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Un anversois à Paris - Jacques Jordaens (1593-1678)

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Jacques Jordaens –  La famille du peintre, 1622, musée du Prado, Madrid

 

     Pourquoi Jacques Jordaens n’a-t-il jamais connu de grande rétrospective de son œuvre à Paris et en France ?

     Parmi les trois grands peintres anversois du 17ème siècle, Rubens serait-il le génie, Van Dyck le surdoué mort jeune en pleine gloire, et Jordaens un homme simple, bon vivant, jouisseur volontiers vulgaire dans ses représentations de banquets de famille ?

     La France qui possède dans ses musées, notamment au Louvre, de nombreuses toiles du maître, a décidé de rendre à Jacques Jordaens la place qui lui revient parmi les célébrités de la peinture flamande du 17: plus de 120 œuvres venues du monde entier sont encore actuellement présentes, jusqu’au 19 janvier 2014, au Petit Palais à Paris.

     A travers une douzaine de toiles, je montre celles qui me sont apparues les plus représentatives du travail de ce peintre excellant dans tous les types de peinture de cette époque.

 

RELIGION ET MYTHOLOGIE

 

     Converti au Calvinisme, Jordaens travailla constamment, jusqu’à la fin de sa vie, pour peinture,écriture,jordaens,anversl’église, qu’elle soit protestante ou catholique.

     Peter Paul Rubens, figure tutélaire de la peinture flamande, sera une référence constante pour Jordaens qui travailla dans son atelier.

     Celui-ci n’a que 23 ans lorsqu’il peint cette « Adoration des bergers » dans laquelle le traitement des personnages et des carnations sont fortement inspirés d’exemples rubéniens : dans les demi-teintes, les nuances gris bleutés du visage de la Vierge contrastent avec l’ambiance rouge orangé environnante, lui donnant vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Jordaens –  L’Adoration des bergers, 1617, musée de Grenoble

 

 

     Sa famille : le peintre prend souvent sa femme, son fils et ses deux filles pour modèles. Dans cette toile, son épouse Catharina est représentée tenant dans ses bras une de sespeinture,écriture,jordaens,anvers filles, la petite Elisabeth à la physionomie expressive encadrée de boucles blondes. L’influence de l’italien Caravage apparaît nettement dans l’éclairage des personnages, lumineux, se détachant sur un fond sombre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Jordaens –  Sainte famille, 1620, City Art Gallery, Southampton

 

     Contrairement aux représentations habituelles des saints, ceux-ci n’ont aucun attribut d’évangéliste. Le peintre nous montre des hommes ordinaires, rudes. Peut-être de simples paysans ? Seul reconnaissable, le jeune homme au centre de la toile en blanc ne peut être que le disciple Jean, toujours représenté jeune et imberbe.

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Jacques Jordaens –  Les quatre évangélistes, 1628, musée du Louvre, Paris

 

     Cette étude exprimant la terreur de cette femme est une esquisse de réflexion pour peinture,jordaens,anversun tableau d’autel de grande dimension : « Le Martyre de sainte Apolline » destiné à l’église des Augustins d’Anvers. Cette dernière toile fut la seule commande destinée aux trois autels de l’église pour laquelle les trois artistes les plus importants d’Anvers aient collaboré en même temps : Rubens, Van Dyck et Jordaens.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Jordaens –  Etude de tête pour sainte Apolline, 1628, Staatsgalerie, Stuttgart

 

     Joardens multiplie les figures d’apôtre d’après des études d’après nature. Le peintrepeinture,écriture,jordaens,anvers fait de ce vieil homme (peut-être saint Pierre ?) un portrait au faciès particulièrement expressif.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Jordaens –  Figure d’apôtre, 1621, musée des Beaux-Arts, Caen

 

     Je les connais bien ces vaches ! Je les retrouve ici par hasard ! Elles inspirèrent Van Gogh qui en peindra une interprétation personnelle l’année de sa mort en 1890.

     Dans les œuvres mythologiques ou bibliques, les animaux tiennent un rôle important, et tout particulièrement dans les toiles de Jordaens. Il a croqué « sur le vif » cette étude de vaches dans une manière directe et énergique qui ne pouvait qu’inspirer Van Gogh.

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Jacques Jordaens –  Cinq études de vache, 1620, Palais des Beaux-Arts, Lille

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Vincent Van Gogh - Les vaches (d’après Jordaens), 1890, Palais des Beaux-Arts, Lille

 

     Que ne ferait pas Cléopâtre pour conquérir un homme…

     Durant le banquet offert à Marc Antoine, la reine d’Egypte aurait sacrifié une énorme perle héritée de ses ancêtres en la faisant dissoudre dans une coupe de vinaigre. Elle la but ensuite remportant ainsi son pari fait avec Marc Antoine de folle dépense au cours du repas.

