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VAN GOGH donne sa vérité

 

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Vincent Van Gogh – Rue d'Auvers, 1890, Ateneum, Helsinki

 

 

     L’autoédition de mon roman « Que les blés sont beaux » a été envoyée ce matin. Je ne suis pas mécontent d’avoir réussi à surmonter les difficultés inhérentes à ce genre de projet. Mes amies Quichottine et Emma connaissent bien… Ce fut un combat.

     J’ai dû me résigner, comme je le pressentais un peu, à publier un livre sans pouvoir montrer, à mon grand regret, les tableaux couleur de l’artiste. La publication d’un ouvrage de 252 pages avec intérieur couleur coûtait trop cher.

     Lorsque j’ai démarré ce projet d’autoédition j’avais deux soucis en tête :

     - Réhabiliter la vraie version que Vincent m’a soufflée de ses deux derniers mois de vie à Auvers-sur-Oise. Grâce aux informations contenues dans son importante correspondance avec sa famille et ses amis, et à notre rencontre dans l’ambiance d’Auvers, il a pu me raconter son activité durant ces deux mois : sa recherche, ses joies, ses doutes, ses souffrances parfois. Il m’a parlé de son amour pour son frère Théo qui l’aidait financièrement, et, surtout, m’a expliqué sa technique et son immense passion pour cette peinture que personne ne comprenait.

    - M’inspirer d’une femme généreuse, Quichottine, qui publia l’année dernière le livre « Voyage » fait à plusieurs mains aux éditions The BookEdition.com. Les bénéfices de ce livre furent versés à l’association Rêves qui permet à des enfants gravement malades de réaliser leurs rêves. J’ai décidé, moi aussi, je sais qu’elle en sera heureuse, de donner intégralement tous les éventuels bénéfices de ma publication à cette association afin d’offrir aux enfants malades la possibilité de s’évader un instant de leur monde de douleur.

     La parution du livre pourrait se faire le week-end prochain ou semaine prochaine. Il sera proposé en deux versions : version numérique (tablettes, liseuses, Smartphones, ordinateurs) à 4,99 €, et version papier à 16,50 € qui pourront être commandées sur le site d’Amazon.fr.

     Je vous préviendrai de la parution. Les étrennes approchent. Merci infiniment.

 

 

Extrait du premier chapitre QUE LES BLÉS SONT BEAUX :

 

 

 

1 - LE RETOUR DE PROVENCE

 

 

Samedi 17 mai 1890.

 

     J’aspirai l’air parisien. La locomotive à l’arrêt crachait encore quelques nuages de fumée gris bleuté dont l’odeur m’apparaissait délicieuse.

    27 mois… Cela faisait 27 mois que j’étais parti vers la Provence afin de découvrir cette lumière et ces couleurs du sud dont mon ami Toulouse-Lautrec m’avait tant parlées : longs mois de joies, de création intense, mais aussi de souffrances intolérables qui me laissaient épuisé, fragilisé, brisé.

     Je venais de sortir d’une crise longue et dure qui ne s’était calmée que peu de jours avant mon départ d’Arles. Théo m’avait incité à rentrer au plus vite : « Je suis très heureux de pouvoir te dire que j’ai rencontré le docteur Gachet, ce médecin dont Pissarro m’avait parlé. Il a l’air d’un homme qui comprend bien les choses. » Le docteur habitait Auvers-sur-Oise près de Paris. Selon lui, mes crises n’avaient rien à faire avec la folie. Il répondait de ma guérison.

