MONET Claude - Femmes au jardin, 1867, musée d'Orsay, Paris
Monet est amoureux. Au printemps 1867, il vit son amour avec Camille dans une petite maison de banlieue entourée d’un jardin, à Sèvres, près de Ville-d’Avray. Les parfums fruités des boutons de roses libérant leurs corolles envahissent l'air.
Fort du succès obtenu au Salon précédent, l’artiste s’obstine à peindre de nouveau un tableau grand format, une sorte de rattrapage à son Déjeuner sur l’herbe inachevé. Le projet est d’importance : 2,50 mètres de hauteur ; des figures en plein air de jeunes femmes grandeur nature installées au bord d’une allée sur une pelouse ensoleillée.
Monet souhaite peindre la toile entièrement sur le motif, dans le jardin. Il n’a pas lésiné sur les moyens pour réussir son travail. Un fossé a été creusé dans la terre pour pouvoir enfouir progressivement la peinture lorsqu’il en peint le haut. Un système de poulies permet de faire monter ou descendre la toile à la manivelle.
Le projet du peintre : représenter quatre jeunes femmes revêtues de robes d’été élégantes. Faute de moyens financiers, la plupart des robes utilisées pour le Déjeuner seront réutilisées. Deux modèles sont disponibles : Camille et une amie. « Qu’importe tu seras les trois femmes qui seront sur la gauche de la toile, dit le peintre à Camille ! » Gentiment, elle s’exécute. Chaque jour, elle change de robe comme de personnage.
Assise au centre, la toilette de la jeune femme est splendide : une robe et une veste blanches ornées d’élégantes broderies en arabesques noires. Paupières baissées sous l’ombrelle saumon, son regard se penche vers le bouquet de fleurs blotti au creux de sa robe dont le jupon blanc déborde de l’allée. La lumière traverse l’ombrelle et chauffe son visage. La tendance de l’été est au petit chapeau à galettes qui lui enserre les cheveux.
Derrière Camille, c’est à nouveau Camille qui pose pour les deux femmes debout dans l’ombre : de profil, en crinoline blanche rayée de vert, coiffée d’un autre curieux petit chapeau posé sur le chignon dont le ruban blanc lui tombe jusqu’au bas du dos ; de face, jupe droite beige, le visage enfouit dans un bouquet de fleurs, ses grands yeux foncés regardant son Claude qui travaille inlassablement.
Au fond de l’allée rosâtre, une quatrième femme aux cheveux roux cueille une rose. Sa robe en mousseline blanche à pois noirs illumine tout le tableau qui est traversé d’une lumière du jour exceptionnelle.
La nouvelle manière de peindre de Monet ne plait pas au monde poussiéreux du Salon. Ses Femmes au jardin ne sont pas acceptées par le jury du Salon de 1867. Tous ses amis sont également refusés. La plupart, dégoutés, vont envisager de montrer leur travail dans une Exposition des Refusés.
« Qu’ils aillent se faire… éructe Monet en apprenant la décision du jury ! ». Il est d’autant plus furieux qu’il ressent ce rejet comme une insulte envers sa gracieuse compagne, omniprésente sur la grande toile, elle qui avait fait l’objet de commentaires grandiloquents au même Salon de l’année précédente dans La femme à la robe verte.
Malgré les ennuis financiers, une grande joie va arriver dans le couple. En août de cette même année, Camille donne naissance à son fils Jean. Elle a vingt ans, Claude n’en a pas encore vingt-sept. Occupé à peindre des paysages chez ses parents à Sainte-Adresse en Normandie, il ne peut être présent à l’accouchement. Le travail avant tout…
Le fidèle Bazille sera le parrain de l’enfant et, pour aider ses amis, il achète Femmes au jardin.