     Jordaens nous montre cette scène de façon burlesque. Un bouffon hilare dénonce la vanité des protagonistes.

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Jacques Jordaens –  Le banquet de Cléopâtre, 1653, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg

 

 SCENES DE GENRE – REPRESENTATION DU QUOTIDIEN

 

     Pétris de culture humaniste, Jordaens savait, en bon disciple d’Horace, qu’on n’apprend jamais mieux aux hommes à réformer leurs tares et leurs ridicules qu’en les divertissant. Il se régalait toujours à peindre des scènes de festivités qu’il multipliait en grand nombre.

 

     Difficile d’imaginer une fête de l’Epiphanie plus assourdissante !

     Dans le cartouche du fond est marqué : « In een vry gelach ist goet gast syn », c'est-à-dire « Où la boisson est gratuite, il fait bon être invité ». Tous à moitié ivre, les invités semblent d’excellents convives. Lorsque le roi au centre lèvre son verre, la compagnie l’imite en criant « Le roi boit ! ».

     Cette version du « Roi boit » est particulièrement triviale : une femme essuie les fesses de son enfant ; Jordaens, au premier plan, se caricature sous les traits déformés d’un convive vomissant et renversant un guéridon de vaisselle… La galette ne semble pas encore entamée, comment seront les invités à la fin de la fête ?

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Jacques Jordaens –  Le roi boit !, 1640, Musées royaux des Beaux-Arts, Bruxelles

 

     Ce thème, comme celui du « Roi boit », est souvent représenté dans les toiles flamandes ou hollandaises. Des jeunes et des vieux festoient en chantant. Le cartouche derrière Jordaens, montré en train de jouer de la cornemuse, indique : « Ut Genus Est Genius Concors Consentus ab ortu », soit « L’esprit de l’enfant se conforme dès la naissance à celui de sa race ». Ce genre de tableau pouvait avoir plusieurs significations, dont celle-ci s’apparentant aux vanités : « La vie est transitoire et les générations se succèdent sans parvenir à tirer les enseignements de celles qui les ont précédées ».

  

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Jacques Jordaens –  « Comme les vieux ont chanté, ainsi les jeunes jouent de la flûte » (Les jeunes piaillent comme chantent les vieux), 1645, musée des Beaux-Arts, Valenciennes

 

     Serait-ce la mère de l’artiste ?peinture,écriture,jordaens,anvers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Jordaens –  Deux études de tête de vieille femme, 1618, musée des Beaux-Arts, Nancy

 

     Charmante jeune fille !

 peinture,jordaens,anvers    Dans de nombreuses toiles, Jordaens montre le minois et la chevelure rousse de cette jeune femme. Il s’agit de sa fille aînée Elisabeth âgée d’une vingtaine d’années. Elle tourne légèrement sa tête vers son père dans une moue de complicité tendre.

     Elisabeth  ne se décidera jamais à se séparer de ce père avec qui elle vivra toute sa vie, et décédera, le même jour que lui, d’une épidémie à Anvers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Jordaens –  Portrait d’une jeune dame montrant un bijou, 1639, Gemäldegalerie der Akademie der bildenden, Vienne

 

     J’ai eu un vrai coup de cœur pour cette toile.

     La servante qui nous regarde avec un sourire entendu semble être située dans le même espace que les deux amants. Serait-ce les deux mêmes femmes se faisant face, l’une dans la réalité, l’autre dans un monde féerique ?

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Jacques Jordaens –  Servante avec une corbeille de fruits et un couple d’amoureux, 1630, Glasgow Museums, Glasgow

 

 

     En 1905, pour le 75e anniversaire du pays, l’Etat belge s’appropria Jordaens en l’identifiant à son « peuple » et, en 1953, Léo Van Puyvelde, Conservateur en Chef des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, écrivit :

     « Jordaens concrétise véritablement le sain équilibre, l’activité inlassable de la classe bourgeoise flamande de son temps. Il en en gardera d’ailleurs toujours la mentalité un peu terre à terre. »

 

 

 

Commentaires

  • J'aime ces beaux drapés
    Ces belles transparences dans les mousselines et dentelles
    Un Jacques au regard et au pinceau bien « méticuleux »…
    Merci Alain.