     Contrairement aux appréhensions de Théo qui craignait de me laisser voyager seul, l’interminable trajet de retour d’Arles à Paris s’était bien déroulé. Je me sentais assez frais en arrivant ce samedi matin à la gare de Lyon. Mon frère m’attendait. Coincé dans son costume étriqué, il présentait toujours la même allure de jeune homme, éternel adolescent. La main solide que je lui tendis le rassura sur ma vigueur retrouvée. « Tu vois, tout s’est bien passé, lui dis-je en souriant crânement. J’ai une faim de loup ! »

    Le fiacre stoppa devant l’appartement de la cité Pigalle. Jo nous adressait des grands gestes joyeux par la fenêtre. Le couple s’était marié en Hollande l’année dernière. N’ayant pu venir à la cérémonie, j’étais heureux de rencontrer enfin ma petite belle-sœur que je ne connaissais que par nos échanges de courriers. Elle me plut instantanément : jolie jeune femme au regard vif, intelligent, dont je me rappelais les cheveux courts sur une photo récente qu’elle m’avait envoyée. Sans se soucier de ma barbe mal peignée, elle me claqua deux bises en s’exclamant : « Pour un malade, votre mine est superbe ! ».

     De suite, ils m’amènent devant le berceau de Vincent, mon petit homonyme âgé de trois mois. Nous l’épiions en silence dans son sommeil lorsque, brusquement, il s’éveilla. Je lui tendis une main timide qu’il accrocha prestement de ses petits doigts déjà fermes, sans lâcher. Jo avait souhaité lui donner mon prénom. Dans une lettre, elle m’avait dit : « Nous appellerons notre enfant Vincent Willem et vous serez le parrain ». Les yeux bleus du bébé qu’il tenait de notre famille me scrutèrent, puis se refermèrent doucement.

     Théo entreposait chez lui, faute de place ailleurs, toutes les toiles que je lui envoyais régulièrement. Elles emplissaient l’appartement : les Vergers en fleurs que j’avais pris tant de plaisir à peindre en arrivant à Arles paraient les murs de la chambre à coucher ; mes Mangeurs de pommes de terre, peints à Nuenen, montrant des paysans mangeant leurs pommes de terre à la maigre lueur de leur lampe à pétrole, étaient accrochés au-dessus de la cheminée de la salle à manger. Comme je l’avais suggéré à Théo, un cadre doré renforçait les tonalités brunes de cette peinture d’un intérieur paysan. A mes yeux, les cadres faisaient partie du tableau, ils l’habillaient, le mettaient en valeur.

    — J’aime ce tableau, Vincent… j’ai suivi ton conseil pour l’encadrement, me dit Théo en fixant sur moi son regard translucide.

   Les heures passées dans la chaumière des De Groot pour peindre cette toile déjà ancienne me revenaient en mémoire : un faible éclairage accentuait les ombres et donnait du relief aux traits plutôt laids de ces humbles gens. Le peintre Millet et ses peintures de la vie paysanne m’avaient inspiré. Très loin de ma palette actuelle aux couleurs vives, le tableau que je revoyais maintenant me plaisait toujours autant malgré l’utilisation de teintes sombres.

    — L’œuvre la plus réussie de mes débuts en peinture, dis-je à Théo !… Je voulais exprimer pleinement ce que je voyais. Pour ces petites gens, manger avec leurs mains à même le plat ces patates dont ils avaient eux-mêmes bêché la terre était la récompense de leur dur labeur.

    Des piles de toiles s’amoncelaient sous le lit ou à même le sol dans la salle à manger. Toute cette peinture dispersée dans l’appartement représentait des heures de travail, des journées entières devant le motif. Débauche d’énergie inutile puisque que ma peinture est invendable, pensai-je… Je me demandais encore comment Théo avait pu vendre pour 400 francs un de mes tableaux en février dernier : ma première et unique vente…

   Pour occuper cette première journée parisienne nous décidâmes de revoir mes toiles. Théo savait que cela me ferait plaisir. L’une après l’autre, nous les accrochions sur un mur inoccupé, près de la fenêtre pour la lumière, les examinions longuement, pensifs, puis les remettions à leur place initiale. Les couleurs vives de la Provence éclaboussaient le mur à chaque nouvel accrochage.

