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Le bleu attend son heure

 

 une histoire de bleu, Jean-Michel Maulpoix

Vincent Van Gogh – Nuit étoilée, 1889, Moma Ney York

 

 

« Épars dans la lumière du jour, le bleu attend son heure. Il fait le guet, il prend son temps. Jamais il ne perdra patience, car il a tout le temps pour soi. Il mûrit sa couleur en d’interminables aurores. »

Une histoire de bleu, Jean-Michel Maulpoix

 

 

     Mon ressenti : du très haut niveau ! Cette poésie en prose exprime une maitrise des mots et des phrases proches de la perfection.
    La touche divisée… Pour l'amateur de peinture que je suis, la poésie de Jean-Michel Maulpoix est, sans conteste, impressionniste. Tout au long de ma lecture, des toiles de grands peintres du 19e, maîtres d'une nouvelle esthétique, m'apparaissaient : Monet, Renoir, Sisley, Pissarro… ceux qui peignaient sur le motif la lumière changeante, l'instantanéité, la fugacité des choses, les émotions troubles et fragiles, en utilisant des couleurs pures et une touche divisée.
Certains mots reviennent le plus souvent pour qualifier ce style de peinture : sensation, touche, lumière, paysage, éphémère, amour, couleurs. Nous les retrouvons dans la magnifique poésie picturale de l'auteur.

 

COULEURS : Le maître-mot est le bleu, langage de ce recueil de poésie. Parfois, une pointe de rouge ou de jaune, pour le contraste, se mêle au bleu :

« Les femmes aux yeux noirs ont le regard bleu… Le bleu ne fait pas de bruit, c’est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge… Ce bleu n’est guère qu’un signe peint, une minuscule araignée d’encre… L’on regarde le bleu dans les rétines du ciel et de la mer… J’ai allumé une cigarette au milieu de la mer, c’est un minuscule point rouge sur le bleu… L'écriture est une effeuilleuse : le bleu de ses yeux coule au petit matin. » 

 

ÉPHÉMÈRE, FUGACE : L’écriture de l’auteur répond à la nécessité du bref, de l’inconstance, du fugitif. Il suffit de recueillir au passage les mots qui s’assemblent en fragments, bribes, phrases courtes laconiques :

« Je n’écris pas, je note furieusement… Tu prends la mer sur des cahiers à gros carreaux où tu traces des lettres rondes qui font des tâches… Comme un linge, le ciel trempe, il passe au bleu. Le bleu d’ici s’estompe quand la nuit tombe. »

 

LUMIÈRE :

« Il semble qu’au soleil couchant, le ciel qui se craquelle se reprenne un instant à croire à son bleu… Les beaux jours, le large poudroie… L’azur, certains soirs, a des soins de vieil or. »

 

PAYSAGE :

« Mais déjà la nuit dépliait ses velours. Des essaims d’abeilles revenaient du large, un peu de bleu collé aux pattes. On voudrait jardiner ce bleu, puis le recueillir avec des gestes lents dans un tablier de toile. »

 

SENSATION, ATMOSPHÈRE :

« Une rumeur de lilas dégringole vers la mer quand, sur les balcons de bois peint, le cœur des marins s’éclabousse… L’infini nous colle aux paupières et nous fait un visage enfariné de clown… Nous accompagnerons du bout des doigts le temps qui passe… Dans les yeux de tes semblables, l’infini n’est jamais monotone. »

 

TOUCHE : les mots claquent parfois par petites touches impressionnistes :

« Chaque fois que ton cœur craque, tu prends ton dé, ta trousse et tes aiguilles : des mots encore des mots, bouts de bois, cabanes d’enfants, excès, accès de ciel, fièvres d’encre, une convoitise de bleu, sa mélancolie de jupes claires ; tu es l’ouvrier de l’amour. »

 

AMOUR

« Le jour venu, l’illusion de l’amour nous fermera les yeux… Celle qui m’aime a les yeux clairs. Elle ne consent à dénouer que ses cheveux, violets, dit-on, comme sont les tresses des muses où les doigts de l’homme restent pris… Elle écarquille son grand œil bleu et te regarde. »

 

    Ce livre est un parcours de vie, celui d’un humaniste. Des flots de plaisir parcourent toutes les phrases. Il faut parfois stopper son regard, et rêver.

 

      « Il te faut écrire comme si tu devais liquider la mer. Les mots sont tout ce qu’il te reste : lance-toi à l’assaut de ce bleu. »

 

     Jean-Michel Maulpoix a reçu le Goncourt de la Poésie en 2022.

 

 

Commentaires

  • Tu doubles mon plaisir en comblant le besoin
    D'admirer l'artisan qui façonne l'armoire
    Et d'honorer celui qui sait en prendre soin.!

    Bonsoir Alain,
    Je termine mon sonnet en apothéose sur le bleu du célèbre tableau de Van Gogh et la poésie de Jean-Michel MAULPOIX que je ne connaissais pas jusqu'à ce soir mais je vais rectifier rapidement cette erreur grâce à toi !
    Bises

  • Ce sonnet est magnifique. Il faut le lire sur quatre notes. Mille mercis Marlène.
    Je l'ai mis dans Babelio. Il faudra rectifier sur Babelio car tu es inscrite comme auteur avec le pseudo Mal'Aime, et comme lecteur sous MarlAime.

  • Bonjour Alain,
    Merci pour ton billet sur Babelio. J'ai bien essayé de faire l'échange que tu me signales mais sans succès et je ne sais pas si cela a une incidence quelconque.
    Bonne journée mon ami

  • Ce n'est pas très important si l'on n'est pas actif comme lecteur sur le site. Sinon il faut faire une demande de contact de l'administrateur.

  • C'est sans doute l'un de mes tableaux préférés...
    Merci pour ta page.
    Passe une douce journée.

  • Certainement le tableau le plus connu de Vincent. Il le peignit alors qu’il était à l’asile Saint-Paul-de-Mausole à Saint-Rémy. J’ai visité cet asile et ai bien failli y rester enfermé. Un lieu inspirant entouré d’oliviers.
    Belle journée Quichottine. J’espère que tu vas bien.

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