  • C’est beau n’est-ce pas !
    Après la mort de Rubens et Van Dyck, Jordaens sera le peintre flamand le plus demandé. Il le mérite.
    Bonne journée.

  • Bonjour Alain,

    Voilà un peintre qui me charme littéralement... Il capturait les expressions de façon magistrale. Il animait les visages de rides et d’expressions joyeuses et tribales, agitait les drapés dans de subtiles jeu d’ombres et de lumière, faisait tourbillonner dans la magnifique luminosité de ses toiles un foisonnement d’objets et de personnages. Assurément, je suis charmée... Merci pour cette présentation.

    Bonne semaine
    Amicalement

    PS : Je t’ai écrit jeudi dernier par courriel, pour faire suite à nos derniers échanges sur « Si on lisait ». As-tu bien reçu ce message ? Je ne sais trop comment interpréter ton silence...

  • On peut effectivement dire que Jordaens animait ses personnages, surtout dans le thème du « Roi boit » qui l’inspirait beaucoup. J’en connais au moins 6 versions différentes. Ces scènes de festin désopilantes semblaient vraiment l’amuser. Il faut dire que les bourgeois commanditaires, comme dans la peinture hollandaise du 17e, aimaient les scènes de genre. L’artiste peignait souvent sa femme Catharina, son fils Jacob, et sa jolie fille Elisabeth dont je montre le portrait. Il n’hésitait pas à se représenter lui-même de façon grotesque.
    Dans ce peintre on retrouve un savant mélange des couleurs de Rubens et de la finesse de Van Dyck, avec une pointe d’humour en plus.
    Je suis désolé, mais je n’ai pas reçu le courrier dont tu parles. Mon adresse mail est bien : vermeer91@gmail.com.
    Je te souhaite à nouveau une superbe année 2014

  • Je pense que mon goût pour la peinture remonte à l'époque où, petit garçon, j'aimais que ma maman me raconte les images qui ornaient ces boîtes en fer-blanc dans lesquelles étaient rangés des biscuits - Petit Beurre, notamment - que je croquais tout en l'écoutant.
    Deux me sont particulièrement restées en mémoire : "L'Angélus", de Millet et "Le Roi boit", de Jordaens.

    Par la suite, je n'eus de cesse d'amasser les points Artis découpés sur les emballages de nombreux produits d'alimentation parce qu'ils me permettaient de collectionner des ouvrages où il ne me restait plus qu'à coller les photos d'oeuvres de peintres flamands : tu penses bien que celles des trois artistes que tu a cités dans l'article ci-dessus, ainsi que de beaucoup d'autres nettement moins connus du grand public (Paul de Vos, Corneille de Vos et autres David Teniers II le jeune - en deux mots, lui), étaient mises à l'honneur.

    Je viens de passer quelques courts instants à en feuilleter l'un ou l'autre de ces vieux volumes de la fin des années cinquante - j'avais 10 ans en 1958 ! -, avant de rédiger ce commentaire : certes, au niveau de l'édition elle-même semblent-ils obsolètes, et les couleurs bien peu lumineuses.
    Mais il n'en demeure pas moins vrai que ces reproductions et les textes de présentation qui les accompagnaient, tout en n'étant évidemment pas aussi pointus que ceux des catalogues d'expositions contemporains, furent le premier athanor dans lequel je puisai mes premiers rudiments d'une alchimie qui me conduisit à être l'amateur d'Histoire et d'Histoire de l'art en général, et pictural "belge" en particulier, que je suis devenu.

    Merci à toi d'avoir pris le temps de rendre hommage à ce grand artiste que Paris (re ?)découvre pour l'instant.


    Avais-tu vu, à Bruxelles, l'exposition très intéressante qui lui avait été consacrée voici un an : Jordaens et l'Antiquité ?

    (http://www.expo-jordaens.be/fr/the_antique)

  • Petit garçon, j’aurais aimé avoir une maman comme la tienne qui racontait des images. C’est un peu ce que je fais souvent dans le blog. Et puis, « L’angélus » et « Le roi boit » sont, dans un genre différent, d’excellentes toiles pour s’éveiller à la peinture. J’espère qu’il existe encore beaucoup de maman comme la tienne. Cela t’a donné l’amour de l’art et de l’histoire, jusqu’à l’enseignement. Tu le sais mieux que moi, l’éveil, tôt, chez l’enfant est primordial. Lorsque cela manque, il faut ramer longtemps ensuite. Mais avec de la curiosité…
    J’ai vu ton lien sur l’autre expo Jordaens en Belgique. Les peintres de cette période, dans les Flandres, peignaient beaucoup de scènes en rapport avec l’antiquité. De nombreuses toiles du Petit Palais, que je ne montre pas, s’y rapportaient.
    Je ne l’ai pas fait exprès, mais « Le roi boit » est d’actualité cette semaine.