   Le meilleur moment de la journée fut celui où nous dénichâmes, sous un tas de toiles accumulées sous le lit, le portrait du Facteur Roulin que j’avais fait à Arles au cours de l’été 1888. Quelle joie de revoir cet ami. Faute de modèles, je l’avais peint plusieurs fois, lui et sa famille. Ce brave homme me prévenait de l’arrivée des lettres de Théo que j’attendais avec impatience car elles contenaient l’argent qu’il m’envoyait chaque mois.

     Nous examinions le portrait de Roulin lorsque j’entendis un discret gloussement à côté de moi.

    — Quelle allure fière et altière pour un facteur, dit Jo, enjouée ! Cet uniforme à boutons dorés et sa casquette barrée de la mention « Postes » au-dessus de la visière lui vont à merveille. Il me fait penser à un capitaine de navire s’apprêtant à embarquer. Et cette curieuse barbe jaunâtre coupée au carré qui lui descend jusqu’à la poitrine, s’étouffa–t-elle en ne retenant plus son plaisir.

      Je regardai Théo, surpris par le rire communicatif de sa femme. La joie nous gagna sans que l’on puisse la contrôler. Nous sanglotions tous les trois devant un facteur. Je crus bon de rajouter, entre deux spasmes, pour compléter la description :

    — Socrate… Je lui donnais ce surnom pour sa ressemblance avec le philosophe grec… Ce bonhomme mesurait près de deux mètres. Un colosse ! Républicain convaincu, il entonnait une Marseillaise vibrante lorsqu’il avait bu, ce qui lui arrivait trop souvent. Il avait même voulu appeler son dernier bébé Marcelle, « comme la fille du brav’ général Boulanger » disait-il au grand scandale de la famille. En échange des séances de poses qu’il m’offrait, je nourrissais l’énorme carcasse de ce personnage qui mangeait trois fois plus que moi. Pantagruel ! Imaginez l’état de mon maigre budget à la fin du mois, d’autant qu’il fallait ajouter à son menu de nombreuses bières qu’il s’enfilait d’un trait.

   L’hilarité atteignait son paroxysme. Assis par terre, nos corps tressautaient en rythme, des larmes inondant nos visages. Cela dura un long moment.

     Jo s’enfuit vers la cuisine et revint portant sur un plateau des verres et une boisson fraîche. Cet épisode burlesque nous avait détendus et nous pûmes terminer l’étude des toiles restantes. Les remarques de Théo et Jo fusaient : « Quel délice ces amandiers en fleurs !... Tes couleurs ont une force ! ». Ils me voyaient heureux. Théo finit par lancer d’un ton doctoral : « Vincent, je suis certain que ton talent ne va pas tarder à être reconnu ! »

    Le lendemain après-midi, à ma demande, nous allâmes à la boutique de la rue Clauzel chez le père Tanguy mon vieux copain, l’ami de tous les peintres impressionnistes qu’il soutenait et aidait. Nos toiles étaient entassées dans une mansarde. Certaines étaient exposées dans sa vitrine. Sans grand succès, Tanguy tentait de vendre notre travail à sa clientèle.

     Je considérais cet homme trapu, plus tout jeune, comme un saint. Combien de fois, lors de mes années parisiennes de 86-88, m’avait-il fourni des tubes de peinture en échange de ma production ! Militant socialiste, il avait fait la Commune de Paris en 1871 et considérait les impressionnistes comme les peintres des petites gens. C’était chez lui et à la galerie de Théo que j’avais fait connaissance avec cette nouvelle peinture que je connaissais mal avant de débarquer à Paris alors que j’habitais encore en Hollande. Elle allait modifier ma vision des couleurs et des formes.      

     Nous tombâmes dans les bras l’un l’autre. De ses larges mains puissantes, de vrais battoirs, il me tambourinait le dos de grandes tapes en criant :

     — Quel plaisir ! Quel plaisir ! Vincent, depuis tout ce temps…

    Il recula et me regarda. Il avait appris mes déboires provençaux : la dispute avec Gauguin, mes crises, mon enfermement à l’asile de Saint-Rémy-de-Provence.

