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  • Pastels à Orsay

     

     pastels, orsay

    Lucien Lévy-Dhurmer - la femme à la médaille, 1896, musée d'Orsay

     

    « Un art érotique »

     Le pastel stimule l’œil et en appelle aux antres sens. De ce fait, selon l’écrivain Ernst Jünger, il repose intrinsèquement sur « la valeur tactile de la couleur, une sensation d’ordre épidermique évoquant la pensée d’un contact ».

     

    Une centaine de pastels de la seconde moitié du 19e sur une collection riche de 500 œuvres, l’une des plus importantes au monde avec celle du Louvre pour le 17e et le 18e, sont présentés dans la magnifique exposition actuelle du musée d’Orsay.

    Négligé à partir de la Révolution française, c’est un nouvel âge d’or du pastel qui commence au 19e. Une résurrection ! De nouveaux pigments et supports comme le « Pastel Card » apparaissent. Le peintre Jean-François Millet, un des grands initiateurs du renouveau, avec « Le bouquet de marguerites » annonce une transformation dans l’usage du pastel. Désormais, la technique va cesser de se limiter uniquement au portrait pour devenir un merveilleux moyen pouvant exprimer le paysage, le nu et tous les genres. Tous les peintres avant-gardistes, ces impressionnistes adeptes de la touche divisée et de l’éphémère des choses, vont adopter plus ou moins ce mode d’expression, dont Manet, Toulouse-Lautrec, Gauguin, Degas, Morisot. 

    Plus tard, les symbolistes, Odilon Redon en particulier, vont exploiter l’extraordinaire plasticité du pastel pour faire surgir l’imaginaire au-delà du réel.

     

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  • Fragonard libertin

     

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    Jean-Honoré Fragonard - Les Débuts du modèle, 1769, musée Jacquemart André, Paris

     

    « Les débuts du modèle ». Qui connait cette œuvre de Jean-Honoré Fragonard qui passe souvent inaperçue, accrochée dans une des petites pièces du charmant musée Jacquemart-André à Paris ?

    Lorsque je visite le musée, je m’arrête invariablement devant cette petite toile qui m’amuse et me réjouit. Il se trouve qu’elle figure sur la première page du catalogue de l’exposition Fragonard qui se tint en 2007 dans ce musée : un bel hommage au peintre qui a si brillamment illustré les plaisirs de son siècle : plaisirs galants et coquins dans la pénombre des bois ou parcs, plaisirs champêtres, mais aussi plaisirs littéraires et artistiques.

         Tout ce qui fait le génie du peintre est contenu dans ce tableau présentée dans un cadre ovale. La subtilité dans le jeu des regards et des mouvements des personnages ne prête guère à confusion : une mère, ou une maquerelle, vante d’un regard interrogateur les charmes de sa fille, modèle débutante, en dévoilant ses seins à un peintre appuyé nonchalamment contre un meuble face aux deux femmes. La jeune fille fait mine de résister. Une feinte de résignation se lit dans son expression. Cela ne semble pas suffire à l’artiste puisqu’il tente, avec un bâton, de relever le jupon de la belle.

     

         Le baron Portalis, l’un des meilleurs connaisseurs de l’artiste, ne manquait pas de souligner le brio de l’exécution de ce tableau : « Imaginez tout ce que vous pouvez rêver de plus blond, de plus rose, de plus clair ; pétrissez ces tons avec esprit, mais avec l’esprit inimitable du maître, et vous aurez l’impression ressentie. Le pinceau glisse sans appuyer sur les roses éteints du déshabillé d’atelier d’un jeune peintre occupé à soulever, du bout de son appuie-main, les derniers voiles de son modèle ».

     

         À ses débuts, Fragonard peignait les mêmes tableaux académiques d’histoire ou religieux que ses contemporains. En 1767, il a 35 ans, il se détourne du grand genre et décide d’orienter sa peinture vers les scènes de libertinage qui lui assurent le succès à la cour de Louis XV. Avec ses contemporains Boucher et Watteau, il est le plus bel interprète du plaisir de vivre montrant des personnages de la haute société s’adonnant au badinage et scènes galantes. Son maître en libertinage était un écrivain : La Fontaine.

     

         La centaine d’œuvres présentes dans l’exposition met en lumière la diversité dans le travail de ce peintre aux couleurs vives ainsi que la culture de ce temps aux mœurs légères. Le catalogue nous présente de splendides reproductions, en particulier la commande au peintre de la comtesse Du Barry montrant les progrès de l’amour dans le cœur d’une jeune fille : la poursuite, la surprise, la rencontre. 

    La légèreté de la toile « L’escarpolette » donne un aspect licencieux à l’image d’une jeune fille se balançant sous le regard extasié d’un jeune homme contemplant ses jupons.

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    Jean-Honoré Fragonard – L’Escarpolette, 1767, The Wallace Collection, Londres

     

         J’ai retrouvé dans ce portraitiste de génie qu’était Fragonard son style d’un grand modernisme qui est sa qualité essentielle : touche nerveuse, brossée énergiquement, d’un jet. Ces portraits me font souvent penser à la virtuosité du hollandais Frans Hals, un siècle plus tôt, dont Van Gogh disait : « Peindre d’un seul coup, autant que possible, en une fois ! Quel plaisir de voir ainsi un Frans Hals ! »

     

     fragonard

    Jean-Honoré Fragonard – Le Philosophe, 1764, Kunsthalle, Hambourg