  • Ne t’inquiète pas pour l’orthographe. Personnellement, et cela m’énerve souvent, je fais des fautes engendrées par la concentration sur le texte.

  • Bonsoir Alain,

    Oui, c'est bien à cette adresse que j'ai tenté de t'envoyer le courriel. Peut-être ai-je commis une erreur quelconque. Je viens de retenter un envoi.

    Merci et encore tous mes meilleurs voeux également pour 2014, à toi et ton épouse.

    Bonne nuit

  • Merci, reçu ton message 5 sur 5. Je te réponds.

  • Je découvre le tableau "Servante avec une corbeille de fruits et un couple d’amoureux" qui m'interpelle, on a vraiment l'impression que les personnages sont dans des réalités différentes. La servante est dans la clarté les amoureux dans la pénombre.

  • C’est bien ce qui fait le charme original de ce tableau : les deux femmes se faisant face semblent être situées dans deux mondes différents qui, malgré tout, les unis. Une certaine complicité s’installe.

  • Merci pour votre appréciation.
    Mes meilleurs voeux 2014.

  • Un article vraiment très intéressant, qui console de ne pas avoir vu l'exposition. Merci pour ce beau travail.

  • J’aime bien partager mes visites d’expositions avec ceux qui n’ont pas la chance de les voir. Jordaens gagne vraiment à être connu d’un large public français.

    Carole, dans mon article précédent « Si on lisait ? », vous sembliez apprécier la lecture de livres audio. Esperiidae, une de mes lectrices, déjà donneuse de voix sur le site de Litteratureaudio.com, m’a proposé de lire quelques-uns de mes textes. J’ai hésité et, finalement, lui ai donné mon accord car je sais qu’elle a la sensibilité et la voix pour le faire dans les meilleures conditions.
    Je serais très heureux, si vous m’accordez un peu de temps, d’obtenir votre avis personnel sur la proposition d’Esperiidae. Vous avez remarqué que mes récits ont un rapport étroit avec la peinture. Pensez-vous, ce dont je commence à me convaincre, que ce genre de textes, sans avoir la vision correspondante du ou des tableaux dont je parle, peut s’avérer enrichissant pour des non-voyants ou malvoyants ?
    Votre participation à cette discussion, comme Richard a eu la gentillesse de le faire, m'apporterait un nouvel éclairage.
    Merci beaucoup, Carole, par avance.
    Excellente journée.

  • Merci de me faire redécouvrir Jordaens, Alain ! Il le mérite largement !
    Ce fut un bonheur de te lire et de refaire connaissance (ou même faire connaissance) avec certaines de ses toiles, à la lumière de tes commentaires aussi bienveillants qu'éclairés :)

    Meilleurs voeux à toi et ta famille, pour cette nouvelle année qui commence !

  • J’aime cette peinture flamande du 17e. Elle est aussi bonne que la hollandaise de la même période. Malgré tout, j’ai un faible pour les hollandais qui regorge de grands peintres : De Hooch, Ter borch, Metsu, Steen et, évidemment, Vermeer, Rembrandt. Quelle belle période !
    Excellente année 2014. Que pleins de petits bonheurs (et aussi des grands) s’abattent sur toi et tes proches.
    A bientôt.

  • Comme tu as bien eu raison de me diriger sur ton post que tu avais fait sur ce grand peintre!! J'ai pris du plaisir à regarder ces quelques tableaux!!En lisant le commentaire de Richard, je suis étonnée d'apprendre que le tableau "le roi boit" était reproduit sur les boites de biscuit!! mais pourquoi pas!! hihi! J'aime aussi celui de la "servante" où le visage se reflète dans la cheminée!! quelque peu Freudien!! Bisous Fan

  • Je m’aperçois que tu n’avais pas vu cet article. J’ai bien fait de le montrer dans Facebook.
    Reproduire les toiles sur des boites de biscuits est une bonne idée pour éveiller à l’art. Cela se fait toujours. A mes dernières vacances en Bretagne, les boites de palets bretons reproduisaient des tableaux maritimes ou autres.
    Le tableau de la servante a été mon coup de cœur de l’expo. Jordaens était l’un des plus grands peintres flamands. L’on perçoit dans sa peinture qu’il travailla dans l’atelier de Rubens.
    Merci pour ton commentaire. Passe un bon dimanche.

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