocoques, je ne fais pas exception. Mais ce n'était pas un pneumo-, et surtout je ne l'ai pas supporté avec autant d'humour ;-) (A défaut de machin jaune. Et faut pencher la tête de 45°, gare au torticolis!)

    Tous mes voeux pour toi et ta famille

  • Il est vrai que ce genre d’infection n’est pas drôle sur le moment. Mais les maux (comme les mots) peuvent s’utiliser avec humour.
    Je garde de vieux textes comme celui-ci. Parfois, j’ai envie de les rafraîchir et leur donner vie pour qu’ils ne finissent pas leurs jours dans un carton au fond d’un grenier sombre…
    Que cette année nouvelle fasse que tu nous réjouisses souvent à l’écoute de ces récits que tes sonorités vocales embellissent.
    Amitiés

  • Comme le boulanger l'avait dit j'ai trouvé dans ma galette un lingot d'or. Alors avec j'ai racheté la boulangerie qui s'était ruinée. Depuis j'ai remplacé les lingots d'or par des lingots de plomb...

  • Bonne année en plomb...

  • Tous mes voeux pour la nouvelle année, heureux d'apprendre que ce n'était qu'une histoire revisitée et non ton état réel.

  • Merci pour tes vœux, Vincent. Je te souhaite à nouveau une année fertile en heureux événements pour toi et ta famille. La reprise de ton blog en est déjà un…
    C’est une histoire revisitée ancienne, mais que j’ai réellement vécue. J’ai un peu enjolivé le récit pour le rendre amusant en cette saison - comme je le dis dans l’histoire – qui, personnellement, me déprime toujours. Le dieu soleil me manque tellement.
    Bon dimanche

  • "Tous coupables !" (Caligula). Le récit est très amusant et très bien mené. Curieusement, moi, quand je suis malade, je pense toujours que c'est ma faute au contraire (je me suis trop/pas assez couverte, je suis trop/pas assez sortie...).

  • Vous avez compris, Carole, que j’ai simplement tenté d’optimiser, en ce début d’année, nos petits maux humains par le sourire.
    Finalement, je ne suis pas sûr que la responsable de mon état était la brune un peu forte ? Peut-être la dame bagousée ?… Après tout, vous avez raison, je suis le fautif, qu’avais-je été faire dans cette foutue conférence en ce mois de décembre glacial !

  • Bonne année Alain !

    et surtout bonne santé!
    que la passion d'écrire nous garde une fougueuse jeunesse d'esprit
    en parcourant ton blog, je me régale de la vie des peintres

    Merci

    Jacky

  • Curieuse tradition ancienne que celle des ces vœux que l’on se répètent inlassablement chaque année. Cela permet surtout de garder des liens : bonjour, une nouvelle année commence, je ne t’oublie pas.
    Allez, une nouvelle fois, bonne année Jacky !

  • Bonne année à vous, si possible sans virus, des petites bestioles qui peuvent être très méchantes.....
    a bientôt
    JA

  • Que pour vous et vos proches l’année soit belle !
    La bestiole s’est éloignée de moi. Après réflexion, je me dis que c’est peut-être sur le Boul’Mich, proche du musée du Moyen-âge dont vous parlez sur votre blog, que ce fichu germe est venu me dire bonjour : un simple geste d’amitié à l’approche de la nouvelle année…
    Bon week-end.

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