     — Vincent… je ne pensais plus te revoir, me dit-il très ému. Tu parais être dans une forme éclatante !

     — C’est l’air de Paris et le plaisir de vous retrouver tous, dis-je d’un rire forcé pour cacher mon trouble.

     — Je ne t’ai pas encore écoulé de toiles mais cela ne saurait tarder, s’exclama-t-il ! Les goûts sont en train de changer. Les meilleurs impressionnistes se vendent de mieux en mieux, surtout Monet et Renoir, et les collectionneurs commencent à s’intéresser à la nouvelle génération. J’ai appris que tes tableaux avaient eu beaucoup de succès auprès des artistes à la dernière exposition des indépendants. Monet a même dit que tes toiles étaient les meilleures de l’exposition.

    Lui aussi voulait me faire plaisir. Je n’insistais pas connaissant les difficultés à placer ma peinture.

    Nous ne restâmes pas longtemps car la femme de Tanguy ne m’aimait guère et cela se voyait. Elle se souvenait de nos escapades parisiennes anciennes dans lesquelles j’entraînais son mari accompagné de l’ami Toulouse-Lautrec. Nous rentrions titubants au petit matin abrutis pas l’absinthe.

    La visite du Salon du Champ-de-Mars clôtura mon séjour à Paris. Je fus subjugué devant la dernière œuvre de Puvis de Chavannes intitulée Inter Artes et Naturam, heureux compromis entre l’art ancien et nouveau. Le talent de ce peintre symboliste, à la recherche d’une harmonie universelle, m’impressionnait.

     Étourdi par tous ces évènements, je décidai de partir pour Auvers le lendemain.

 

 

Commentaires

  • Bravo pour ta pugnacité à vouloir mener à bien ce projet.

    La première mouture de "Que les blés sont beaux" a donc disparu de Calaméo : le lien que j'avais précieusement conservé m'apprend ce matin que la page n'existe pas ...

  • La version numérique du livre, lisible comme je l’explique sur tablettes, liseuses, Smartphones, etc., ne peut, pour des raisons d’exclusivité, être visible ailleurs sur un blog ou autres. Je l’ai donc supprimée.
    C’était un gros travail. Mais je pense que cela en valait la peine, les livres parlant de peinture, en dehors des monographies de spécialistes, sont peu nombreux. Et Vincent avait tellement de choses à dire…
    Belle journée.

  • Tu as raison, je suis ravie...
    Bravo pour tout, Alain.
    Passe une douce journée.

  • Tu m’as inspiré.
    Van Gogh aurait certainement été heureux de savoir que des enfants malades pourront peut-être obtenir un peu de joie grâce à lui. Il n’en a pas trop eu lui-même dans sa courte vie.
    Belle journée.

  • Bonsoir Alain,
    Je veux vous dire que je suis ravie pour vous de cette initiative et je me ferai une joie de commander votre ouvrage pour les étrennes, justement!
    Une très belle cause que vous défendez là et le talent associé à votre ouvrage que je m'étais régalée à lire.
    Bravo
    Merci pour votre gentil message déposé sur mon blog, je demeure en pause quelques temps encore. Mon mari publiera un article que j'avais écrit le mois dernier et je repose mes yeux autant que possible
    Juste une petite incursion sur des blogs amis pour quelques pensées et remerciements
    Bonne soirée Alain
    Cendrine

  • Merci Cendrine pour votre passage.
    Je suis heureux de publier ce matin l’article annonçant que le livre est désormais disponible.
    Ce qui me ferait vraiment plaisir, comme je le dis dans l’article, serait que ayez la gentillesse de me laisser un commentaire sur le site. Il serait peut-être le premier car vous connaissez déjà mon roman.
    Soignez-vous, Cendrine, et ne prenez pas trop de risques en tentant de passer sur les blogs amis.
    Belle journée à vous, en meilleure forme j’espère.

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