Georges de la Tour – La femme à la puce, Musée historique lorrain, Nancy
Poème
Une jeune puce insouciante
Escaladait nonchalante
La manche tricotée
D’un vieil homme attablé.
Celui-ci, brusquement, leva son verre
Dans une attitude familière,
Bousculant la bestiole volage
Qui plongea dans l’épais lainage.
Le calme revenu aux alentours
Et profitant d’un contre-jour,
La puce se remit à sauter
Sous l’œil surpris du bonhomme amusé.
Etonné par son allure peu farouche
Il l’examinait d’un œil louche,
Evitant de trop bouger
Ne voulant pas la déranger.
L'animal s’aventura jusqu’à la main
Qu’il escalada d’un bond opportun,
Atterrissant sur le pouce
Qui frémit sans aucune secousse.
Le vieillard solitaire, en manque de tendresse,
De la puce appréciait la joliesse,
Admirait sa grâce coquine
Et son allure mutine.
Il s’apitoyait devant sa petitesse,
Son apparente faiblesse,
Pouvait-elle devenir son amie
Pensait-il attendri ?
La puce sautillait sur la peau accueillante,
Souple et attirante.
L’homme séduit, ravi,
Etait heureux, déjà conquis.
La puce prenait ses aises,
Un petit doigt lui servit de trapèze,
Elle s’élança vers l’annulaire
D’une savante pirouette dans les airs.
Le bonhomme voulu dans un élan de tendresse
Lui donner une simple caresse.
Il approcha doucement l’autre main
Dans un geste incertain.
Du vieillard, le discret mouvement furtif
effraya l’insecte craintif.
La puce hésita à piquer
Et d’un saut s’enfuit apeurée.
Le vieil homme, en grande détresse,
contempla sa main désertée
Par son amie soudainement envolée.
Effondré, il saisit la bouteille familière,
Sans hésiter approcha son verre,
L’emplit du liquide carmin
Et dans l’alcool noya son chagrin.
Alain