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  • Théodore GERICAULT, confidences

     

    L’ultime passion amoureuse d’un romantique

     

     

         Le romantisme… Par l’exaltation de ses sentiments, Théodore Géricault, ami de Delacroix qui l’admirait, l’incarne à lui seul.

         A 17 ans, il entre dans l’atelier du peintre Carle Vernet dont la spécialité est les dessins de chevaux. Il étudie ensuite dans l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin où il rencontre Eugène Delacroix. Le cheval devient sa passion et il aime monter à cheval. Trois chutes successives l’affaibliront. Cette passion du cheval causera son décès prématuré trop jeune.

        En 1819, l’immense scène de naufrage « Le radeau de la Méduse » utilise un fait divers récent et épuise le peintre par l'ampleur du travail. Souffrant, il n’arrive plus à honorer ses commandes et part à Londres exposer son Radeau.

     

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    Théodore Géricault – Le radeau de la Méduse, 1819, musée du Louvre, Paris

     

     

         Une dernière passion amoureuse, plus pour les chevaux cette fois, avec madame Trouillard rencontrée durant l’hiver 1820-1821 à un bal masqué, l’enflamme.

         Il en parle dans les deux lettres ci-dessous, dont la dernière est adressée à madame Trouillard :

     

    Lettre à Pierre Joseph Dedreux-Dorcy (peintre, ami de l’artiste, qui permettra au «Radeau » d’entrer au Louvre) – Londres, le 12 février 1821

     

    Mon cher Dorcy

    […]

    Je ne m’amuse pas du tout et ma vie est absolument celle que je mène à Paris, travaillant beaucoup dans ma chambre et rôdant ensuite, pour me délasser, dans les rues où il y a toujours un mouvement et une variété si grande que je suis sûr que vous n’en sortiriez pas. Mais le motif qui vous y retiendrait m’en chasse. La sagesse je le sens devient de jour en jour mon lot, sans cesser malgré cela d’être le plus fou de tous les sages car mes désirs sont toujours insatiables et quoi que je fasse c’est toujours autre chose que je voudrais faire. Je lithographie à force. Me voilà voué pour quelque temps à ce genre qui, étant neuf à Londres, y a une vogue considérable. Avec un peu plus de ténacité que je n’en ai, je suis sûr qu’on pourrait faire une fortune considérable.

    […]

    Une conquête aussi mon cher Dorcy, car je dois tout vous dire, une femme qui n’est pas de la première jeunesse mais belle encore et entourée de tout le prestige de la fortune s’est fourrée dans la tête d’être folle de moi, folle à la lettre en vérité. Je serai violé incontestablement. Il me faut autant d’art pour lui échapper qu’il en faut souvent pour obtenir de certaines femmes les plus légères faveurs. Elle n’est ni précieuse ni bégueule je vous assure, elle m’appelle le dieu de la peinture et elle m’adore à ce titre.

    Je voudrais pour tout au monde vous tenir ici pour vous conter à loisir toutes ses folies. L’autre jour elle me disait qu’elle voudrait m’élever un autel pour y déposer tous les jours son offrande. Mais c’est qu’elle me respecte vous n’avez pas d’idée et me regarde quelques fois avec un air qui me ferait crever de rire si je ne craignais de la mortifier. Ce qui me désole est que son mari est un excellent homme qui a mille bontés pour moi. […]

    Un silence absolu sur ma passion je vous prie parce qu’elle est probablement connue à Paris.

    Votre dévoué Géricault 

       

    Lettre à Madame Trouillard – Paris, vers mai-juin 1822

     

    Samedi soir.

    C’est après bien des embarras de toute espèce qu’il m’est permis enfin de venir me prosterner à vos pieds, car véritablement vous êtes une créature divine, et en conscience je ne puis pas moins faire. Comment vous témoigner dignement en effet ma reconnaissance pour les deux propositions toutes charmantes que vous me faites, ayant toutes deux pour but de me procurer l’agréable vue de votre personne ; cependant j’hésite, non pas à choisir, cela est facile : s’il vous était possible de vous mettre à la place d’un chétif mortel, de descendre jusqu’à lui ! alors…

    Supposons un instant que Vénus elle-même, feignant un sincère attachement, me fit demander à la recevoir, jugez pour moi quel embarras où me laissait le choix de la visiter chez elle. Je ne suis jamais monté là-haut, je l’avoue et je ne sais trop quelle figure vous y faites ; mais la recevoir chez moi est plus effrayant, s’il est possible, cependant c’est le plus sage : aussi je lui fais répondre que j’aurai l’honneur de l’attendre. J’attends, j’espère, je désire et redoute sa vue. Quelle anxiété. Enfin elle arrive, mon trouble augmente, je m’agite et me remue sans projet. Tout haletant, j’offre un siège mais point assez doux pour elle.

    Belle et riante déesse, car il faut enfin dire quelque chose, aimable sirène des amours, consolation des pâles humains, à quoi puis-je attribuer une faveur si grande, je n’ai rien vous le savez, je ne suis pas.

    Sot, dit-elle aussitôt en se tournant pour que je n’entendisse pas, mais je l’ai entendue ou plutôt vraiment j’ai deviné ; tout déconcerté, j’essaye à continuer, car je sais le respect qu’on doit à tout ce qui habite l’Olympe ; illustre mère d’Anchise, tendre amante d’Enée (ici je perds la tête tout à fait), épouse fidèle de Jupiter, daigne avoir pour moi les soins touchants que tu prodiguais à Adonis, tes plus chères délices ou bien à...: Sot, trois fois sot, faquin !

    A cette grêle d’injures où seulement d’épithètes peu flatteuses, ad libitum, que je n’attendais pas puisque je faisais de mon mieux, je suis tombé atterré, anéanti…

    La pensée seule fait frémir : ne frémissez-vous pas ?

    A propos qu’allez-vous faire à la mer, est-ce raison de santé qui vous y porte ou bien seulement y allez-vous par plaisir ? Les voyages de ce genre durent six semaines ou deux mois tout au plus. Si nous attendions votre retour ?

     

    L’écriture de cette lettre est pleine de passion. Celle-ci va s’achever de façon déchirante peu avant le décès de l'artiste en 1824 à 33 ans.